Le bois congolais, une ressource patrimoniale stratégique
Du massif forestier du Mayombe aux plateaux Batéké, la République du Congo dispose d’une mosaïque écosystémique qui place le bois au rang de ressource patrimoniale. Selon les estimations du ministère de l’Économie forestière, près de 65 % du territoire national est couvert de forêts, faisant du pays le deuxième poumon vert d’Afrique centrale après la RDC. Depuis l’entrée en vigueur du Code forestier révisé, Brazzaville a adopté une politique de gestion durable articulée autour des principes de traçabilité et de certification, de sorte que chaque grume exportée ou transformée localement soit désormais accompagnée d’un carnet de route écologique. « Notre objectif est d’extraire moins, de transformer mieux et de restituer davantage à la forêt », rappelait récemment Rosalie Matondo, ministre de l’Économie forestière, lors d’un échange avec les bailleurs du Partenariat pour les forêts du bassin du Congo.
Sameb : laboratoire d’une sylviculture responsable
C’est dans cet environnement normatif que s’inscrit le Salon des métiers du bois (Sameb), dont la quatrième édition adopte le leitmotiv « Bois et artisanat : de la forêt à la maison, consommons congolais ». Co-organisé par les ministères en charge des PME et de l’Économie forestière, et placé sous le haut patronage du Premier ministre, le rendez-vous du 11 au 25 août ambitionne de fédérer artisans, scientifiques et décideurs publics autour d’une même table. Jacqueline Lydia Mikolo, ministre des Petites et Moyennes entreprises et de l’Artisanat, souligne que « les Congolais, souvent séduits par des produits importés onéreux, ignorent parfois qu’un meuble en bois rouge ou une pièce de vannerie de qualité supérieure sont fabriqués ici même, à des prix accessibles ». D’où l’importance de redonner de la visibilité à un tissu de micro-entreprises qui, faute de vitrines, peine à conquérir le marché domestique.
Diversification économique et création d’emplois verts
En dehors de son rayonnement culturel, le Sameb est perçu comme un maillon du programme national de diversification économique, activement soutenu par les autorités dans le cadre du Plan national de développement 2022-2026. La transformation locale du bois représente déjà plus de 25 000 emplois directs, auxquels s’ajoutent de nombreux effets d’entraînement sur le transport, la logistique ou encore la formation professionnelle. Le Centre de recherche forestière, en partenariat avec l’Université Marien-Ngouabi, multiplie les modules de certification pour familiariser les jeunes diplômés aux techniques de séchage solaire, de collage à faible émission de composés organiques volatils et de design circulaire. L’objectif affiché est de faire émerger une génération d’« artisans-ingénieurs », capables de répondre simultanément aux exigences esthétiques des marchés internationaux et aux impératifs de compliance environnementale.
Vers un marché intérieur résilient et éco-conscient
La notion de « consommer congolais » s’inscrit, plus largement, dans une dynamique de souveraineté commerciale et de résilience économique face aux chocs exogènes. La pandémie de Covid-19 a mis en lumière la vulnérabilité des chaînes d’approvisionnement mondiales, incitant État et secteur privé à relocaliser certaines filières. En investissant dans le marketing territorial et l’éco-label « Bois du Congo », les pouvoirs publics entendent rassurer le consommateur sur l’origine légale et l’empreinte carbone limitée des produits. Cette stratégie est doublée d’un dispositif incitatif : réduction des droits de douane sur les équipements de première transformation, lignes de crédit bonifiées de la Banque postale du Congo et foires régionales itinérantes visant à rapprocher l’offre artisanale des zones rurales. Les observateurs relèvent déjà une hausse sensible de la demande locale en mobilier scolaire et en modules préfabriqués pour l’habitat, deux segments où le bois local concurrence avantageusement les importations asiatiques.
Coopération régionale et attractivité diplomatique
Au-delà des frontières, le Sameb s’érige en plateforme de diplomatie économique. Le Maroc, l’Angola, la Namibie et la République démocratique du Congo ont confirmé leur participation, témoignant d’un intérêt croissant pour des partenariats Sud-Sud axés sur l’innovation verte. Plusieurs mémorandums d’entente sont annoncés, notamment avec l’Agence marocaine pour le développement du bois certifié, afin de partager savoir-faire en matière de labellisation FSC et de financement climat. Pour les chancelleries présentes à Brazzaville, l’événement offre aussi l’opportunité d’observer comment un État forestier consolide son leadership écologique tout en soutenant sa base industrielle. « Le bois congolais recèle un double potentiel, économique et diplomatique, dont nous mesurons chaque année davantage la portée », confie un conseiller économique de l’Union africaine. En articulant valorisation patrimoniale, création d’emplois verts et rayonnement international, le Sameb 2024 illustre l’équilibre recherché entre ambition verte et pragmatisme économique au sein de la stratégie nationale de développement durable.