Or illégal : un fléau silencieux
À l’aube, le vacarme des pompes et des pioches couvre le chant des calaos dans la Cuvette-Ouest. Derrière la brume, des équipes d’orpailleurs clandestins éventrent le sous-bois à la recherche d’or, effaçant à grande vitesse la canopée qui régule le climat régional.
Les experts estiment qu’entre Kellé, Dimonika et Moungoundou-Nord plus de 1 500 hectares auraient basculé vers l’exploitation illégale depuis trois ans, soit l’équivalent de 2 100 terrains de football, un chiffre en hausse constante faute de contrôle suffisant sur le terrain.
Le mercure, le cyanure et l’arsenic glissent ensuite dans la Louetsi, la Lefini ou de modestes ruisseaux villageois, empoisonnant l’eau potable et raréfiant les poissons qui constituent la première source de protéines pour des milliers de familles.
Des villages en première ligne
Dans le village Lehala, cité par Les Echos du Congo-Brazzaville, douze chèvres sont mortes après s’être abreuvées à une flaque jaunâtre. « Nous n’osons plus planter le manioc », confie Paul Moukala, agriculteur de 38 ans, qui observe son verger jaunir malgré les pluies.
Le même média rapporte que des sentiers de pâturage sont désormais obstrués par des bassins de décantation improvisés où flottent des traces d’hydrocarbures. Les habitants, démunis, évoquent la peur d’une contamination longue de leurs sols et l’exil forcé vers les bourgs voisins.
Le cadre juridique mobilisé
Face à ce constat, le gouvernement mise sur le code forestier de 2020, la loi d’orientation sur le développement durable de 2022 et de récents décrets renforçant les sanctions contre l’orpaillage clandestin. Chaque infraction grave expose désormais ses auteurs à des peines allant jusqu’à dix ans.
En avril dernier, le Premier ministre Anatole Collinet Makosso s’est rendu à Dimonika pour constater les dégâts et annoncer un audit environnemental visant à cartographier zone intégrale, zone tampon et secteur écologiquement dégradé à restaurer. « La loi sera appliquée partout », a-t-il martelé.
Déjà, plusieurs opérations de terrain ont permis la saisie de pompes et de concasseurs, notamment dans la Cuvette-Ouest où une vidéo virale montrait des forces de sécurité démantelant un site contrôlé par des ressortissants ouest-africains, en collaboration avec des complices locaux.
La vision verte portée par Denis Sassou-Nguesso
Cette riposte s’ancre dans la trajectoire prônée par le président Denis Sassou-Nguesso, défendue dans la bibliographie de l’économiste congolais Michel Innocent Peya. Dans son ouvrage phare, l’auteur décrit « une foi écologique » qui transcende les engagements volontaires pour devenir devoir citoyen.
Peya rappelle que la préservation de la biodiversité du bassin du Congo protège aussi les filières paysannes, l’équilibre climatique mondial et l’attrait d’investissements verts. Son plaidoyer a déjà valu au pays plusieurs distinctions internationales, renforçant l’image d’un État solution dans l’espace forestier mondial.
Innovations et initiatives locales
À Mayoko, des jeunes formés par l’Agence congolaise de la faune ont lancé des patrouilles communautaires équipées de GPS gratuits fournis par une ONG allemande. Les équipes signalent en temps réel les mouvements suspects, facilitant les interpellations et le marquage des zones impactées.
Plus au nord, à Kellé, des étudiantes de l’Université Marien Ngouabi testent un biofiltre à base de poudre de charbon et de fibres de raphia capable de retirer 85 % du mercure présent dans l’eau de ruissellement, selon des analyses partagées avec le Centre national de recherche.
La société pétrolière nationale a, de son côté, financé un projet pilote de reboisement de 300 hectares de galeries forestières dégradées, avec un objectif de séquestration de 180 000 tonnes équivalent CO2. Une bourse carbone locale est en cours de structuration.
Vers la COP30 et au-delà
Belém abritera la COP30 en novembre prochain. La délégation congolaise souhaite y valoriser les propositions formulées par Peya dans « Position et propositions communes des pays en développement », notamment la création d’un fonds dédié aux grands bassins tropicaux.
Selon le ministère de l’Économie forestière, cet instrument financerait la surveillance satellitaire, la promotion d’alternatives économiques et l’expansion de la cuisson propre, autant de mesures capables de freiner la déforestation tout en améliorant les conditions de vie rurales.
Pour y parvenir, les autorités entendent conjuguer répression ciblée et incitations vertes. « L’or doit rester un atout, pas une malédiction », résume un conseiller environnemental. Dans l’attente, chaque villageois vigilant, chaque chercheur et chaque décideur devient sentinelle de la vision verte congolaise.
