Sport de maintien, un concept polysémique
Né des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, le sport de maintien — parfois qualifié de sport santé ou d’activité physique adaptée — ambitionne d’optimiser le capital physiologique, psychologique et social des individus. À rebours du modèle compétitif, il privilégie la régularité, la modération de l’intensité et l’adaptation aux profils de chacun. De Brazzaville à Pointe-Noire, cette pratique gagne du terrain, portée par une jeune classe moyenne en quête de bien-être et par des aînés soucieux de préserver leur autonomie fonctionnelle.
Le paradoxe de l’effort et du réconfort alcoolisé
L’observation de terrains sportifs urbains révèle pourtant un rituel dissonant : la collation post-séance tourne fréquemment au partage massif de boissons alcoolisées. Dans les matchs vétérans dits Ewawa comme dans les regroupements de ndzango, la convivialité se mue en binge-drinking à ciel ouvert. Ce phénomène s’explique par des facteurs culturels — tradition d’hospitalité, sociabilité masculine — et par l’offre commerciale agressive d’opérateurs brassicoles qui sponsorisent tenues et trophées. Au point que certains clubs, soucieux de bien recevoir leurs homologues, offrent une quasi-palette de bières à la fin de la rencontre, brouillant le message sanitaire.
Indicateurs sanitaires à surveiller de près
Les chiffres interpellent. Les maladies cardiovasculaires demeurent la première cause de mortalité en Afrique subsaharienne (OMS, 2020). Au Congo-Brazzaville, le service de neurologie du Centre hospitalier universitaire de Brazzaville faisait déjà état, en 2015, d’un taux de létalité de 26 % pour les accidents vasculaires cérébraux, touchant souvent des sujets âgés de 16 à 54 ans. Entre 32 et 43 % de la population adulte serait hypertendue, beaucoup ignorant leur statut. Dans ce contexte, la synergie alcool-effort non encadré agit comme un accélérateur de risques, annulant en partie les bénéfices métaboliques recherchés.
Responsabilité sociétale des clubs et entreprises
Si l’État fixe le cap stratégique, la gouvernance de la santé publique requiert la mobilisation des acteurs intermédiaires. Les clubs amateurs disposent d’un levier éthique : instaurer des chartes internes bannissant l’alcool immédiat, proposer des jus riches en électrolytes, sensibiliser aux gestes de récupération. De leur côté, les entreprises brassicoles, déjà engagées dans le mécénat sportif, peuvent renforcer leurs programmes de consommation responsable, en substituant les dotations en bière par des équipements ou des séances de dépistage tensionnel.
Politiques publiques en consolidation
Le ministère des Sports et de l’Éducation physique, appuyé par le ministère de la Santé, a lancé ces dernières années des campagnes de promotion de l’activité physique adaptée dans les quartiers périphériques. Des stratégies complémentaires sont désormais à l’étude : pistes cyclables urbaines, formations certifiantes pour coachs communautaires, incitations fiscales à la création de salles polyvalentes de proximité. Selon un haut responsable du département santé, « le défi consiste à articuler attractivité populaire et cadre normatif, afin que le loisir ne devienne pas un facteur de comorbidité ».
Capital humain et impératif de prévention
Préserver l’élan social suscité par le sport de maintien tout en jugulant les dérives alcooliques constitue un enjeu transversal pour le Congo-Brazzaville. Au-delà de la dimension sanitaire, c’est la compétitivité économique et la stabilité démographique du pays qui se jouent. La littérature économique rappelle qu’une hausse de 10 % de la prévalence des maladies non transmissibles pèse de près de 0,5 point sur la croissance annuelle en Afrique centrale. Investir dans des espaces publics sûrs, dans l’éducation nutritionnelle et dans le dépistage précoce revient donc à sauvegarder le capital humain, ressource première de toute stratégie de développement durable.