Fin du contrat Averda : Brazzaville propre, mais à quel prix ?
Pour garder Brazzaville, Pointe-Noire et Oyo propres, l’État avait confié en 2015 – selon les témoignages d’anciens salariés – la collecte des déchets à Averda. Après plusieurs années de service, le contrat est arrivé à son terme, ouvrant la voie à un nouvel opérateur, Albayrak.
Le ministre de l’Assainissement urbain, Juste Désiré Mondelé, insiste : il n’y a pas eu rupture mais simple expiration. Averda demeurait une filiale étrangère de droit local ; le document liait la société aux municipalités, pas directement à l’administration centrale, réduisant la marge d’intervention gouvernementale.
Les anciens agents à la recherche de leurs droits
Pour quelque cinq cents anciens agents, la fin du contrat a surtout signifié l’interruption des salaires. « Les dirigeants d’Averda ont disparu, on ne sait plus où les trouver », confie Junior Dokou, porte-parole du collectif, qui réclame le versement des arriérés et des indemnités.
Ces travailleurs, longtemps visibles en combinaison bleue dans les rues, ont frappé à plusieurs portes avant d’être reçus au ministère. La rencontre, conduite par le directeur de cabinet, visait à établir les faits et calmer la tension, tandis que les manifestations étaient prudemment suspendues.
La position du ministère de l’Assainissement urbain
Devant eux, Juste Désiré Mondelé rappelle que les conflits privés se règlent d’abord à l’inspection du travail ou devant le tribunal compétent. « Le ministère ne peut se substituer ni à l’employeur ni au juge », explique-t-il, tout en promettant un suivi régulier du dossier.
Le membre du gouvernement précise aussi que l’État reste débiteur d’Averda pour différents services rendus. Dès que des paiements interviendront, assure-t-il, une clause sociale veillera à flécher une part vers les droits des anciens agents, afin de préserver la cohésion familiale.
Il rappelle néanmoins que les contrats de travail ont été signés librement avec Averda. Le recrutement par Albayrak relève d’une logique d’entreprise ; aucune loi n’oblige la nouvelle société à absorber la totalité de la main-d’œuvre, même si le ministère encourage la continuité des compétences locales.
Enjeux financiers et sociaux majeurs
Selon des estimations convergentes, la dette publique envers l’ex-délégataire dépasserait plusieurs milliards de francs CFA. Sur cette somme, près de trois milliards correspondraient aux salaires et droits dus aux travailleurs. Les chiffres, non contestés, donnent la mesure financière de l’équation à résoudre.
Pendant ce temps, les familles concernées jonglent avec les loyers, la rentrée scolaire et les factures médicales. L’absence de revenu stable fragilise les ménages et rappelle combien la gestion des déchets, souvent invisible, conditionne pourtant le bien-être social et la santé publique en milieu urbain.
Procédures légales et ouverture au dialogue
Pour les juristes du travail contactés par le collectif, la voie prioritaire consiste à saisir formellement l’inspection, puis, si nécessaire, le tribunal du travail. Cette procédure garantit l’exécution forcée des décisions et évite les rassemblements massifs, difficiles à encadrer dans l’espace public.
Junior Dokou assure que les ex-agents restent ouverts au compromis : « Nous voulons seulement retrouver notre dignité et nourrir nos familles. Si un calendrier de paiement réaliste est proposé, nous suspendrons nos actions ». Une lettre en ce sens est en préparation, selon lui.
Continuité du service public de propreté
Sur le terrain, Albayrak a renforcé ses équipes et introduit de nouvelles bennes automatisées. Le maintien de la propreté urbaine, objectif central du Plan national de développement, n’a pas été interrompu, mais certains quartiers rapportent des retards de collecte, surtout aux heures de pointe.
Des responsables municipaux voient dans l’intégration progressive d’anciens agents une occasion de capitaliser sur leur connaissance fine des itinéraires et des habitudes des riverains. Le ministère se dit disposé à formuler des recommandations techniques, sans toutefois empiéter sur la liberté contractuelle des sociétés délégataires.
À court terme, l’autorité invite les collectivités à maintenir le dialogue avec les communautés concernées et à publier un calendrier de collecte clairement affiché. La saison des pluies approche ; tout blocage prolongé ferait peser un risque d’inondations aggravées par l’obstruction des caniveaux.
Des pistes innovantes pour une économie circulaire
Plusieurs associations environnementales proposent d’accompagner les agents licenciés vers des coopératives de recyclage, créatrices de revenus alternatifs. Ces pistes restent pour l’instant exploratoires, faute de trésorerie. Elles illustrent cependant la volonté de transformer la crise en tremplin vers une économie circulaire ancrée localement.
Dans les rues de Talangaï comme de Tié-Tié, les habitants questionnés saluent le travail déjà accompli mais redoutent un retour en arrière. « Dès qu’il pleut, les sacs flottent », soupire Mireille, commerçante, convaincue que le différend salarial ne doit pas mettre l’environnement en péril.
Un modèle de transition inclusive se dessine
Au-delà du litige, tous les acteurs partagent un but commun : garantir des villes propres, résilientes et inclusives. Si l’exemple d’Averda débouche sur un règlement équilibré, il pourra servir de guide aux futures délégations de service public et consolider la confiance entre partenaires.
À moyen terme, une commission mixte, réunissant Finances, Travail et Collectivités locales, pourrait être constituée pour suivre l’exécution du protocole transactionnel évoqué par le ministre. Cette démarche, encore à l’étude, rassurerait les bailleurs et accélérerait la modernisation de la filière déchets au Congo.
