Un signal de confiance internationale pour le secteur
Quand le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Émile Ouosso, a symboliquement actionné le disjoncteur inaugural du Pasel, c’est bien plus qu’une manette qu’il a levée : c’est la trajectoire énergétique nationale que ce geste a mise sous tension. Soutenu à hauteur de 100 millions de dollars par la Banque mondiale, le projet s’inscrit dans la continuité des partenariats tissés par Brazzaville avec les bailleurs de référence. En saluant « notre capacité collective d’agir de manière concertée » et « de servir l’intérêt général avec rigueur » (Ouosso), le membre du gouvernement a adressé un signal de stabilité institutionnelle apprécié des investisseurs.
Trois composantes techniques pour une même équation
Le Pasel repose sur un triptyque savamment calibré. D’abord, le renforcement du réseau de transport, épine dorsale reliant le littoral industriel de Pointe-Noire à la capitale administrative. L’intégration de compensateurs statiques sur trois postes clés le long de cette dorsale vise à stabiliser la tension et à limiter les pertes ferroélectriques, condition indispensable à la réduction des délestages.
Deuxième foyer d’intervention : l’assistance technique. Les divisions Exploitation et Maintenance des opérateurs publics bénéficieront d’outils de supervision temps réel, tandis qu’un audit de performance précisera l’architecture tarifaire, gage d’équité et de soutenabilité financière.
Enfin, la gestion de projet s’appuie sur un dispositif de suivi-évaluation auquel la représentation résidente de la Banque mondiale a tenu à associer la société civile. Clarence Tsimpo Nkengne y voit « la garantie d’une résilience institutionnelle qui dépasse le cycle de financement ».
Réhabiliter la colonne vertébrale Ngoyo–Mbono
Sur le terrain, l’attention se porte déjà sur les postes 220 kV de Ngoyo et de Mbono, véritables nœuds du maillage national. Le remplacement des isolateurs et la modernisation des appareillages de protection y sont programmés pour supprimer les micro-coupures qui fragilisent l’activité industrielle. Entre Ngoyo et Mboundi, la chaîne d’isolateurs en composite devrait réduire le risque d’amorçage en saison humide, facteur récurrent de pannes prolongées.
Cette opération, qui mobilise des entreprises locales et des savoir-faire internationaux, incarne l’approche de co-construction privilégiée par la Banque mondiale : transférer des compétences, encourager la sous-traitance nationale et préparer la relève technique.
Un levier macroéconomique dans une conjoncture mouvante
En améliorant la fiabilité de la fourniture, le Pasel agit comme amortisseur des fluctuations liées aux matières premières. L’économie congolaise, historiquement arrimée au pétrole, cherche à diversifier ses moteurs de croissance. Or, toute stratégie d’industrialisation légère, de digitalisation ou d’essor agro-industriel requiert une énergie stable et compétitive.
Le rapport 2023 de la Commission économique pour l’Afrique notait déjà qu’un point de disponibilité électrique supplémentaire peut générer jusqu’à 0,3 point de PIB. Dans ce contexte, le Pasel se profile comme catalyseur de valeur ajoutée locale, d’autant plus que la feuille de route gouvernementale ambitionne un taux d’accès national supérieur à 75 % d’ici 2028, contre environ 55 % aujourd’hui.
Gouvernance et civisme, deux faces d’une même pièce
Le projet ne se limite pas aux infrastructures. Il cible aussi la culture du paiement et de la transparence, maillon faible de nombreux réseaux africains. Les équipes de la Société nationale d’électricité seront formées à la détection des pertes non techniques, tandis qu’un volet « citoyenneté énergétique » encouragera les abonnés à déclarer les branchements illicites.
Pour le ministre Ouosso, restaurer le civisme est indissociable de l’efficacité technique : « Sans discipline de consommation, aucune modernisation ne saurait durer ». La Banque mondiale, qui pilote déjà des initiatives similaires au Rwanda et au Ghana, veille à l’intégration de tableaux de bord publics afin que la reddition de comptes soit tangible.
Vers un mix plus durable et résilient
Si le Pasel se concentre d’abord sur la distribution, il prépare en filigrane l’accueil d’un mix énergétique plus vert. La réhabilitation des postes 220 kV inclut des marges de capacité dédiées à l’injection future d’énergies renouvelables issues de projets hydroélectriques et solaires. L’ajustement de la fréquence et de la tension par compensateurs statiques est, de ce point de vue, une rampe de lancement stratégique.
Les autorités congolaises réaffirment ainsi leur alignement sur l’Accord de Paris. À moyen terme, la mise en service du barrage de Sounda et les fermes photovoltaïques de Komono trouveront dans ce réseau rénové un vecteur fiable, ouvrant la voie à un marché régional de l’électricité où le Congo pourrait devenir exportateur net.
Un horizon porteur pour les bailleurs et les usagers
Le déploiement du Pasel illustre la capacité du Congo à mobiliser des financements concessionnels et à garantir leur mise en œuvre. Pour les partenaires techniques et financiers, la transparence des indicateurs et la collaboration étroite avec le ministère renforcent la crédibilité du pays sur la scène internationale.
Pour les usagers domestiques comme pour les industriels, la promesse est tout aussi tangible : une baisse attendue de 15 % des interruptions moyennes annuelles et la possibilité, à terme, de nouveaux services numériques autour du compteur intelligent. Dans un contexte sous-régional où la stabilité énergétique demeure un avantage comparatif, l’initiative offre au Congo une plate-forme de rayonnement diplomatique et économique.