Célébration mondiale et annonce rassurante
À Brazzaville, le 16 septembre, une sonnerie d’école a laissé place aux applaudissements : la République du Congo s’est jointe à la 30ᵉ Journée internationale de la protection de la couche d’ozone, portée cette année par le mot d’ordre « Faire progresser l’action climatique ».
Devant la presse, la ministre de l’Environnement, du Développement durable et du Bassin du Congo, Arlette Soudan-Nonault, a rappelé une projection rassurante : « d’ici 2065, la couche d’ozone devrait se reconstituer complètement », créditant l’effort collectif enclenché depuis trois décennies.
Pourquoi l’ozone compte pour la santé et l’agriculture
Ce signal positif n’efface pas l’urgence : le bouclier stratosphérique protège la vie terrestre des rayons ultraviolets responsables de cancers cutanés, de cataractes et de pertes agricoles, rappelle le physicien Joël Mandoukou, joint par téléphone depuis l’université Marien-Ngouabi.
Protocole de Montréal : un traité qui fonctionne
Le congé scientifique prend racine dans le Protocole de Montréal, signé en 1987 par 197 États dont le Congo-Brazzaville. Le texte a organisé la suppression graduelle des chlorofluorocarbones, puis des HCFC comme le R22, présents dans climatiseurs et chambres froides.
Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, ces engagements ont déjà évité plus de deux millions de cas de cancer de la peau chaque année à l’échelle mondiale, tout en ralentissant le réchauffement de 0,5 °C, un bénéfice rarement mis en avant.
Congo-Brazzaville trace sa feuille de route 2030
À l’horizon 2030, Brazzaville prévoit d’interdire la commercialisation des fluides R22 et de leurs mélanges. Un arrêté interministériel est en cours de finalisation, précise le directeur des normes industrielles, Jean-Paul Mboungou, soulignant que les distributeurs disposeront d’une période de transition de deux ans.
Le gouvernement encourage déjà les consommateurs à choisir des équipements frigorifiques chargés en réfrigérants naturels comme l’isobutane ou le propane, dont le potentiel d’appauvrissement de l’ozone est nul. Les importateurs bénéficient d’une exonération temporaire de droits de douane sur ces technologies vertes.
Formation et innovations dans la chaîne du froid
Dans un atelier organisé à Kintélé, vingt-cinq techniciens frigoristes ont été formés au maniement sécurisé de ces gaz alternatifs. « La pression est plus élevée, il faut adapter le sertissage », explique Mireille Okombi, enseignante au lycée technique du 1er Mai, heureuse de voir la filière se moderniser.
Risques sanitaires des substances visées
Les substances visées ne nuisent pas qu’à l’atmosphère. Le R22 est toxique et asphyxiant ; en cas de fuite prolongée, le personnel doit porter un appareil respiratoire isolant, prévient la note d’information du Centre hospitalier universitaire de Brazzaville consultée par notre rédaction.
Les aérosols carbonés, classés cancérogènes par le CIRC, aggravent les maladies respiratoires déjà fréquentes dans les quartiers densément urbanisés de Pointe-Noire. Le pédiatre Alain Boukadia rapporte une augmentation de 12 % des consultations pour asthme depuis 2019.
Quant aux halons encore présents dans certains extincteurs maritimes, les chercheurs australiens estiment qu’ils comptent pour un cinquième de la destruction restante de la couche d’ozone. Les autorités portuaires congolaises travaillent à un programme de recyclage avec l’Organisation maritime internationale.
Le pesticide bromure de méthyle, déjà interdit dans plusieurs pays, reste utilisé pour la fumigation des greniers villageois. Le ministère de l’Agriculture étudie des biopesticides à base de neem et prévoit des séances de sensibilisation dans les départements de la Cuvette et du Niari.
Jeunesse et recherche mobilisées
La mobilisation touche aussi les campus. À l’université Denis-Sassou-Nguesso de Kintélé, le club climat prépare une cartographie participative des équipements contenant des HCFC. « Nous voulons produire des données ouvertes pour aider les décideurs », explique Grace Loubaki, étudiante en géographie.
Financements et suivi technologique
Pour accélérer, un fonds national d’un million de dollars, cofinancé par la Banque mondiale et le Trésor public congolais, doit soutenir l’implantation d’unités de récupération de gaz usagés dans les zones industrielles de Brazzaville et de Pointe-Noire.
Les experts rappellent toutefois la nécessité d’un suivi par télédétection. Le service météorologique national teste actuellement des capteurs UV installés sur deux ballons sondes, capables de mesurer en temps quasi réel l’épaisseur de la couche d’ozone au-dessus du territoire.
Gestes quotidiens et services d’appui
Éteindre le climatiseur quand la pièce est vide, réparer immédiatement un joint poreux et rapporter les bonbonnes vides chez un collecteur agréé sont des gestes simples qui, multipliés par des milliers de foyers, évitent chaque année des kilogrammes de substances appauvrissant l’ozone.
Pour signaler une fuite ou obtenir une liste d’installateurs certifiés, les citoyens peuvent composer le 1488, ligne verte du ministère de l’Environnement, ou écrire à l’adresse mail ozonecongo@gouv.cg. Un service d’alerte SMS sera ouvert d’ici fin d’année.
Message final d’espoir et de vigilance
« Au-delà de son aspect symbolique, cette journée est un appel à la vigilance », a insisté la ministre Soudan-Nonault devant des lycéens. Elle a invité chacun à signaler les fuites de réfrigérant, à préférer les produits sans CFC et à diffuser ces gestes dans les familles.
La trajectoire vers 2065 reste exigeante, concède le physicien Mandoukou : « Le ciel nous laisse le temps, pas le droit à l’erreur ». En conjuguant politiques publiques, innovations locales et vigilance citoyenne, le Congo espère offrir aux générations futures un horizon débarrassé des trous d’ozone.
