Course au cœur du parc
Le 11 octobre, 120 coureurs ont transformé les sentiers rouges du parc national d’Odzala-Kokoua en ruban mouvant. Trois distances – 10, 21 et 42 kilomètres – ont été lancées à une heure d’intervalle, attirant une foule enthousiaste dans la bourgade de Mbomo.
Dès l’aube, la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, artistique et des Loisirs, Lydie Pongault, a donné chaque coup d’envoi, première fois qu’un membre du gouvernement assistait à cette épreuve forestière, avant de remettre médailles et trophées célébrant l’alliance du sport et du voyage nature.
Sur la boucle de 10 kilomètres, Joseph Obanga, originaire de Mbomo, a pris le dessus en 42 minutes, devant Vérité Ilazi d’African Park en 43 minutes et Alvarince Olendé de Kamba en 45 minutes, offrant au village une première ovation matinale.
Les 21 kilomètres ont couronné Fred Itadi d’African Park en 1 h 37. Arnaud Mbongo de Kamba a suivi une minute plus tard, tandis que Guillaume Vorburger de Petit Fité complétait le podium en 1 h 44. L’écart réduit illustrait une chaude bataille.
L’épreuve reine, 42 kilomètres, a vu Djibil Agnouka d’African Park passer la ligne en 3 h 49, devançant de cinq minutes Arsène Zoloba de Mbomo et de dix-sept minutes Guinel Ngouana, également de Mbomo. Les applaudissements nourris soulignaient l’endurance exigée par ce parcours sinueux.
Une vitrine du tourisme responsable
Derrière le chronomètre, l’objectif central demeure la mise en valeur du parc, réserve emblématique du bassin du Congo. « Courir entouré d’éléphants et parfois de gorilles est un privilège qui rappelle l’urgence de protéger ces habitats », explique Elza Gillman, directrice générale de Kamba, initiatrice de la course.
L’organisation mise donc sur l’émotion des participants pour éveiller le désir de visiter, tout en incitant à la conservation. Les coureurs, hébergés dans les lodges proches, découvrent guidages naturalistes, gastronomie locale et artisanat, générant des revenus parallèles pour les communautés riveraines du parc.
Un partenariat public-privé prometteur
La présence de la ministre a rassuré les organisateurs quant à la pérennité. Elle a annoncé vouloir inscrire l’événement au calendrier national, en complément du semi-marathon de Brazzaville du 14 août, afin que « le monde intéressé par l’environnement vienne courir chaque année en pleine forêt ».
Plusieurs entreprises ont déjà positionné leur logo sur les dossards, offrant logistique, dotations et couverture médiatique. Cet appui privé, additionné aux facilités administratives promises, devrait sécuriser l’infrastructure, de la réhabilitation des pistes latéritiques à la signalétique trilingue indispensable à l’accueil d’athlètes étrangers.
Des retombées sociales pour Mbomo
Le village de Mbomo, point d’arrivée, a vu ses auberges et marchés bondés. Les vendeuses de fruits, les guides locaux et les opérateurs de transport fluvial rapportent une hausse de fréquentation par rapport à l’édition 2022, première à proposer la distance mythique de 42 kilomètres.
Selon le comité d’organisation, soixante-dix pour cent du budget injecté reste dans l’économie locale par les salaires temporaires, l’achat de vivres et la location de véhicules. À terme, un fonds communautaire alimenté par les frais d’inscription doit financer l’éclairage solaire et un forage d’eau potable.
Des ambitions internationales assumées
Elza Gillman vise désormais la labellisation World Athletics, gage d’affluence de coureurs élite. Pour y parvenir, elle compte attirer des chronométreurs certifiés, augmenter les postes de ravitaillement et équiper le parcours de puces électroniques afin d’approcher les standards de marathons de Paris ou Berlin.
L’édition 2024 pourrait également proposer des stages de reconnaissance guidés par des pisteurs qui montreront les empreintes de gorilles de plaine occidentale. Un argument double : performance sportive optimisée par l’acclimatation et immersion éducative rappelant les menaces du braconnage et des incendies de forêt.
Les enfants, ambassadeurs de la forêt
Le même week-end, des « jeux olympiques » d’Odzala ont réuni des dizaines d’écoliers autour de neuf défis ludiques, de la course en sac au lancer d’anneaux. « Les enfants n’ont pas été oubliés, c’est l’animation du village », souligne la ministre, sourire visible malgré la chaleur.
Ces ateliers inculquent très tôt la notion de protection de l’écosystème. Les enseignants épaulés par les éco-gardiens expliquent comment chaque geste sportif nécessite un environnement sain ; un cerceau laissé au sol rappelle une liane, un seau d’eau évoque la gestion précieuse des rivières claires du parc.
Prochaine édition, même esprit
Déjà assuré du soutien de nouveaux sponsors, le comité confirme le maintien de la date d’octobre et le plafonnement à 200 dossards pour préserver la quiétude de la faune. La promesse reste inchangée : courir, admirer, partager, afin que la forêt résonne de pas, non de tronçonneuses.
