Sur l’Avenue des Premiers Jeux africains, Sameb s’impose
L’odeur résineuse guide les visiteurs dès l’entrée du futur village artisanal de Brazzaville, face au stade Alphonse-Massamba-Débat. Pendant quinze jours, le Salon des métiers du bois, quatrième du nom, transforme l’avenue des Premiers Jeux africains en grand marché créatif.
Sous le patronage de la ministre Rosalie Matondo, la cérémonie d’ouverture a réuni son homologue des PME Jacqueline Lydia Mikolo, des représentants du PNUD et la mairie de Makélékélé. L’événement gagne ainsi une portée institutionnelle qui dépasse le cercle purement artisanal.
Le bois congolais, moteur de diversification
Dans un contexte de dépendance persistante aux hydrocarbures, la filière forêt-bois apparaît comme un vecteur crédible de diversification économique. Le gouvernement souligne régulièrement que les forêts couvrent 69 % du territoire congolais, avec un potentiel estimé à 900 millions de mètres cubes exploitables.
Le Sameb se veut la vitrine de cette ambition. En promouvant la consommation locale de meubles, de sculptures ou de panneaux issus d’espèces peu connues, les organisateurs cherchent à déplacer la valeur ajoutée, jusque-là captée par l’exportation de grumes, vers des chaînes de transformation domestiques.
La taxation progressive à l’export envisagée par le ministère de l’Économie forestière pourrait accélérer ce recentrage. Inspirée du modèle gabonais, elle prévoit de majorer de 30 % les droits sur les grumes non transformées tout en offrant des abattements aux sites dotés de chaînes de sciage locales.
Des chiffres qui parlent
Cette quatrième édition rassemble 136 exposants, dont 39 menuisiers, 12 vanniers, 14 sculpteurs et 18 perlières. La proportion féminine, encore minoritaire, progresse légèrement, signe qu’un marché en expansion peut aussi devenir levier d’autonomisation économique pour les artisanes.
Le flux quotidien de visiteurs dépasse, selon le comité, 2 000 entrées, soit une hausse de 15 % par rapport à 2023. Ces données confirment l’intérêt grandissant pour des produits qui conjuguent esthétique, utilitaire et faible empreinte carbone.
Artisanat et emploi local
Au-delà du chiffre d’affaires immédiat, l’enjeu central demeure la création d’emplois qualifiés. D’après la ministre Mikolo, chaque atelier de menuiserie génère en moyenne cinq postes directs et trois indirects, notamment dans la filière du raphia, du transport ou de la finition.
Les exposants soulignent cependant la difficulté d’accéder à des machines à commande numérique, encore rares et coûteuses. « Si nous voulons concurrencer les importations, il nous faut moderniser nos outils », explique Jean-Paul Ndinga, jeune ébéniste formé au Centre de valorisation du bois.
Pour pallier ces obstacles, la Banque de développement des États de l’Afrique centrale prépare une ligne de crédit ciblée sur les PME du bois. L’annonce, faite en marge du salon, alimente l’espoir d’une montée en gamme industrielle sans sacrifier le tissu artisanal.
Enjeux climatiques et gestion durable
La République du Congo est membre du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo, qui exige des plans d’aménagement intégrés avant toute coupe industrielle. Le salon constitue un laboratoire grandeur nature pour diffuser ces normes auprès d’acteurs parfois éloignés des circuits administratifs.
Les master-class, animées par l’École nationale des eaux et forêts, initient les artisans à la certification FSC et aux techniques d’optimisation des chutes. « Rien ne doit finir en déchet », insiste le formateur Clément Tchibinda, rappelant que la valorisation des rebuts réduit la pression sur les peuplements.
À l’heure où la COP30 se profile, Brazzaville veut montrer que la gestion durable des ressources ligneuses peut rimer avec retombées locales. Les stands consacrés au bambou, plante à croissance rapide, illustrent cette convergence entre adaptation climatique et impératif socio-économique.
Partenariats et diplomatie économique
Le PNUD, partenaire historique, finance pour 320 000 dollars un programme de jumelage entre ateliers de Brazzaville et startups ivoiriennes travaillant le teck recyclé. L’objectif est de stimuler le transfert de savoir-faire et d’ouvrir des débouchés sous-régionaux.
Des diplomates, présents lors du parcours inaugural, ont salué la « diplomatie du bois » défendue par les autorités congolaises. Elle entend transformer un produit brut en vecteur d’image, tout en consolidant les courants commerciaux de la Zone de libre-échange continentale africaine.
La présence d’acheteurs venus du Rwanda et du Gabon confirme cette projection régionale. Selon Mireille Opa Elion, commissaire générale, la conclusion de six protocoles d’intention dès la première semaine prouve que le salon n’est plus seulement un événement grand public, mais un marché structuré.
Vers un écosystème circulaire
Les organisateurs réfléchissent déjà à 2026. Parmi les pistes, la création d’un label « Made in Congo Wood » garantirait traçabilité et design d’origine géographique, à l’image des indications protégées dans l’agro-alimentaire. Les consultations devraient commencer après la clôture du 25 août.
Parallèlement, l’Institut national de recherche forestière prépare un projet pilote de séchage solaire communautaire, afin de réduire la consommation d’énergie fossile des petits ateliers. Une phase de test sur dix artisans du quartier Makélékélé est prévue avant la saison des pluies.
En attendant ces évolutions, l’affluence du Sameb 2025 illustre une réalité : la transition écologique s’ancre aussi dans les savoir-faire domestiques. À travers le bois, Brazzaville rappelle que la préservation des forêts peut devenir moteur d’emplois, de diplomatie et de fierté nationale.