Appel national pour le PEZor
Dans la salle lumineuse du siège congolais du Pnud, le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Emile Ouosso, a exhorté, le 5 septembre, bailleurs, industriels et agences de coopération à se joindre au Programme d’électrification des zones rurales, plus connu sous l’acronyme PEZor.
Ce chantier, évalué à 373 432 980 dollars, vise à relier 58 districts isolés au réseau grâce à un cocktail de mini-centrales solaires, de microcentrales hydroélectriques et de lampadaires autonomes, le tout adossé à 243 kilomètres de lignes neuves ou réhabilitées.
Un bouquet renouvelable sur mesure
Dix-neuf sites hydroélectriques, identifiés du Kouilou à la Sangha, affichent des puissances allant de 31 kW à 5 MW. Les ingénieurs projettent de tirer parti des dénivelés naturels pour un coût d’exploitation bas, sans retenue d’eau massive ni déplacement de population.
En parallèle, 257 mini-centrales solaires photovoltaïques doivent éclairer les marchés, dispensaires et écoles. Une capacité répartie en grappes permettra de stabiliser la fourniture d’électricité, notamment durant la grande saison sèche, grâce à un pilotage numérique intégré piloté par la société Énergie électrique du Congo.
Des sites miniers moteurs du réseau
Le premier démonstrateur, chiffré à 87,13 milliards FCFA, s’appuiera sur les microcentrales de Lébama, Itsibou et Foula. Le réseau en étoile reliera sept localités, dont les gisements de fer de Zanaga et Mayoko, capables d’absorber à eux seuls 20 MW dès le démarrage.
Cette synergie entre industrie extractive et territoires ruraux doit fiabiliser l’approvisionnement des entreprises tout en mutualisant les coûts pour les ménages. Selon Emile Ouosso, quarante mille habitants bénéficieront d’un courant continu et de qualité, indispensable pour l’artisanat, la téléphonie et la conservation des produits agricoles.
Bénéfices pour les villages et l’économie
Dans le village de Komono, Thérèse Bemba, présidente d’une coopérative de séchage de manioc, voit déjà les gains possibles. « Avec l’électricité, nous pourrons mécaniser le râpage et prolonger la durée de stockage », confie-t-elle, espérant tripler les revenus des vingt-cinq familles membres.
Le médecin-chef de l’hôpital de Mossendjo rappelle que les coupures prolongées compliquent la conservation des vaccins. L’arrivée d’un courant stable réduirait le recours au diesel, abaisserait les coûts et sécuriserait la chaîne du froid, un pas décisif pour la santé infantile.
Modèle financier à partager
Pour mobiliser les 211 milliards FCFA nécessaires, le gouvernement mise sur une combinaison de dons, prêts concessionnels et capital privé. Le Plan Mattei britannique, le Fonds pour l’environnement mondial et l’Agence française de développement ont déjà manifesté leur intérêt, confirmant la pertinence du modèle hybride.
Le Pnud, maître d’ouvrage délégué, propose un fonds rotatif garantissant la maintenance des ouvrages sur vingt ans. Les redevances payées par les mines et les abonnés domestiques transiteraient par ce fonds, assurant la viabilité économique tout en limitant la pression sur les finances publiques.
Une gouvernance multipartite
Une cellule de suivi rassemblant le ministère, Énergie électrique du Congo, les préfets et les organisations communautaires doit publier chaque trimestre une carte interactive des avancées. L’outil, accessible sur smartphone, indiquera l’état des lignes, la production instantanée et les périodes de maintenance prévues.
Pour éviter les branchements clandestins qui fragilisent le réseau, un guichet unique simplifiera les démarches d’abonnement et de paiement mobile. La numérisation permettra également de cerner précisément la demande, un préalable à l’extension future vers d’autres districts encore dépourvus de toute alimentation.
Regards des riverains
À Yaya, les chefs coutumiers insistent sur la préservation des forêts riveraines. Ils souhaitent que les chantiers privilégient les emprises existantes pour les poteaux, afin de limiter les coupes. Le ministère assure avoir intégré cette requête dans le cahier des charges environnementales.
René Mavoungou, enseignant à Lefoutou, souligne que l’accès à l’électricité ne saurait se réduire à l’installation de prises. « La formation des techniciens locaux doit précéder la mise en service pour garantir la durabilité », plaide-t-il, appelant à des sessions dans chaque chef-lieu.
Perspectives d’ici 2030
Le calendrier prévoit le bouclage financier du projet pilote d’ici à mars prochain, suivi du démarrage des travaux civils avant la saison sèche. Les premières mises sous tension sont attendues en 2026, pour une montée en charge progressive jusqu’à l’objectif national de 2030.
À terme, le PEZor ambitionne de porter l’accès à l’électricité rurale de 1 % à 40 %, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre liées aux groupes électrogènes. Un pari qui place le Congo-Brazzaville sur la voie d’une transition énergétique inclusive.
Innovation et inclusion numérique
Pour optimiser la distribution, des compteurs intelligents prépayés seront déployés. Les ménages pourront acheter des crédits via téléphone mobile, solution déjà testée à Dolisie. Cette innovation réduit les pertes commerciales et responsabilise l’utilisateur, tout en offrant des données précises aux gestionnaires du réseau.
Le projet intègre aussi un volet genre. Trente pour cent des emplois temporaires et permanents seront réservés aux femmes, notamment pour la gestion des guichets mobiles et la sensibilisation aux économies d’énergie. Une stratégie saluée par l’Union européenne, partenaire en discussion, comme catalyseur d’impact social.