Une scène politique en quête de consonance
Le 15 juillet, dans le cœur administratif de Brazzaville, seize responsables de partis ont apposé leur signature au bas d’un texte intitulé « Manifeste de l’opposition politique congolaise ». L’image, soigneusement mise en scène lors d’une rentrée politique très suivie, illustre la volonté de ces formations – de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale à des organisations plus récentes – d’harmoniser leurs positions. Les signataires ambitionnent d’émerger comme interlocuteur stable auprès des institutions, à l’heure où le pluralisme voulu par la Constitution se consolide sous l’égide du président Denis Sassou Nguesso.
Dans l’imaginaire collectif congolais, l’opposition a souvent été perçue comme éclatée, traversée par des querelles d’égos et des agendas concurrentiels. En créant un front commun, ses responsables entendent tourner la page d’une dispersion qui limitait leur lisibilité. « Nous souhaitons passer d’une opposition de contestation à une opposition de proposition », confie Armand Malonga, cadre du Parti républicain, soulignant la maturité politique acquise depuis la présidentielle de 2021.
Le socle juridique d’une démarche assumée
Le manifeste revendique l’application rigoureuse des prérogatives reconnues à l’opposition par la Loi fondamentale et par la récente réforme de la Charte des partis politiques. Cette référence constante au droit positif traduit un souci de conformité institutionnelle, point régulièrement salué par le ministère de l’Intérieur qui voit dans cette évolution « un signe de responsabilisation et de confiance envers les mécanismes républicains ».
Pour le constitutionnaliste Hervé Moukassa, cette insistance est stratégique : « En se plaçant sur le terrain de la légalité, l’opposition légitime sa place dans le jeu, tout en évitant la tentation de la surenchère ». Elle s’aligne ainsi sur la ligne du gouvernement, attaché à rappeler que l’équilibre démocratique repose sur le respect des cadres établis.
Vers une gouvernance électorale plus inclusive
Parmi les priorités affichées figure la construction d’une gouvernance électorale jugée fiable et équitable. Les partis signataires réclament la mise en commun de leur expertise pour suivre les futures échéances locales et législatives. La Commission nationale électorale indépendante, déjà ouverte aux contributions des formations politiques, devrait, selon eux, bénéficier d’un interlocuteur unique et structuré.
D’un point de vue gouvernemental, cette exigence vient renforcer l’effort de modernisation du processus électoral, matérialisé par l’introduction récente de l’enrôlement biométrique. Le ministère chargé de l’Administration du territoire estime que la présence d’une opposition coordonnée facilitera les concertations techniques, condition sine qua non d’un scrutin apaisé.
Éthique publique et économie verte en partage
Fait original, le manifeste se penche sur la protection de la biodiversité et la promotion d’une économie respectueuse de l’environnement. Cette ouverture aux questions écologiques résonne avec les engagements climatiques du Congo, salués lors de la COP 27. Elle permet aux signataires de s’arrimer à un thème fédérateur, au-delà des clivages classiques, et de se projeter sur le terrain des politiques publiques de long terme.
Pour Cécile Tchicaya, sociologue des mobilisations, cette dimension verte illustre « une volonté de traduire la compétition partisane en émulation programmatique ». Dans un pays dont 65 % du territoire repose sur des forêts denses, l’insertion du paramètre environnemental augure d’un débat salutaire autour de la diversification de l’économie hors pétrole.
Dialoguer sans rompre le fil institutionnel
L’unité recherchée ne vise pas la confrontation stérile avec les autorités, rappellent les rédacteurs du manifeste. Ceux-ci déclarent s’inscrire « dans la consolidation de la paix et de la cohésion nationale », écho direct aux orientations présidentielles en matière de stabilité. Le gouvernement, par la voix de son porte-parole, a d’ailleurs salué « un acte de responsabilité », tout en invitant l’ensemble des forces politiques à poursuivre le dialogue permanent instauré depuis les Concertations nationales.
Cette posture conciliante est susceptible de redynamiser les espaces de concertation existants : Conseil consultatif, cadre permanent de dialogue et commissions ad hoc. Les diplomates en poste à Brazzaville observent avec attention l’évolution de cette dialectique, y voyant un indicateur supplémentaire de la normalisation politique en cours.
Harmoniser des trajectoires hétérogènes
Le chantier organisationnel demeure ambitieux. Fédérer des partis aux histoires, aux bases sociologiques et aux ressources financières disparates nécessitera une ingénierie politique subtile. Les responsables évoquent la conclusion, à moyen terme, d’un « pacte républicain » qui fixerait les règles de gouvernance interne et de désignation d’un éventuel candidat commun.
D’ores et déjà, les signataires insistent sur la pédagogie à mener auprès des militants. Il s’agit de passer d’une addition de sigles à une culture de coalition, condition pour que l’offre politique gagne en crédibilité auprès d’une opinion publique attentive aux solutions concrètes en matière d’emploi, de pouvoir d’achat et de jeunesse. Sur ce terrain, l’appui institutionnel aux partis, prévu par la loi, pourrait jouer un rôle stabilisateur en garantissant une compétition électorale saine et transparente.