La gouvernance forestière congolaise en mutation
Au cœur du bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète après l’Amazonie, la République du Congo détient un patrimoine forestier de près de vingt-deux millions d’hectares qui constitue à la fois un capital écologique et un levier socio-économique majeur. Sous l’impulsion des autorités, notamment du ministère de l’Économie forestière dirigé par le docteur Rosalie Matondo, la gouvernance du secteur s’oriente vers des standards internationaux de durabilité afin de concilier ambition climatique et création de valeur nationale.
C’est dans cette dynamique qu’a eu lieu, le 28 juin 2025 à Brazzaville, l’assemblée générale annuelle de l’association Pan African Forest Certification Congo. Devant les membres réunis, le président Brice Séverin Pongui a présenté un exercice financier jugé « rassurant » et salué « une trajectoire conforme aux prévisions techniques et budgétaires ». À ses côtés, Lucas Millet, coordonnateur régional du PAFC Bassin du Congo et du PEFC, a souligné la complémentarité entre dispositif national et réseau international pour « cristalliser la confiance des marchés ».
Une dynamique régionale au service de la durabilité
Le schéma PAFC Bassin du Congo, porté conjointement par le Congo, le Gabon et le Cameroun, s’inscrit dans une démarche régionale qui dépasse les frontières administratives pour s’attaquer aux enjeux transfrontaliers de la conservation. Adossé au Programme for the Endorsement of Forest Certification, il assure la compatibilité des référentiels africains avec les exigences des places commerciales européennes et asiatiques, tout en valorisant les spécificités écologiques de la cuvette congolaise.
Les résultats sont déjà significatifs : deux grandes sociétés forestières opérant au Congo totalisent aujourd’hui plus de 3,1 millions d’hectares certifiés PAFC, record nourrissant le statut de « champion régional » attribué au pays par M. Pongui. Au-delà de la statistique, cette masse critique crée un effet d’entraînement pour les concessionnaires voisins désireux de sécuriser l’accès aux marchés auxquels la traçabilité devient impérative.
Des résultats tangibles pour les concessionnaires
L’adhésion des entreprises n’est pas seulement dictée par la conformité réglementaire ; elle repose aussi sur la promesse d’avantages économiques. Selon les données internes du PAFC, les titulaires du label enregistrent en moyenne une augmentation de 10 % de leur prime à l’exportation, chiffre confirmé par plusieurs négociants installés à Pointe-Noire. « La certification facilite le dialogue avec les investisseurs et réduit le coût du financement vert », observe un analyste de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale.
Cette dynamique bénéficie également aux populations riveraines, régulièrement consultées dans le cadre des audits indépendants. Les plans d’aménagement intègrent désormais des corridors fauniques, des zones de chasse communautaire et des engagements de scolarisation, éléments qui confèrent au standard une portée sociale. Des chercheurs de l’université Marien-Ngouabi notent par ailleurs une baisse de 12 % de la dégradation forestière dans les concessions certifiées – indicateur encourageant pour la biodiversité.
Convergence avec les exigences internationales
L’entrée en vigueur, en 2026, du règlement européen sur la déforestation impose aux opérateurs l’obligation de prouver l’origine légale et non dégradante de leurs produits bois. Anticipant ce tournant, le PAFC lancera dès la fin de l’année le processus de révision quinquennale de son standard. « Nous devons intégrer de nouveaux filtres de diligence raisonnable pour rester pertinents », a expliqué M. Pongui, rappelant que la flexibilité du référentiel constitue sa force.
Les ajustements porteront sur la géolocalisation des chantiers, la digitalisation des registres de coupe et le recours systématique à la télédétection pour vérifier l’absence de conversion illicite. Ces innovations, déjà éprouvées dans certains États membres de l’Union européenne, seront adaptées au contexte congolais grâce à un partenariat avec le Centre national d’inventaire et d’aménagement des ressources forestières et fauniques.
Perspectives : vers une chaîne de valeur plus compétitive
En confortant sa réputation de pôle de certification, la République du Congo se positionne pour capter les flux croissants de finance climatique, estimés à 100 milliards de dollars par an au niveau mondial. Les labels durables ouvrent l’accès aux marchés du carbone, aux obligations vertes et aux mécanismes REDD+, contribuant à la diversification de l’économie nationale au-delà des hydrocarbures.
La consolidation de ces acquis suppose toutefois un effort continu de formation des gestionnaires, des contrôleurs indépendants et des communautés locales. Le ministère de l’Économie forestière prévoit, à cet effet, la création d’un institut régional de la certification forestière, tandis que le PAFC plaide pour un fonds de transition destiné aux petites et moyennes entreprises. En conjuguant volontarisme public et pragmatisme privé, le Congo affirme sa volonté de faire de la forêt non un gisement à épuiser, mais un capital à transmettre, garant d’une prospérité partagée et durable.