Santé faunique et humaine : un même enjeu
Le 4 novembre 2025, Brazzaville a accueilli un atelier décisif réunissant chercheurs, vétérinaires et médecins autour d’un objectif commun : éviter qu’un virus animal ne devienne la prochaine crise sanitaire mondiale. L’initiative, saluée par les autorités, embrasse l’approche intégrée One Health.
Piloté par le ministère de l’Économie forestière, le projet est soutenu par la FAO et la Wildlife Conservation Society, avec un financement de l’Union européenne, du Fonds français pour l’environnement mondial et de l’Agence française de développement, preuve d’une synergie internationale en faveur du Congo forestier.
Les organisateurs visent à améliorer la surveillance des maladies zoonotiques, ces pathogènes capables de franchir la barrière des espèces. Dans un pays où 70 % du territoire reste couvert de forêts, la vigilance sur la santé des écosystèmes devient un impératif stratégique.
L’alliance One Health au Congo
« La recrudescence d’épidémies nous rappelle l’urgence d’anticiper », insiste Pissang Tchangai Dademanao, représentant de la FAO. Selon lui, renforcer les capacités locales en détection et réponse rapide permettra de protéger simultanément populations humaines, animaux domestiques et faune sauvage.
Richard Malonga, à la tête de WCS-Congo, rappelle une vision remontant à 1991 : « Faire du Congo un espace où la vie sauvage prospère aux côtés des communautés ». Il œuvre pour que la science éclaire chaque décision, depuis la collecte de données jusqu’à l’éducation des jeunes.
Brazzaville fut ainsi le théâtre d’échanges francs entre médecins du Centre hospitalier universitaire, écogardes d’Odzala-Kokoua et ingénieurs de l’Institut national de recherche forestière. Tous ont partagé leurs protocoles de prélèvement, leurs cartes de risque et leurs retours d’expérience auprès des villages riverains.
Des données partagées pour prévenir les crises
Les discussions ont mis en lumière l’importance de données unifiées. Les équipes vétérinaires recensent déjà les carcasses suspectes sur tablettes GPS, tandis que les laboratoires de santé humaine disposent de tests PCR. L’enjeu est de relier ces bases pour obtenir un tableau en temps quasi réel.
Roger Mbeté, conseiller au ministère, rappelle que les zoonoses représentent une menace pour la croissance économique mondiale. Pour lui, instaurer une veille multisectorielle constitue « une police d’assurance » contre des pertes évaluées en milliards de dollars lors d’épisodes comme Ebola ou la grippe aviaire.
Le concept Une Seule Santé, déjà inscrit dans la Stratégie nationale biodiversité, mise sur la prévention plutôt que sur la réaction. En synchronisant surveillance vétérinaire, contrôle alimentaire et gestion des forêts, le Congo espère réduire les coûts d’intervention et renforcer la confiance des investisseurs.
Actions concrètes et implication communautaire
Concrètement, les participants ont proposé d’élaborer un plan d’action commun couvrant les points chauds identifiés le long du corridor Sangha-Likouala. Des plateformes radio communautaires diffuseraient des messages en langues locales pour expliquer les bons gestes lors de la découverte d’un animal malade.
Le Plan prévoit aussi un renforcement des protocoles de biosécurité dans les marchés de viande de brousse. Des affiches illustrées guideraient les commerçants sur la marche à suivre avant d’introduire un produit en ville, réduisant ainsi le risque de transmission vers les centres urbains.
Les scientifiques congolais, appuyés par le CIRMF, ambitionnent de mettre à jour la cartographie des espèces réservoirs grâce à des capteurs acoustiques et à la télédétection. Ces nouvelles couches SIG aideront les autorités à décider où placer postes vétérinaires mobiles et équipes d’alerte rapide.
Les communautés riveraines se sentent déjà impliquées. « Nous notons chaque gorille malade dans un cahier, transmis ensuite aux conservateurs », témoigne Mama Gisèle, leader d’un groupement féminin à Mbomo. Elle souhaite voir son village bénéficier d’une formation pour utiliser les smartphones fournis par le projet.
Au-delà de la santé, le SWM cherche à maintenir la résilience alimentaire. Une diminution des populations de grands mammifères pourrait accroître la pression de chasse, mais aussi l’insécurité nutritionnelle. En régulant l’exploitation, les partenaires protègent simultanément gibier, revenus et traditions culinaires.
Gouvernance, transparence et avenir durable
Les bailleurs européens voient dans cet engagement un laboratoire de la diplomatie verte. En soutenant un pays couvert de forêts équatoriales, ils consolident les objectifs mondiaux de biodiversité sans remettre en cause les ambitions légitimes de développement recherchées par la République du Congo.
Avant la clôture, un groupe de travail a reçu mandat de rédiger, en trois mois, une feuille de route précisant budgets, responsabilités et indicateurs. Une validation interministérielle est prévue pour ancrer ce texte dans les plans sectoriels, favorisant ainsi la continuité institutionnelle.
Les organisateurs comptent publier chaque semestre un tableau de bord accessible au public. Transparent, cet outil permettra à une étudiante de Pointe-Noire comme à un investisseur étranger de suivre l’évolution des signaux sanitaires et de mesurer l’impact des actions entreprises.
En misant sur la science, le dialogue et l’implication citoyenne, le Congo se positionne comme un modèle régional de prévention. L’atelier du 4 novembre n’est qu’une étape, mais il témoigne d’une volonté partagée : maintenir l’équilibre fragile entre santé publique et splendeur sauvage.
