Arrestations coordonnées à Owando et Impfondo
Owando et Impfondo, deux chefs-lieux des forêts nord-congolaises, retiennent leur souffle. Les 15 et 16 octobre 2025, deux suspects ont été appelés à la barre pour avoir transporté ivoire, peaux de panthère et écailles de pangolin.
Ces cas illustrent une délinquance faunique encore active malgré le maillage sécuritaire renforcé par la gendarmerie nationale et le Service des eaux et forêts, épaulés par le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage.
Loin d’être anecdotiques, les audiences pourraient devenir un référentiel national pour la répression du trafic d’espèces intégralement protégées, un crime passible de cinq ans d’emprisonnement et de cinq millions de francs CFA d’amende au Congo.
L’homme arrêté à Owando avait dissimulé trois pointes d’ivoire équivalant à deux éléphanteaux abattus, rapportées d’Etoumbi avant d’être stockées dans la capitale de la Cuvette en attente d’un acheteur potentiel.
À Impfondo, la prévenue, une commerçante connue sur les quais du fleuve Oubangui, possédait deux peaux de panthère, mais aussi un sachet rempli d’écailles et de griffes de pangolin géant, prisé dans certains trafics transfrontaliers.
Selon un officier de la gendarmerie présent à l’audience, la rapidité de la procédure a été rendue possible par « la collaboration immédiate des riverains, fatigués de voir leur faune disparaître ».
Un cadre légal strict pour les espèces protégées
La loi congolaise sur la faune de 2008 classe l’éléphant, la panthère et le pangolin géant parmi les espèces intégralement protégées; la simple détention de leurs trophées constitue une infraction, indépendamment de l’origine ou de la destination envisagée.
Le ministère de l’Économie forestière rappelle que le cadre réglementaire sert aussi de bouclier pour les communautés dont la sécurité alimentaire dépend des services écologiques fournis par ces animaux emblématiques.
« Un éléphant vivant protège les semis grâce à ses couloirs de migration, un pangolin régule les fourmis qui dévastent les cultures », insiste un technicien local des eaux et forêts pour illustrer l’importance économique indirecte de la conservation.
Biodiversité menacée, réactions locales
Dans les deux villes, les organisations de la société civile ont organisé de petits rassemblements pacifiques devant les tribunaux, brandissant des pancartes rappelant le rôle clé de la biodiversité dans la stabilité climatique régionale.
À Owando, Rosalie Obili, étudiante en agronomie, explique que « voir la justice agir publiquement réconforte les jeunes, souvent tenaillés par le sentiment d’impuissance face au braconnage ».
Les autorités locales saluent l’élan citoyen. Le préfet de la Likouala souligne que la vigilance populaire constitue « un premier rempart » et annonce une tournée de sensibilisation dans les villages riverains des parcs pour expliquer les sanctions et les alternatives légales.
La chaîne judiciaire à l’épreuve
Les deux procès, surveillés par les observateurs de P.A.L.F., doivent aussi tester la coordination entre police judiciaire, parquet et juge du siège, maillon parfois fragile dans la lutte contre la criminalité environnementale.
La défense a sollicité un renvoi pour vérifier l’authenticité scientifique des pièces à conviction, requête rejetée après expertise rapide du Service des eaux et forêts, qui a confirmé l’origine protégée des trophées saisis.
Pour Me Justin Mabiala, avocat au barreau d’Owando, la célérité observée « rassure les bailleurs, souvent inquiets d’un possible enlisement », un signal positif pour les futurs partenariats financiers en faveur de la conservation.
Vers une répression plus dissuasive
Les peines encourues – cinq ans de prison et cinq millions de francs CFA – n’ont jusqu’ici été prononcées qu’exceptionnellement; les observateurs espèrent que ces audiences établiront un précédent dissuasif.
Le procureur d’Owando affirme travailler sur une base de données des condamnations pour suivre la récidive et publier des statistiques annuelles, outil présenté comme « essentiel pour adapter l’effort répressif aux réalités du terrain ».
Des magistrats en poste à Brazzaville suggèrent déjà d’étendre les audiences publiques à la radio communautaire, estimant que l’effet d’exemple peut dépasser les murs du tribunal et influencer les marchés informels proches des frontières.
Sensibilisation et alternatives économiques
Plusieurs ONG locales profitent de l’attention médiatique pour distribuer des brochures sur les filières de miel, de cacao ou d’artisanat que le gouvernement subventionne, afin d’offrir aux chasseurs une transition économique crédible.
À Etoumbi, d’où provenait l’ivoire, un groupement de femmes transforme déjà les coques de noix sauvages en bijoux vendus lors des foires scolaires; la gendarmerie y voit la preuve qu’« une économie légale de la forêt est possible pour tous ».
Prochaines étapes surveillées de près
Les verdicts sont attendus avant la fin de l’année judiciaire. Le suivi médiatique prévu par les radios locales devrait offrir une rare transparence sur l’application concrète du code forestier et l’avenir des deux prévenus.
Pour nombre d’observateurs, ces procès marquent une étape symbolique vers une justice environnementale plus visible, capable de protéger les trésors fauniques du bassin du Congo au bénéfice durable des populations.
Reste à mesurer l’impact réel sur le terrain, là où éléphants et panthères tracent leurs pistes.
