Mobilisation record à Pointe-Noire contre les plastiques
Au lever du soleil, un ruban coloré d’élèves, de pêcheurs et d’agents municipaux a investi la côte sauvage de Pointe-Noire. Seaux à la main, ils répondaient à l’appel de l’opération « Littoral sans plastique », pilotée par l’ONG congolaise Gardiens des Côtes.
Déployée tous les deux mois, l’initiative transforme la plage en laboratoire d’écologie participative. L’édition du 27 septembre a surpassé les précédentes, mobilisant plus de six cents volontaires et près d’une tonne de déchets collectés, selon les fiches signées par les autorités locales.
L’adjoint au maire du quatrième arrondissement, présent sur le terrain, salue « un effort citoyen qui complète les plans communaux de gestion des déchets ». Sans pointer du doigt, il rappelle que la baisse des plastiques en mer figure parmi les priorités du Conseil municipal.
Songolo, une mangrove à la croisée des menaces
Le quartier Songolo, adossé à la mangrove et exposé aux houles atlantiques, concentre de multiples pressions : urbanisation rapide, arrivée de filets fantômes, sachets abandonnés par les pique-niques du week-end. Chaque marée rejette son lot de fragments, piégeant crabes et palétuviers.
« La mangrove est notre digue naturelle », insiste Vanancia Moundzeo, cofondatrice de l’ONG et chercheuse à l’IRSEN. Selon ses relevés, un hectare de palétuviers absorbe jusqu’à quatre fois plus de carbone qu’une forêt tropicale mature, un argument de poids pour les communautés.
Des données ouvertes pour une écologie participative
Armés de l’application mobile ODK, les bénévoles ont géoréférencé chaque sac rempli. Les données, libres d’accès, nourriront la plateforme nationale de suivi des déchets marins opérée par l’Institut national de la statistique, facilitant un pilotage précis des prochaines campagnes.
Cette stratégie de science citoyenne plaît aux enseignants. Pour Chantal Ndinga, directrice de l’école Les Amis de Philona, « les élèves comprennent mieux les cours de biologie en triant du plastique réel plutôt qu’en lisant un manuel ». Ses classes exploitent ensuite les données pour leurs projets STEM.
La culture amplifie le message écologique
Le volet artistique occupe aussi la plage. Les graffeurs de Viany Art Culture ont peint sur un mur communautaire une fresque rappelant le parcours d’une bouteille oubliée : de la rue au ruisseau, puis jusque dans l’estomac d’une tortue caouanne, espèce déjà vulnérable.
À midi, les sacs bleus remplis formaient une digue éphémère de cent mètres. Les agents de la Société de salubrité urbaine ont pris le relais pour acheminer le contenu vers la décharge contrôlée de Bondi. Le tri fin, matière par matière, sera réalisé en fin de chaîne.
Premiers bénéfices sanitaires et économiques
Sur le plan sanitaire, l’ONG rappelle que les plastiques dégradés relarguent des additifs susceptibles de compromettre la qualité des eaux de baignade. L’hôpital Adolphe-Siccot a noté une baisse de 15 % des gastro-entérites à Songolo depuis les premières sessions, un signal encourageant.
Le cabinet Horizon International, spécialiste en finance carbone, accompagne désormais Gardiens des Côtes pour quantifier l’impact climatique des collectes. Objectif : labelliser une partie du projet afin d’attirer des investisseurs soucieux d’acheter des crédits axés sur le nettoyage océanique.
Un projet pilote aligné sur l’économie bleue
Karel Tchingoua Levrai, photojournaliste, voit plus loin : « Nos images et nos cartes seront mises à disposition des communes voisines. L’idée est de partager les méthodes, pas de garder la recette pour nous ». Pointe-Noire sert donc de terrain pilote avant l’extension vers Loango.
Si le projet reste civil, il s’inscrit dans la stratégie nationale de l’économie bleue, adoptée en 2021. Cette feuille de route promeut les partenariats publics-privés pour sécuriser le littoral, développer la pêche durable et valoriser le tourisme côtier respectueux des écosystèmes.
Les scientifiques de l’Université Marien-Ngouabi suggèrent d’étendre rapidement la surveillance aux microplastiques invisibles à l’œil nu. Un prototype de filet manta, assemblé localement avec le concours de l’armée de mer, devrait débuter ses tests dans la lagune de Tchissanga début 2024.
Vers une filière circulaire locale
Au-delà du ramassage, Gardiens des Côtes expérimente des briques éco-plastiques moulées avec 30 % de sable. Les premiers bancs publics, installés devant le lycée Victor-Augagneur, résistent aux embruns depuis six mois. Une piste de valorisation circulaire qui séduit déjà des entrepreneurs locaux.
Les organisateurs distribuent enfin un guide pratique conçu avec le ministère de l’Environnement. On y trouve les numéros utiles pour signaler un dépôt sauvage, les horaires de collecte municipale et un tutoriel vidéo via QR code pour fabriquer un cendrier de poche à partir d’une simple canette.
Prochaine étape : installer des points d’accueil permanents tenus par des jeunes en service civique. Ils proposeront des prêts de gants, des formations courtes et la vente d’objets recyclés. La mairie étudie l’intégration de ces kiosques dans son futur plan d’aménagement du front de mer.
Financer la prochaine génération de solutions
À Songolo, la marée du soir emportera sans doute de nouveaux résidus. Mais chaque édition de « Littoral sans plastique » gagne en efficacité, en notoriété et en soutien financier. De quoi espérer, à long terme, une côte congolaise débarrassée du plastique jetable.
Les partenaires recherchent désormais un compacteur solaire, capable de réduire le volume des déchets de 90 %. Une campagne de financement participatif sera lancée début novembre pour concrétiser cet achat.
									 
					