Aux portes de la grande forêt, un enjeu national
À l’heure où la gouvernance des forêts d’Afrique centrale fait l’objet d’une attention mondiale soutenue, l’annonce publiée le 7 juillet 2025 par le Fonds mondial pour la nature, portant sur le recrutement d’un consultant chargé de rédiger le plan d’aménagement du parc national Ntokou-Pikounda, résonne comme un signal d’accélération. La vaste aire protégée, qui s’étend de la Cuvette à la Sangha, est souvent décrite par les écologues comme l’un des derniers bastions de biodiversité à forte densité de grands singes. L’initiative intervient dans un contexte où les autorités congolaises, attachées à la valorisation durable de leur capital naturel, ont multiplié les démarches auprès des partenaires techniques et financiers afin de concilier conservation et développement.
Une aire protégée au cœur de la Cuvette et de la Sangha
Créé en 2012, le parc national Ntokou-Pikounda couvre près de 4 200 km² de massifs forestiers, de marécages et de cours d’eau. Sa singularité tient autant à ses paysages qu’à l’implantation séculaire de communautés bantoues et autochtones dont les activités traditionnelles reposent sur la pêche, la cueillette du miel et l’agroforesterie. Les autorités congolaises, conscientes de cet héritage pluriel, ont toujours affiché la volonté de préserver la mosaïque des usages sans sacrifier la vocation conservatoire du site. Les récents échanges entre les ministères concernés, la direction du parc et le WWF illustrent une convergence d’intérêts : sécuriser le cadre juridique tout en garantissant un accès raisonné aux ressources.
Une dynamique de concertation inédite
Le Centre d’actions pour le développement, organisation congolaise de la société civile, voit dans l’appel à consultation du WWF l’aboutissement d’un dialogue qu’il nourrit depuis 2022 avec toutes les parties prenantes. « C’est un pas décisif vers une clarification des droits et des responsabilités », confirme son communiqué daté du 9 juillet 2025. De fait, l’élaboration d’un plan d’aménagement répond à une exigence normative inscrite dans le Code congolais de la faune et des aires protégées ; elle offre un cadre de gouvernance transparent où les modalités d’accès, de zonage et de contrôle sont négociées publiquement. La durée de la mission, plafonnée à cinq mois, témoigne de la volonté des partenaires de présenter un document opérationnel avant la fin de l’année.
Des garanties pour les communautés locales
Le futur plan devra, en vertu des engagements internationaux du Congo, consacrer la reconnaissance des droits coutumiers. Les chefs traditionnels interrogés à Makoua estiment qu’un zonage participatif « permettra de pacifier les relations avec les éco-garde », souvent perçus comme les gardiens d’une réglementation encore mal comprise. L’accès à la rivière Bokiba, naguère restreint pour des raisons de sécurité écologique, figure parmi les points de discussion les plus sensibles. Selon le ministère de l’Économie forestière, des mécanismes de quotas et de patrouilles mixtes pourraient lever les dernières réticences tout en préservant l’intégrité des frayères de poissons.
Les experts en anthropologie du développement soulignent par ailleurs l’importance d’inscrire la gouvernance du parc dans le long terme : l’intégration de représentants communautaires au comité de suivi, la création de fonds villageois dédiés aux micro-projets et la mise en place de couloirs de mobilité pour les populations autochtones sont autant de mesures à même de conforter la cohésion sociale.
Un test grandeur nature pour la gouvernance environnementale
Au-delà du cas Ntokou-Pikounda, le processus engagé sert de baromètre à la crédibilité des partenariats public-privé en matière environnementale. Le Congo, signataire de l’Accord de Paris et partie prenante de l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale, mise sur des modèles de gestion intégrés pour attirer des financements climatiques. L’implication du WWF, forte de son expertise scientifique, et la vigilance constructive de la société civile créent une triangulation d’acteurs susceptible de produire un référentiel duplicable. Les bailleurs, de la Banque africaine de développement aux fonds verts spécialisés, observent avec intérêt la capacité des institutions nationales à conduire un exercice d’aménagement inclusif dans un laps de temps contraint.
Perspectives d’un modèle participatif congolais
Si le calendrier est respecté, le parc national Ntokou-Pikounda deviendra la première aire protégée congolaise dotée d’un plan conforme aux standards de gouvernance sociale recommandés par l’Union internationale pour la conservation de la nature. Le gouvernement, par la voix de ses représentants, a déjà indiqué que les retours d’expérience nourriront la révision prochaine de la stratégie nationale sur les aires protégées. Dans cette optique, la démarche participative n’est pas perçue comme un simple impératif moral, mais comme un levier d’efficacité : l’adhésion des riverains réduit les coûts de surveillance et renforce la résilience des écosystèmes.
Dans un environnement international où la finance carbone et les certifications de performance sociale gagnent du terrain, le Congo peut ainsi mettre en avant un cas d’école articulant pragmatisme économique et responsabilité sociétale. Comme le résume un diplomate basé à Brazzaville : « Une aire protégée bien gouvernée, c’est un gage de stabilité pour les populations et un atout pour la diplomatie climatique du pays. »
Le Parc national Ntokou-Pikounda, longtemps perçu comme un territoire enclavé, se voit donc propulsé au rang de laboratoire institutionnel. Entre impératifs écologiques, attentes communautaires et ambitions nationales, l’élaboration du plan d’aménagement ouvre la possibilité d’une convergence où chacun, de l’enfant pêcheur de Bokiba au négociateur des COP, trouve sa place dans la grande symphonie verte congolaise.