Un joyau côtier sous observation
Au nord-ouest de Pointe-Noire, le parc national de Conkouati-Douli épouse la côte Atlantique sur 8 000 kilomètres carrés de forêts humides, de lagunes et de mangroves. Gorilles, dauphins et éléphants s’y croisent encore dans une mosaïque rare.
Créé en 1999 par décret présidentiel, l’aire protégée porte une double mission : conserver la biodiversité et soutenir le développement local durable, notamment par l’écotourisme et la pêche artisanale bien encadrée, et sert aussi de laboratoire vivant pour la recherche scientifique internationale.
Un rapport qui alerte et questionne
Début septembre 2025, le Centre d’actions pour le développement, appuyé par Earth Insight, a publié à Brazzaville une étude soulignant l’emprise potentielle de deux blocs d’exploration pétrolière sur plus de la moitié de la surface terrestre du parc.
Le document pointe des risques pour 90 % des zones humides et la sécurité alimentaire d’environ 7 000 habitants, tout en rappelant que la forêt côtière représentée ici est l’une des dernières intactes d’Afrique centrale, précieuse pour le climat.
Gouvernance environnementale et cadre légal
Le cadre juridique congolais interdit explicitement toute activité extractive dans la zone centrale de conservation et impose un tampon de cinq kilomètres. Ces dispositions traduisent l’adhésion du pays aux conventions sur la diversité biologique et sur le climat.
Le ministère de l’Économie forestière assure que les autorisations octroyées depuis 2024 prévoient des études d’impact strictes et une clause de retrait si les normes environnementales ne sont pas respectées, soulignant la volonté de concilier développement des hydrocarbures et protection des écosystèmes.
Recherche de l’équilibre économique
Au Congo-Brazzaville, l’or noir finance écoles, routes et centres de santé. Pékin a investi dans plusieurs projets structurants, nourrissant des attentes locales en matière d’emplois. Suspendre brutalement un permis susciterait donc des débats sur l’équilibre budgétaire national.
Pour autant, l’érosion des sols, la pollution marine et la perte de revenu liée au tourisme pourraient coûter plus cher que les bénéfices tirés du pétrole, rappellent des économistes de l’Université Marien-Ngouabi qui plaident pour un audit coûts-bénéfices transparent.
Voix des communautés riveraines
À Tandou-Mvassa, village de pêcheurs bordant le lac Tchibinda, Paul Mavoungou confie craindre « une marée noire invisible » qui raréfierait les poissons. Il souhaite participer aux discussions avant tout forage afin d’éviter les incompréhensions et préserver la paix sociale.
Les associations féminines rappellent que 70 % du petit commerce local repose sur la vente de produits de la mer. Tout impact négatif toucherait d’abord leurs revenus et la scolarité des enfants, soulignent-elles, réclamant des garanties concrètes.
Réponses officielles et pistes de travail
Interrogé, le directeur général de l’Environnement assure que « rien ne sera entrepris sans consultation approfondie ». Une commission multipartite, incluant ONG et notables traditionnels, doit vérifier la conformité des études d’impact et proposer des mesures de compensation adaptées.
Le ministère des Hydrocarbures explique de son côté que les contrats comportent déjà des clauses ESG exigeant torchage zéro, partage de données sismiques en libre accès et budget de restauration forestière, témoignant de la montée en puissance de la finance verte au Congo.
Technologies au service de la transparence
Des universitaires testent actuellement des capteurs IoT capables de suivre en temps réel la qualité de l’eau et la présence d’hydrocarbures. Les résultats seraient accessibles sur une plateforme ouverte, renforçant la confiance entre communautés, entreprises et autorités.
Parallèlement, des images satellite haute résolution, analysées par Earth Insight, permettront un suivi participatif de la déforestation. Les villageois formés à l’usage d’applications mobiles pourront signaler toute coupe suspecte, appuyant ainsi le travail des écogardes.
Scénarios de conservation inclusive
Le rapport propose de zoner l’espace marin en aires communautaires de pêche et couloirs écologiques, stratégie déjà testée dans la réserve de Loango au Gabon. Cette approche pourrait sécuriser les dauphins à bosse tout en maintenant l’activité économique locale.
Les ONG congolaises évoquent aussi la création d’un fonds carbone communautaire, alimenté par les marchés volontaires, pour financer écogardes, écoles vertes et micro-entreprises d’énergie solaire. Le principe obéit au mécanisme REDD+ soutenu par plusieurs partenaires techniques.
Perspective régionale et internationale
Conkouati-Douli fait partie du paysage transfrontalier de Mayombe, où le Congo, le Gabon et l’Angola ambitionnent de créer un corridor écologique. Cette coopération pourrait attirer de nouveaux financements du Fonds bleu pour le bassin du Congo.
L’année 2026 verra la République du Congo accueillir la Semaine africaine du climat. Brazzaville veut y présenter ses avancées sur la surveillance numérique des aires protégées et sur les partenariats public-privé favorisant une économie bas-carbone, ainsi que la montée en compétence de sa jeunesse.
Feuille de route pour les mois à venir
Avant la fin de l’année, une mission conjointe ministères-société civile visitera chaque village riverain du parc pour recueillir attentes et suggestions. Les conclusions alimenteront un plan de gestion révisé qui sera rendu public, confirmant l’engagement du pays pour la transparence.
À l’horizon 2030, l’objectif est de réduire de moitié les émissions liées au torchage, de certifier la pêche durable et de doubler le nombre d’emplois verts autour de Conkouati-Douli. Un défi collectif que recherchistes et citoyens disent prêts à relever.
