Un semestre décisif pour la faune protégée
De janvier à juillet 2025, les forces congolaises ont multiplié les coups de filet contre les réseaux de trafic d’espèces protégées. Derrière les chiffres, un dispositif institutionnel se consolide pour défendre la biodiversité, pilier de la politique environnementale soutenue par Brazzaville et ses partenaires.
Neuf présumés trafiquants ont été interpellés dans trois départements, souvent en flagrant délit de détention ou de tentative de commercialisation de peaux de panthère, écailles de pangolin géant et défenses d’éléphant, des trophées intégralement protégés par la loi congolaise depuis 2008.
Coordination gendarmerie-Eaux et Forêts
À Dolisie, Owando et Impfondo, la gendarmerie nationale a agi main dans la main avec les agents des Eaux et Forêts pour surprendre les contrevenants. Selon un officier impliqué, « l’effet de surprise reste décisif, car les trafiquants adaptent sans cesse leurs itinéraires ».
L’appui technique du Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage, plus connu sous l’acronyme Palf, a permis d’affiner la préparation des opérations. Formations sur la chaîne de garde à vue, logistique pour le transport des pièces à conviction, tout est passé au crible.
Communication et arsenal juridique
La presse locale, conviée à chaque étape judiciaire, relaie systématiquement les condamnations. Cette visibilité publique crée un effet dissuasif mesurable. « Lorsque la radio annonce des peines fermes, les rumeurs découragent les imitateurs », observe Justine Goma, rédactrice environnementale basée à Pointe-Noire.
Le socle juridique repose sur la loi n°37-2008 relative à la faune et aux aires protégées. Elle classe éléphants, pangolins et grands félins parmi les espèces intégralement protégées et prévoit des peines allant jusqu’à cinq ans de détention et des amendes substantielles.
Jugements et saisies marquantes
Entre janvier et juillet, huit interpellés ont été placés en détention provisoire. Cinq ont déjà écopé de peines fermes, confirmant la détermination des magistrats. Un procureur d’Owando souligne que « la chaine pénale reste le maillon clé pour faire respecter la norme environnementale ».
Les saisies témoignent de la pression persistante sur des espèces classées en danger critique par l’UICN. Pour les spécialistes, le volume d’écailles de pangolin intercepté en six mois suffit à illustrer l’ampleur de la demande asiatique, malgré la fermeture officielle des principaux marchés.
Coopérations nationales et internationales
Face à ce commerce transnational, le Congo mise sur la coopération régionale. Brazzaville participe aux plateformes d’échange d’Interpol et de la Lusaka Agreement Task Force afin de suivre la trace des cargaisons qui franchissent les frontières terrestres ou remontent le fleuve.
Le Palf, organisation congolaise de droit, fournit des experts capables d’authentifier rapidement les trophées saisis. Leur présence réduit les risques de vices de procédure. « Chaque échantillon est photographié, géolocalisé et scellé avant l’audience », détaille son coordinateur, Dieudonné Oko, rencontré à Brazzaville.
Sensibilisation et stratégie de développement durable
Au-delà de la répression, les autorités multiplient les campagnes communautaires. Dans les villages riverains des parcs, des séances de théâtre participatif rappellent la valeur spirituelle de la faune emblématique et les bénéfices économiques du tourisme durable, moteur indirect d’emplois locaux.
La dynamique s’inscrit dans la Stratégie nationale de développement durable 2022-2031, validée par le gouvernement, qui ambitionne de réduire de 50 % la criminalité environnementale à l’horizon 2030. Les partenaires techniques, dont l’Agence française de développement, apportent un financement ciblé sur les unités spécialisées.
Technologies et maillons critiques
Les douanes, prochain maillon renforcé, devraient être dotées de scanners mobiles capables de détecter l’ivoire dissimulé dans les chargements de bois. Un projet pilote est en cours à Pointe-Noire, port stratégique pour le commerce sous-régional, avec un déploiement prévu dans deux ans.
Certains observateurs rappellent toutefois que la demande reste le principal moteur. Les négociants étrangers, rarement présents lors des arrestations, orchestrent souvent les filières à distance. D’où l’importance des coopérations judiciaires pour tracer les flux financiers et démanteler les cellules de blanchiment.
Des start-up nationales testent par ailleurs l’intelligence artificielle pour analyser les images captées par pièges photographiques dans la zone de Nouabalé-Ndoki. Les algorithmes repèrent les déplacements suspects et transmettent des alertes en temps réel, permettant aux rangers d’intervenir avant que le braconnage ne se concrétise.
Tendance et perspectives 2025
Le bilan semestriel 2025 confirme malgré tout une tendance encourageante : la fréquence des saisies augmente pendant que la valeur moyenne des cargaisons diminue, signe que le risque devient trop élevé pour les grands réseaux. Les analystes y voient un effet préventif tangible.
En consolidant la synergie entre forces de sécurité, justice, société civile et partenaires internationaux, le Congo-Brazzaville illustre la possibilité d’une gouvernance verte axée sur la responsabilité. Les arrestations de 2025 s’inscrivent ainsi dans une trajectoire de protection durable du patrimoine faunique national.