Pointe-Noire trace la voie portuaire durable
Sous le ciel azur de Pointe-Noire, la 20e Table ronde des directeurs généraux de l’Agpaoc a donné le ton à une conversation régionale ambitieuse. Les dirigeants y voient l’occasion d’esquisser un modèle portuaire qui conjugue croissance économique, résilience climatique et inclusion communautaire.
Le directeur général d’Ontario-Gabon, Arthur Borogui-Kuma, président de la session, estime que « l’heure est venue d’aligner gouvernance, technologie et environnement ». Son diagnostic repose sur des chiffres : le trafic conteneurisé régional progresse de 6 % par an malgré la conjoncture mondiale.
Gouvernance face au boom démographique
Les projections de la Banque africaine de développement prévoient qu’en 2035, les villes côtières d’Afrique centrale compteront vingt millions d’habitants de plus. Cette pression démographique accentue la demande en biens importés, plaçant les terminaux sous tension durant les pics saisonniers.
D’après le ministère congolais des Transports, le port de Pointe-Noire gère déjà vingt-cinq pour cent de tonnage supplémentaire par rapport à 2019 sans agrandissement majeur. Les gestionnaires misent désormais sur l’optimisation numérique des postes à quai pour fluidifier les files de camions.
Transition verte et technologies propres
La décarbonation du transport maritime s’invite à la table. Les armateurs exigent des escales capables de fournir du carburant moins émissif et de réduire le temps d’attente. Pour M. Borogui-Kuma, l’installation de bornes d’électrification à quai pourrait baisser de 30 % les rejets.
L’Agence française de développement étudie un financement mixte pour couvrir les premières phases, tandis que les autorités congolaises rappellent la disponibilité de terrains non boisés propices aux fermes solaires destinées aux usines de froid portuaire. L’objectif est d’atteindre l’autonomie énergétique progressive.
Port et intégration logistique panafricaine
Situé à la croisée du corridor Pointe-Noire-Brazzaville-Bangui, le port sert de porte d’entrée à plusieurs marchés enclavés. Le Comité pour la facilitation des échanges chiffre à 18 jours la réduction moyenne de transit grâce aux procédures dématérialisées déployées depuis deux ans.
Cette performance attire désormais des transporteurs tchadiens et camerounais, motivés par la baisse de quarante pour cent des frais de surestaries. Elle illustre l’effet d’entraînement recherché par l’Agpaoc : relier les ports entre eux pour sécuriser la chaîne de valeur continentale.
Vers un cadre juridique et fiscal modernisé
Le droit portuaire congolais remonte à 2002 et méritait une actualisation. Un projet d’ordonnance, examiné au Parlement, introduit la notion de concession verte, assortie d’indicateurs ESG vérifiables. Les investisseurs bénéficieront d’abattements progressifs à mesure qu’ils atteindront leurs cibles environnementales.
« Il ne s’agit pas seulement de réduire la paperasserie, précise la sénatrice Adèle Boukadia, rapporteure du texte, mais de créer un climat d’affaires transparent, compétitif et prioritairement axé sur l’emploi local ». Plusieurs unions syndicales saluent la consultation tripartite ayant précédé le dépôt du projet.
Échos des communautés riveraines
À Loandjili, quartier voisin des terminaux, les pêcheurs artisanaux observent avec intérêt les promesses de dépollution des eaux. « Nous voulons des zones tampons, pas des grillages », insiste Gisèle Ngoma, présidente d’un groupement féminin, qui souhaite voir publié le plan de surveillance maritime.
Le directeur du Port autonome rappelle que cinq millions de francs CFA ont été alloués en 2023 à des projets communautaires : réhabilitation d’une école primaire, distribution de kits médicaux et installation d’une station de mesure de la qualité de l’air gérée par l’université Marien-Ngouabi.
Mesures pratiques et numéros utiles
Les transporteurs peuvent composer le 1016 pour signaler toute saturation de parking, tandis que la ligne verte 1488 renseigne sur les démarches douanières simplifiées. Un guichet unique physique reste accessible à la gare maritime de 7 h à 19 h, week-ends compris.
La plateforme numérique PortSynthèse, lancée en février, centralise l’état des marées, les disponibilités de postes et le suivi des conteneurs. Plus de huit cents usagers sont déjà inscrits. Le ministère encourage les PME logistiques à profiter des formations gratuites prévues tous les jeudis.
Une feuille de route jusqu’en 2026
Les travaux de la Table ronde s’achèveront le 6 novembre avec l’adoption d’un mémorandum listant vingt-deux actions prioritaires. Parmi elles : finaliser la cartographie des terres portuaires, créer un fonds de mutualisation des dragages et instituer un indice régional de performance durable.
Une cellule de suivi, hébergée à l’Agence de gestion du domaine portuaire congolais, publiera chaque trimestre un tableau de bord public. Les partenaires techniques de la Banque mondiale et de la CEEAC offriront un appui méthodologique pour standardiser les indicateurs et éviter les doublons.
Convergence avec la stratégie nationale
Le programme s’inscrit dans le Plan national de développement 2022-2026 qui mise sur les infrastructures bleues pour diversifier l’économie au-delà des hydrocarbures. L’engagement confirmé de la direction générale des Ports renforce la crédibilité du Congo comme pôle logistique et énergétique sous-régional.
En capitalisant sur son positionnement géographique et une gouvernance réinventée, Pointe-Noire ambitionne de devenir un laboratoire de la transition portuaire africaine. Les observateurs y voient le signe qu’une croissance compatible avec les impératifs climatiques peut émerger depuis le littoral congolais.
