Oyo, carrefour de la recherche régionale
Ils étaient une cinquantaine de scientifiques, venus d’Afrique, d’Europe et d’Amérique du Sud, à rallier Oyo après l’officialisation, à Brazzaville, du Réseau pour la recherche sur la transition énergétique en Afrique centrale. Dans la Cuvette, l’ébullition intellectuelle a gagné les couloirs modernistes du Centre d’excellence.
Trois jours durant, enseignants-chercheurs, ingénieurs et doctorants ont confronté leurs modèles, partagé leurs jeux de données et esquissé des protocoles communs pour rendre la transition plus rapide, moins coûteuse et surtout socialement juste dans les six pays CEEAC représentés.
« Si nous partageons les mêmes défis, partageons aussi les solutions », a résumé la directrice exécutive, Dr Maryse Nkoua Ngavouka, rappelant que le site, construit avec l’appui de partenaires publics et privés, se veut un pont entre laboratoires et besoins congolais.
Biogaz: transformer les déchets en kilowatts
L’intervention la plus attendue provenait du Brésil. Spécialiste du biogaz, le Dr Alessandre Sanches Peteira a démontré, chiffres FAO à l’appui, qu’un élevage congolais moyen pouvait couvrir l’éclairage d’un village si ses effluents étaient méthanisés au lieu d’être brûlés.
Selon lui, une biodigesteur familial coûte aujourd’hui moins cher qu’un groupe électrogène d’importation et réduit de 60 % la facture de cuisson. « L’avantage est double : énergie propre et gestion des déchets », a-t-il insisté, suscitant l’intérêt des représentants communautaires.
Solaire photovoltaïque: le réseau se densifie
De l’autre côté de l’Atlantique, la professeure Kathryn Jeffrey, de l’Université de Stirling, a présenté les progrès des cellules à couches minces adaptées aux climats chauds et humides. Leur rendement stable à 25 °C pourrait, selon elle, garantir un approvisionnement régulier en zones forestières.
Elle a plaidé pour un réseau d’essais mutualisés reliant Oyo, Yaoundé et Kinshasa afin de comparer la tenue des modules face aux poussières, à l’humidité et aux tensions de réseau. « La donnée partagée fait gagner cinq ans », a-t-elle affirmé.
Compétences locales: un pari sur la jeunesse
Le Centre d’excellence a profité de la rencontre pour lancer un programme de stage intensif destiné à vingt étudiant(e)s congolais(es) sélectionnés après un hackathon national. Ils seront formés à l’installation solaire, à la maintenance de digesteurs et à la conception d’applications de suivi.
« Donner aux jeunes les clefs de la transition, c’est garantir la pérennité des investissements », souligne Aristide Koumba, enseignant à l’Université Marien Ngouabi, impliqué dans le cursus. Le module combinera travaux pratiques sur micro-réseaux et ateliers de modélisation carbone.
Financements verts: catalyser l’innovation
La question des fonds a surgi dès la première table ronde. La Banque de développement des États d’Afrique centrale a rappelé l’existence d’une ligne de crédit climat de 100 millions de dollars, mobilisable pour les projets validés scientifiquement par le Centre d’excellence.
De son côté, l’Agence congolaise de l’électrification rurale a confirmé qu’elle co-financerait dix mini-centrales solaires issues de la recherche locale. « Notre priorité est la durabilité technique, mais aussi l’appropriation communautaire », a déclaré son directeur, Justin Okemba.
Communautés locales: la parole aux usagers
Venus de Ngoua et d’Ewo, plusieurs chefs de district ont expliqué comment l’ensablement des rivières complique l’accès aux micro-centrales hydroélectriques existantes. Ils voient dans la combinaison solaire-biogaz un moyen de sécuriser l’alimentation électrique sans dépendre totalement du niveau des eaux.
Rosalie Mabiala, maraîchère près d’Oyo, a témoigné de la difficulté à conserver ses récoltes faute de froid renouvelable. Elle espère qu’un biodigesteur collectif permettra d’alimenter une chambre froide coopérative, « pour vendre des tomates fraîches au lieu de les sécher au soleil ».
Transfert technologique: rôle clé des partenariats
Les délégués ont salué la politique nationale qui autorise désormais l’importation hors taxe de prototypes destinés à la R&D. Cette mesure, effective depuis janvier, facilite l’arrivée de batteries au sodium et d’onduleurs adaptatifs nécessaires aux tests menés dans la savane comme en forêt.
La coopération s’étend aussi au numérique : l’opérateur Congo Telecom a ouvert un canal satellite dédié pour transmettre en temps réel la data météo essentielle au pilotage des micro-réseaux. Les étudiants manipulent déjà ces flux via une plateforme open source hébergée sur des serveurs nationaux.
Feuille de route: cap sur 2025
Avant de se séparer, les participants ont adopté un agenda commun. D’ici à juin 2024, un atlas interactif des ressources en biomasse sera publié. À la fin de 2025, trois prototypes biogaz-solaire devront être opérationnels dans la Cuvette, calibrés sur les attentes villageoises.
Le Dr Nkoua Ngavouka a conclu en rappelant que le Congo s’est engagé à porter à 30 % la part des renouvelables dans son mix d’ici 2030. « La science nous montre la voie, mais la réussite dépendra de l’implication de chaque communauté », a-t-elle souligné.
Pour suivre les progrès, un tableau de bord public sera mis en ligne sur le site du Centre dès septembre. Il indiquera la production des mini-réseaux, les économies de CO₂ évitées et les emplois créés. Les habitants pourront y signaler, via SMS, toute panne constatée.
