Congo-Brazzaville place ses pions à Paris
À quelques mois du vote pour la Direction générale de l’UNESCO, Firmin Edouard Matoko, vice-directeur sortant, porte la première candidature de la République du Congo à ce poste stratégique.
Son programme, dévoilé à Brazzaville puis devant la presse internationale, promet une institution plus agile, mieux financée et pleinement mobilisée sur l’éducation, la culture et le climat.
Dans cet entretien, le candidat explique pourquoi l’Afrique, riche de 17 % de la population mondiale, doit « occuper une place centrale et influente » dans les orientations futures de l’agence onusienne.
Une candidature congolaise pour réformer l’UNESCO
Firmin Matoko a grandi à Pointe-Noire avant de diriger pendant deux décennies les programmes africains de l’UNESCO.
Fort de cette expérience, il veut moderniser une gouvernance jugée lente par plusieurs États membres, sans toutefois remettre en cause le multilatéralisme.
« Les décisions s’étirent parfois sur quatre ou cinq sessions ; il faut simplifier pour répondre aux urgences pédagogiques et climatiques », plaide-t-il.
Moderniser la gouvernance et les finances
Le candidat propose un budget participatif publié en temps réel et audité annuellement par un collège mixte d’États, d’ONG et d’universités.
Pour combler le manque annuel estimé à 100 milliards USD sur l’Objectif de développement durable 4, il mise sur des fonds multi-bailleurs, des obligations à impact social et des partenariats publics-privés « strictement éthiques ».
La diversification des ressources doit, selon lui, libérer l’organisation des pressions politiques liées aux contributions obligatoires, tout en garantissant la stabilité des programmes dans la durée.
Il veut installer un tableau de bord public où chaque don, chaque bourse et chaque projet seraient géolocalisés et mis à jour tous les trimestres, à l’image des portails open data utilisés par certaines villes intelligentes.
Priorité à l’Afrique et à la jeunesse
Alignée sur l’Agenda 2063 de l’Union africaine, l’initiative Africa Lab servirait de plateforme d’innovation pédagogique, numérique et climatique.
L’objectif est double : réduire le déficit d’enseignants qualifiés et connecter les campus africains aux grands réseaux de recherche mondiale.
Des programmes ciblés pour les filles en science et les entrepreneurs culturels compléteraient ce dispositif, avec un suivi par des indicateurs de genre et d’emploi.
Selon la Banque mondiale, huit élèves sur dix en Afrique subsaharienne n’atteignent pas le niveau minimum de lecture à dix ans ; Africa Lab vise à réduire cette proportion de moitié d’ici 2030.
La plateforme, connectée à un réseau de satellites d’observation, proposerait également des modules sur l’adaptation climatique, un sujet crucial pour les communautés riveraines du fleuve Congo.
Impacts attendus pour le Congo et le continent
À Brazzaville, les responsables éducatifs saluent une éventuelle élection de Matoko qui donnerait, disent-ils, « un accès privilégié aux meilleures pratiques ».
Le Congo pourrait bénéficier d’un appui renforcé pour la formation d’enseignants, la cartographie numérique du patrimoine et la promotion de l’économie créative.
Au niveau continental, Matoko veut stimuler la coopération Sud-Sud en partageant laboratoires mobiles, cours en ligne ouverts et mécanismes de certificats carbone éducatifs.
Des experts du Centre de recherche géographique de l’université Marien-Ngouabi estiment qu’un leadership congolais à Paris faciliterait l’accès aux bourses internationales pour cartographier les mangroves et lutter contre l’érosion côtière.
Prochaines étapes du scrutin
Les États membres déposeront officiellement les candidatures en avril 2025, pour un vote final attendu à l’automne suivant.
Le diplomate congolais, qui multiplie les consultations, assure qu’il mènera une campagne « transparente et de terrain », notamment auprès des petits États insulaires très exposés aux risques climatiques.
Il insiste sur le fait que sa démarche reste collective : « Je ne porte pas seulement les couleurs du Congo, je porte la voix d’une Afrique positive et ouverte à toutes les collaborations ».
Le processus électoral, très codifié, commencera par des auditions publiques devant le Conseil exécutif, retransmises en streaming, une première étape que Matoko souhaite transformer en dialogue participatif.
Une vision globale ancrée dans les territoires
En s’appuyant sur la télédétection pour surveiller forêts et océans, sur l’intelligence collective des communautés et sur un dialogue rénové avec la jeunesse, Matoko veut faire de l’UNESCO un laboratoire d’idées et d’actions concrètes.
Le scrutin dira si cette vision gagnera l’adhésion des 194 États, mais le débat lancé interroge déjà le rôle de la science, de la culture et de l’éducation dans la réponse globale aux crises écologiques.
Au-delà des murs de l’organisation, il envisage des hubs régionaux, dont un à Oyo, pour co-concevoir des outils éducatifs reposant sur les langues locales et les technologies libres.
Cette approche décentralisée répondrait aux critiques récurrentes sur le caractère trop parisien de l’UNESCO, tout en valorisant les savoirs endogènes.
Regards des partenaires internationaux
À Berlin, la fondation Alexander von Humboldt salue la perspective d’une plateforme scientifique ouverte aux chercheurs du Sud, estimant qu’elle « consoliderait la diplomatie des savoirs dans une période de fragmentation géopolitique ».
Le Conseil international des monuments et sites indique que l’accent mis sur la valorisation du patrimoine africain « pourrait amener de nouvelles inscriptions et un tourisme culturel plus durable ».
Au Japon, l’agence JICA envisage déjà de cofinancer des bourses STEAM pour les jeunes Congolais, si le projet de Matoko est adopté par les États membres.
