Assainissement urbain et agendas de développement
Au cœur de Brazzaville, la récurrence des inondations, la vétusté des canalisations et l’urbanisation accélérée placent la question de l’assainissement au rang de priorité nationale. La création, en 2021, d’un ministère dédié à l’Assainissement urbain, au Développement local et à l’Entretien routier traduit cette volonté politique de moderniser les infrastructures essentielles, dans une perspective intégrée où santé publique, attractivité économique et adaptation climatique se rejoignent. À l’heure où le Plan national de développement 2022-2026 met l’accent sur les villes durables, l’arrivée du groupe technologique français Nova Detect apparaît comme une opportunité stratégique pour accroître l’efficacité des investissements publics et privés.
Brazzaville face au défi des réseaux souterrains
Les réseaux enterrés – conduites d’eau potable, assainissement, mini-drainage pluvial ou câblage électrique – demeurent encore partiellement cartographiés, héritage d’une croissance urbaine souvent spontanée. Selon la cellule technique du ministère, plus de 30 % des ruptures de service dans la capitale sont liées à des travaux qui endommagent des conduites non localisées. Sur ce terrain, la société Nova Detect apporte quinze années d’expertise dans la détection électromagnétique et la modélisation 3D des infrastructures invisibles. Son directeur général, Philippe Aymard, souligne que « la précision de la donnée est le socle de toute politique d’aménagement raisonnée ; sans visibilité sur le sous-sol, les chantiers se muent en loterie coûteuse ».
Une diplomatie technique au service de l’assainissement
Reçue le 30 juillet par le ministre Juste Désiré Mondélé, la délégation française, conduite par le maire de Charly, Olivier Aurojo, a présenté un dispositif d’accompagnement articulé autour de trois composantes : un audit complet des réseaux existants, un transfert de savoir-faire aux ingénieurs locaux et la mobilisation de financements mixtes, notamment via l’Agence française de développement. Le ministre a salué « un partenariat qui épouse les besoins congolais et s’inscrit dans l’esprit de coopération gagnant-gagnant défendu par le président Denis Sassou Nguesso ». Par cette diplomatie technique, les deux parties entendent conjuguer innovation européenne et priorité sociale congolaise, afin d’apporter des réponses rapides aux quartiers les plus exposés aux risques sanitaires.
Innovation et transfert de compétences durables
Au-delà de la cartographie, Nova Detect propose Mappia, solution de data management qui agrège informations géotechniques, historiques d’interventions et cadastre numérique dans un jumeau numérique urbain. Associée à la start-up Mimo Detect, capable de tripler la vitesse de détection de fuites grâce à l’intelligence artificielle, la plateforme forme un écosystème technologique cohérent. Henri Coron, responsable innovation, insiste : « Notre approche vise à autonomiser les collectivités. Nous remettons les clefs de la connaissance aux gestionnaires locaux ». Une formation certifiante devrait être lancée dès 2025 pour cinquante techniciens congolais, en partenariat avec l’Université Marien Ngouabi, afin de pérenniser les savoirs endogènes et réduire la dépendance aux cabinets étrangers.
Convergence avec les ambitions climatiques nationales
Le Livre blanc sur l’économie verte, adopté par le gouvernement en 2023, rappelle que 70 % des émissions urbaines de gaz à effet de serre proviennent d’une gestion inefficiente de l’eau et des déchets. La modernisation des réseaux souterrains, en limitant les fuites d’eau potable et en fluidifiant les flux d’assainissement, pourrait réduire de près de 200 000 tonnes équivalent CO2 par an, selon les projections du Centre congolais de l’environnement. Cette synergie entre performance infrastructurelle et atténuation climatique consolide la position du Congo comme acteur responsable au sein de la Commission climat du Bassin du Congo.
Perspectives socio-économiques pour les territoires urbains
À moyen terme, le partenariat prévoit un dispositif pilote dans l’arrondissement de Poto-Poto, où les interruptions d’eau atteignent parfois huit heures quotidiennes. Les 18 kilomètres de conduites concernés seront numérisés, puis rénovés à partir d’un diagnostic précis, réduisant ainsi les pertes en eau évaluées à 35 %. Sur le plan macro-économique, l’optimisation des réseaux devrait générer des économies opérationnelles estimées à 1,8 milliard de francs CFA sur cinq ans pour la Société nationale de distribution d’eau. Surtout, l’amélioration de la salubrité urbaine renforcera la résilience sociale en diminuant l’incidence des maladies hydriques, responsables de 12 % des hospitalisations pédiatriques.
Cap sur une gouvernance urbaine rénovée
L’alliance entre le ministère congolais et le groupe Nova illustre la montée en puissance des coopérations public-privé à haute valeur technologique dans la sous-région. En articulant cartographie numérique, formation locale et financements structurés, elle offre un modèle reproductible dans d’autres villes du pays, de Pointe-Noire à Ouesso. Si les premiers résultats attendus en 2026 confirment les gains anticipés, Brazzaville pourrait devenir un laboratoire régional de la ville intelligente adaptée aux réalités africaines. En filigrane, c’est la promesse d’une gouvernance urbaine plus transparente, orientée vers le service aux citoyens et alignée sur les engagements climatiques internationaux du Congo-Brazzaville.