Un partenariat stratégique Banque mondiale–Congo
C’est dans le salon feutré d’un grand hôtel brazzavillois que le Projet d’amélioration des services d’électricité a été officiellement présenté le 15 juillet 2025. Derrière les formules de circonstance, le Pasel matérialise une avancée majeure pour la diplomatie économique congolaise : une enveloppe de 100 millions de dollars consentie par la Banque mondiale pour consolider le secteur électrique, pilier d’une diversification économique toujours recherchée. En adossant ce soutien financier à une feuille de route clairement séquencée, les autorités brazzavilloises s’assurent un levier technique et budgétaire susceptible d’accélérer la modernisation des infrastructures sans alourdir excessivement la dette publique.
Dans son allocution, le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Émile Ouosso, a souligné la « pertinence d’un partenariat qui conjugue expertise internationale et volonté politique nationale ». Face à lui, Jie Tang, directeur sectoriel de l’énergie pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, a insisté sur la vocation inclusive du projet, rappelant que « l’accès à une électricité stable demeure l’un des déterminants les plus robustes du développement humain ». Ces propos esquissent la philosophie de l’accord : mettre l’accent sur la fiabilité et la gouvernance plutôt que sur une course aux mégawatts déconnectée des réalités sociales.
Une architecture financière au service de la fiabilité
Structuré sur quatre années, le Pasel représente près de 11 % du portefeuille actif de la Banque mondiale au Congo. Son volet dit de « renforcement de la fiabilité » absorbe la part la plus conséquente de l’investissement. Il s’agira de remettre à niveau les segments critiques de la ligne haute tension Pointe-Noire/Brazzaville, d’ériger ou de réhabiliter plusieurs sous-stations et de sécuriser l’alimentation des postes stratégiques, à commencer par celui de Djiri, déjà en cours de modernisation. Cette approche privilégie une logique d’entretien du capital existant : réparer, optimiser, numériser avant d’ajouter de nouvelles capacités.
Les ingénieurs de la société nationale Énergie électrique du Congo (E²c) voient dans cette stratégie un moyen de réduire les pertes techniques, estimées à plus de 20 % par certaines études internes. Le remplacement ciblé de transformateurs de puissance, couplé à l’introduction de systèmes de contrôle à distance, devrait abaisser le niveau des coupures intempestives qui handicapaient l’appareil productif, notamment dans la zone industrielle côtière.
Distribution, gouvernance et performance commerciale
Au-delà du transport, le Pasel met l’accent sur la distribution et la facturation, nœuds encore sensibles du secteur. Outre la réhabilitation des réseaux urbains, l’installation de compteurs intelligents et la professionnalisation du service clientèle constituent des objectifs prioritaires. Selon Olivier Mazaba, coordonnateur national du projet, « la réussite de la réforme se mesurera autant à la stabilité du courant qu’à la transparence de la chaîne de recouvrement ».
Cette dimension commerciale vise à contenir le phénomène des raccordements informels, évalué à près d’un quart des abonnements potentiels. L’introduction de lampadaires LED à haut rendement dans les deux principales villes représente également un signal fort : elle conjugue économies budgétaires, amélioration de la sécurité nocturne et réduction des émissions de CO₂, en cohérence avec les engagements climatiques signés par le Congo lors de la COP 27.
Ancrage social et retombées macroéconomiques
Les projections officielles tablent sur 1,75 million de bénéficiaires directs. Dans les quartiers populaires de Brazzaville, l’attente est palpable : des pannes récurrentes avaient contraint certains artisans à investir dans des groupes électrogènes coûteux. Le Pasel leur offre la perspective d’une réduction des charges opérationnelles, d’une extension des horaires d’activité et, ce faisant, d’une hausse de revenu disponible. De même, le secteur hospitalier devrait voir ses coûts de maintenance diminuer, la continuité du service étant moins tributaire de dispositifs de secours onéreux.
Sur le plan macroéconomique, les économistes du ministère des Finances anticipent un gain de croissance de 0,4 point annuel entre 2026 et 2028, lié à l’amélioration de la productivité énergétique. Cette estimation reste prudente, mais elle confirme la corrélation positive observée dans la sous-région entre fiabilité du réseau et attractivité des investissements privés, notamment dans l’industrie extractive et l’agro-transformation.
Vers une transition énergétique concertée
Le Pasel n’est pas un îlot isolé. Le gouvernement congolais compte s’appuyer sur les progrès accomplis pour ouvrir davantage le secteur à des partenaires privés, en particulier dans l’hydroélectricité, domaine où le pays dispose d’un potentiel estimé à 3 000 MW. Les discussions entamées avec des consortiums sud-africains et norvégiens attestent de cette volonté d’inscrire l’effort dans la durée tout en diversifiant les sources de financement.
À terme, le projet pourrait même servir de levier à la « Mission 300 », initiative continentale pilotée par la Banque mondiale et l’Union africaine visant à connecter 300 millions d’Africains à une électricité fiable d’ici 2030. En choisissant de renforcer la gouvernance et la maintenance avant de multiplier les barrages, le Congo avance pas à pas vers une transition énergétique pragmatique et concertée, fidèle à la ligne de conduite affichée par les autorités nationales. La déclinaison locale de ce chantier continental restera néanmoins tributaire de la capacité à conjuguer rigueur institutionnelle et innovation technologique, deux maîtres-mots que le Pasel entend graver durablement dans le paysage électrique congolais.