Un secteur forêt-bois stratégique
Au Congo, le secteur forêt-bois s’impose comme l’un des piliers voulus de la diversification économique recherchée depuis plusieurs années. Le tissu artisanal, longtemps confiné aux marchés locaux, cherche désormais à escalader l’échelle de valeur tout en consolidant les emplois ruraux et urbains.
Selon le ministère de l’Économie forestière, 69 % du territoire national restent couverts par la forêt, soit environ 22 millions d’hectares. Le potentiel ligneux, évalué à 900 millions de mètres cubes et composé de plus de 300 essences exploitables, n’est encore valorisé qu’à 1,7 million de mètres cubes chaque année.
Sameb 2023, vitrine du made in Congo
Dans ce contexte, la quatrième édition du Salon des métiers du bois s’est ouverte à Brazzaville du 11 au 25 août. Installé au village artisanal voisin du stade Alphonse-Massamba-Débat, le Sameb 2023 a réuni artisans, industriels, chercheurs et acheteurs internationaux autour du mot d’ordre « consommons congolais ».
Le thème « Bois et artisanat : de la forêt à la maison » reflète la volonté institutionnelle de stimuler la transformation locale. En favorisant la rencontre directe entre exploitants certifiés, designers et consommateurs, le salon vise à internaliser davantage de revenus et à réduire la dépendance aux importations de meubles.
« Nous voulons valoriser nos ressources et créer des opportunités économiques durables », a déclaré la ministre des PME, Jacqueline Lydia Mikolo, saluant « l’engagement exemplaire des entreprises forestières venues des quatre coins du pays ». Sa collègue Rosalie Matondo a rappelé que « le travail qui nous attend reste immense ».
Des savoir-faire qui se réinventent
Stands de menuiserie contemporaine, bijoux sculptés dans le wacapou, vanneries tressées à base de rotin sauvage : la créativité des exposants a illustré la diversité culturelle du bassin du Congo. Les visiteurs ont pu comparer l’esthétique traditionnelle des Kongo à la sobriété minimaliste promue par de jeunes architectes formés à Pointe-Noire.
Parmi eux, Arnaud Tchicaya, 27 ans, a présenté un fauteuil pliant en limba certifié FSC. « Je veux prouver que le design made in Congo peut séduire la diaspora et les marchés d’Afrique australe », confie-t-il. Ses prototypes, produits en séries courtes, sont déjà commandés par un hôtel écoresponsable de Kigali.
Les associations de femmes, souvent premières déposantes sur les marchés municipaux, ont également mis en avant la dimension sociale. Le collectif Mibala a présenté une ligne de paniers connectés dotés de puces NFC permettant de tracer l’origine du bois utilisé, gage de transparence pour les plate-formes de commerce équitable.
Chaîne de valeur et économie circulaire
Pour les pouvoirs publics, l’enjeu demeure de consolider toute la chaîne de valeur, de l’abattage raisonné à la distribution urbaine. Le salon a ainsi accueilli des table-ronde sur la standardisation des sciages, la certification PEFC et l’accès des coopératives aux lignes de crédit climatiques de la Banque de développement.
Cette approche circulaire répond également à un objectif de souveraineté culturelle. Chaque meuble, chaque objet décoratif intègre une part de narration symbolique, depuis les motifs Nzango jusqu’aux incrustations de cuivre du Haut-Plateau. En consommant local, explique la sociologue Joséphine Mouangui, « le citoyen se réapproprie son histoire matérielle ».
Enjeux climatiques et gestion durable
Le Sameb a aussi rappelé les exigences climatiques associées à toute exploitation. Le Congo, deuxième poumon vert mondial, a ratifié les Principes de Brazzaville et développe des concessions sous aménagement durable. Les ateliers ont détaillé les nouveaux standards MRV, indispensables pour prétendre aux crédits carbone régionaux ou aux marchés volontaires.
Les chercheurs de l’université Marien-Ngouabi ont présenté des cartes haute résolution montrant que les forêts communautaires stockent jusqu’à 200 tonnes de CO2 par hectare. À moyen terme, l’intégration de ces données dans la plateforme nationale d’observation forestière doit faciliter la rémunération des pratiques de gestion durable auprès des bailleurs.
Obstacles et leviers de croissance
L’amélioration des infrastructures logistiques reste cependant essentielle. Les artisans interrogés évoquent la cherté du transport fluvial entre Ouesso et Brazzaville ou l’absence d’entrepôts frigorifiques pour les bois sensibles. Le gouvernement planifie plusieurs embarcadères et un guichet unique douanier afin de diminuer les coûts d’acheminement de 20 % d’ici 2025.
L’accès au crédit reste un autre verrou. Seules 15 % des PME bois bénéficient de financements bancaires classiques. À la faveur d’un protocole signé avec la Banque postale du Congo, un fonds de garantie de 5 milliards de francs CFA devrait être opérationnel en décembre pour soutenir l’innovation matérielle et numérique.
Perspectives régionales pour le bois congolais
Au-delà des frontières, le Sameb se positionne comme plateforme d’intégration régionale. Douze délégations venues du Cameroun, de la Centrafrique ou du Gabon ont discuté d’une labellisation commune « Bois du Bassin », censée renforcer la compétitivité face aux importations asiatiques tout en répondant aux critères ESG des acheteurs européens.
Clôturé par un concert de l’Orchestre symphonique Kimbanguiste, l’événement a pris rendez-vous pour 2024 avec l’ambition d’élargir la place accordée aux technologies de pointe, dont l’impression 3D sur fibres végétales. Entre préservation environnementale et essor entrepreneurial, le bois congolais s’affirme plus que jamais comme un vecteur de transition durable.