Une jeunesse porteuse d’innovation verte
À 22 ans, Divine Thomono symbolise la nouvelle vague d’entrepreneurs verts de Brazzaville. Diplômée en procédés industriels alimentaires, elle a transformé un mémoire universitaire en entreprise cosmétique écoresponsable : Thomono Maison artisanale.
Son projet est né dans les laboratoires de l’Université Marien-Ngouabi, où elle a étudié les potentialités de la citronnelle, plante endémique et abondante. « J’ai voulu prouver qu’une ressource ordinaire peut générer de la valeur ajoutée locale », confie-t-elle.
Depuis deux ans, son atelier produit des savons antiseptiques et des parfums répulsifs. Les premiers lots ont séduit familles, étudiants et expatriés friands de solutions naturelles contre les bactéries et les moustiques. L’engouement a rapidement dépassé le cercle académique.
L’initiative s’inscrit dans la volonté nationale de diversifier l’économie et de soutenir les filières vertes, objectif rappelé lors de la Semaine congolaise du développement durable 2023.
Citronnelle : trésor pharmacologique du terroir
Longtemps cantonnée aux infusions familiales, Cymbopogon citratus révèle un potentiel industriel méconnu. Riche en citral et géraniol, son huile essentielle possède des propriétés antimicrobiennes et antifongiques documentées par l’Institut national de recherche en sciences exactes.
Les analyses physico-chimiques menées par la jeune chimiste ont confirmé un pH doux, un pouvoir moussant stable et une activité bactéricide satisfaisante. « Les tests cutanés ont montré moins d’irritations et une réduction du sébum sur peaux grasses », explique-t-elle.
En parfumerie, l’extrait agit également comme répulsif naturel. Dans un contexte où le paludisme reste un enjeu de santé publique, la double fonction hygiénique et protectrice des produits Thomono suscite un intérêt croissant des pharmacies urbaines.
La démarche rejoint les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé encourageant l’intégration des savoirs botaniques africains dans les industries locales.
Une chaîne de valeur inclusive et locale
Toutes les matières premières proviennent du marché domestique. L’huile de palme, le beurre de karité et la citronnelle sont livrés par un réseau de coopératives féminines du Pool et de la Cuvette. « Je veux que leur travail soit visible sur chaque savon », insiste Divine.
Ce maillage artisanal réduit l’empreinte carbone liée au transport et maintient la richesse créée dans les territoires. Selon le Programme des Nations unies pour le développement, chaque franc investi dans l’économie circulaire génère jusqu’à deux emplois indirects.
La fondatrice ambitionne de contractualiser avec 50 récoltantes d’ici à 2025. Un objectif jugé raisonnable par l’ONG Brazzaville Vert, qui accompagne la formalisation de ces micro-exploitations.
L’inclusivité rejoint la Stratégie nationale genre. Le ministère de la Promotion de la femme a salué le modèle lors du dernier Salon Made in Congo, soulignant la convergence entre autonomisation féminine et protection de la biodiversité.
Packaging, visibilité : des défis à relever
Si le produit séduit, le conditionnement reste perfectible. Les savons sont encore enveloppés dans du plastique simple. « Je recherche un fournisseur de cartons recyclés pour passer à un emballage compostable », admet la cheffe d’entreprise.
Le financement constitue un autre nœud. Les micro-crédits dédiés aux PME vertes plafonnent à des montants jugés insuffisants pour moderniser la chaîne de production. L’Agence de développement des PME étudie toutefois un guichet spécifique au secteur cosmétique bio.
Côté marketing, la marque s’appuie surtout sur le bouche-à-oreille et les réseaux sociaux. Un premier point de vente physique a ouvert à Africa Shop, en centre-ville, face à un flux quotidien d’environ 1 000 passants.
Des partenariats sont en négociation avec deux enseignes de grande distribution et un réseau de six pharmacies. Leur entrée permettrait à Thomono de s’implanter dans les quartiers périphériques, souvent dépourvus de produits dermatologiques adaptés.
Perspectives d’une cosmétique durable congolaise
Les projections de marché demeurent favorables. Selon la Banque africaine de développement, la demande régionale en soins naturels croît de 8 % par an, portée par une classe moyenne attentive aux questions sanitaires et environnementales.
Thomono Maison artisanale souhaite, d’ici trois ans, lancer une ligne de shampoings solides et de crèmes hydratantes toujours à base de plantes congolaises. Un partenariat de recherche avec l’Institut supérieur des sciences de santé est en cours de formalisation.
« Notre ambition est simple : devenir la référence locale du soin cutané sûr, abordable et climato-responsable », résume Divine Thomono, le regard tourné vers les marchés d’Afrique centrale.
Le parcours de cette jeune entrepreneuse montre qu’une filière cosmétique durable peut éclore au Congo-Brazzaville. En valorisant la biodiversité et en intégrant les femmes rurales, elle illustre la synergie possible entre écologie, santé publique et développement économique.