Un atelier stratégique pour la diplomatie climatique
Brazzaville a accueilli, le 12 août, un atelier décisif réunissant plus de soixante-dix experts nationaux et internationaux sur la protection des tourbières congolaises.
La rencontre, coorganisée par la FAO et le ministère de l’Environnement, visait à valider une définition officielle de la tourbe, étape clé pour les politiques climatiques.
Le coordonnateur onusien Abdourahamane Diallo a rappelé l’importance stratégique de ces écosystèmes, capables de stocker des décennies d’émissions nationales de dioxyde de carbone.
En ouverture, la ministre Arlette Soudan Nonault a souligné que la reconnaissance scientifique des tourbières sécurise la crédibilité diplomatique du Congo dans les négociations climatiques africaines.
Cette dynamique illustre l’alignement entre science, gouvernance et coopération internationale, un triptyque désormais incontournable pour mobiliser les financements carbone promis au continent.
Tourbières congolaises : un trésor carbone
Le bassin du Congo abrite 165 500 kilomètres carrés de tourbières, dont 55 000 situés en République du Congo et contenant environ 11 milliards de tonnes de carbone.
Ces chiffres, issus des travaux CongoPeat et confirmés par l’Université Marien Ngouabi, placent le pays parmi les principaux réservoirs tropicaux de carbone.
La profondeur atteignant parfois six mètres rend ces sols particulièrement vulnérables aux incendies et au drainage, deux pratiques pouvant libérer massivement du CO₂.
Or, la saturation permanente en eau constitue le principal mécanisme de conservation organique, d’où la nécessité d’une gestion hydraulique rigoureuse.
Selon le chercheur Suspense Ifo, maintenir ce niveau d’humidité revient à « conserver un capital climatique équivalent aux émissions annuelles de l’Union européenne ».
Les diplomates présents y voient un argument fort pour promouvoir une économie verte axée sur la valorisation des services écosystémiques au-delà de la seule exploitation forestière.
La faune spécifique des marais tourbeux, telle que le singe Allen et le perroquet gris, bénéficie directement de la stabilité hydrique assurée par les racines spongieuses de Raphia.
Processus de définition scientifique harmonisée
Jusqu’ici, chaque discipline utilisait son propre référentiel, générant des divergences entre critères agricoles, hydrologiques et énergétiques.
L’atelier a donc confronté vingt ensembles de critères internationaux pour dégager une grille adaptée aux réalités congolaises.
Quatre paramètres ont fait consensus : épaisseur minimale de trente centimètres, teneur organique supérieure à 25 %, saturation en eau prolongée et âge supérieur à mille ans.
Cette approche, soutenue par la FAO, assure la compatibilité avec la typologie de la Convention de Ramsar et les orientations du GIEC.
Elle facilite également l’accès aux mécanismes REDD+ qui exigent des définitions transparentes pour attribuer des crédits basés sur les réductions d’émissions vérifiables.
En adoptant une norme unique, le Congo se positionne comme laboratoire régional, susceptible d’inspirer ses voisins dans l’élaboration de cadres similaires.
Cartographie de précision et nouvelles données
Les géomaticiens ont présenté une cartographie haute résolution combinant imagerie satellite Sentinel, relevés LiDAR et forages pédologiques.
Cette méthodologie réduit l’incertitude de superficie de 20 % à moins de 5 %, un progrès salué par les bailleurs.
Elle identifie également des zones non échantillonnées par CongoPeat, notamment dans la Likouala septentrionale où la profondeur excède souvent quatre mètres.
Les chercheurs ont insisté sur la nécessaire vigilance : la moindre route ou coupe de canaux pourrait altérer l’hydrologie et donc la fonction de stockage.
Les autorités envisagent d’intégrer ces couches cartographiques au système national d’information forestière afin de guider les évaluations d’impact environnemental avant toute infrastructure.
De nouvelles forages montrent une densité apparente moyenne de 0,09 g/cm³, valeur plaçant ces sols parmi les plus légers du monde tropical.
Enjeux socio-économiques et perspectives de gouvernance
Les tourbières soutiennent des moyens de subsistance locaux grâce à la pêche, à la récolte de rotin et à l’agriculture sur brûlis pratiquée en périphérie.
La ministre a rappelé que toute stratégie de conservation devra concilier protection écologique et sécurité alimentaire pour les communautés riveraines.
Un cadre participatif est envisagé, inspiré du modèle des concessions communautaires forestières, afin d’associer chefs traditionnels et administrations déconcentrées.
Les bailleurs, dont l’Initiative pour la Forêt de l’Afrique centrale, conditionnent déjà leurs contributions à l’existence de tels mécanismes inclusifs.
Des projets pilotes de valorisation de crédits carbone domestiques pourraient mobiliser jusqu’à 30 millions de dollars par an, selon une étude du PNUD.
Le gouvernement prévoit aussi un programme de formation de cinq cents jeunes cartographes locaux, afin de renforcer l’emploi rural et la surveillance participative.
La voie d’une protection inclusive et durable
Avant la clôture, les participants ont adopté une feuille de route prévoyant la finalisation du décret de définition et la création d’un observatoire national des tourbières.
Cet organe, doté d’un mandat scientifique, collectera les données et publiera chaque année un indice d’intégrité écologique.
Les représentants de la société civile ont salué un « dialogue sans précédent » avec l’État, gage de transparence et de durabilité.
À moyen terme, la consolidation de cet outil pourrait renforcer l’image du Congo comme acteur responsable lors des COP à venir.
En articulant science, diplomatie et développement local, le pays démontre qu’une gouvernance éclairée des tourbières peut contribuer à une trajectoire climatique favorable et inclusive.