Mouyondzi, territoire agricole à l’épreuve du climat
Dressée sur les plateaux du département de la Bouenza, la communauté urbaine de Mouyondzi s’est historiquement constituée autour d’un socle agricole riche, où manioc, maïs et légumineuses structurent l’économie familiale. Or, la variabilité climatique accrue, marquée par une alternance de pluies diluviennes et de périodes sèches prolongées, bouleverse aujourd’hui les calendriers culturaux. Comme le souligne le géographe Florent Ngakala, « la pression météorologique récente appelle des réponses territoriales adaptées, combinant savoirs locaux et innovations scientifiques ».
Dans ce contexte, la maire Anne Marie Claudine Kabala envisage un repositionnement stratégique de l’agriculture, vecteur de 70 % des emplois directs de la ville selon les données municipales. Son projet s’inscrit dans la logique nationale du Programme de développement local et d’aménagement du territoire, lequel encourage la création de pôles ruraux compétitifs tout en respectant les équilibres écosystémiques.
Vers une agriculture résiliente et inclusive
La stratégie municipale repose sur la mutualisation des moyens de production. Travailler en coopérative permettra, selon l’édile, de sécuriser l’accès au crédit vert et de négocier des intrants de meilleure qualité à des coûts optimisés. « La culture de la solidarité économique est le meilleur amortisseur contre les chocs climatiques et financiers », assure-t-elle. Les autorités locales entendent également promouvoir la diversification des itinéraires techniques, encourageant l’agroforesterie et la valorisation des sous-produits agricoles afin de réduire la dépendance aux engrais chimiques importés.
Cette approche circulaire, qui conjugue lutte contre l’érosion, séquestration du carbone et augmentation des rendements, s’inspire des bonnes pratiques identifiées par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture. Selon un rapport conjoint FAO-Congo publié en 2022, la généralisation des systèmes agro-écologiques pourrait accroître de 20 % la productivité dans la Bouenza tout en divisant par deux les émissions de gaz à effet de serre issues des brûlis traditionnels.
Chaînes de valeur et dynamisme entrepreneurial
Au-delà de la production primaire, la municipalité cible l’aval des filières afin de maximiser la valeur ajoutée locale. Le projet prévoit l’installation d’unités semi-artisanales de transformation du manioc en gari, d’entreprises de conditionnement de haricots rouges et de plateformes numériques d’agrégation des commandes urbaines. Ces micro-unités, portées par des jeunes entrepreneurs, seront accompagnées par l’Agence congolaise de développement de l’entrepreneuriat et bénéficieront d’incubateurs ruraux financés par la Banque de développement des États de l’Afrique centrale.
La création de marchés hebdomadaires labellisés « Produits de Mouyondzi » doit, par ailleurs, renforcer le pouvoir de négociation des paysans face aux intermédiaires traditionnels. Pour l’économiste Clémentine Kino, « l’ancrage territorial des débouchés est indispensable pour stabiliser les revenus et renforcer la cohésion sociale dans les zones rurales d’Afrique centrale ».
Sécuriser l’accès à l’eau, pilier de la santé publique
La question hydrique constitue l’autre versant du plan municipal. Pendant la saison sèche qui s’étire de juin à septembre, plusieurs quartiers ne reçoivent de l’eau qu’à raison de quelques heures par semaine. Les nouvelles orientations misent sur le captage gravitaire de sources périphériques, la réhabilitation des forages existants et l’implantation de réserves surélevées alimentées par énergie solaire. L’objectif est de couvrir les dix-sept quartiers de la cité et de réduire de 60 % les pertes en distribution.
Ce chantier bénéficie d’un concours technique de l’Agence française de développement et du Fonds OPEP pour le développement international. Il s’inscrit par ailleurs dans l’axe 3 du Plan national de résilience climatique, salué par la Banque mondiale pour son articulation entre adaptation et réduction de la pauvreté. Les retombées attendues dépassent la simple commodité domestique : le gouvernement congolais estime qu’une amélioration de l’accès à l’eau potable pourrait diminuer de moitié les maladies hydriques dans la région.
Partenariats et gouvernance territoriale
La réussite de l’ambition municipale repose sur une gouvernance polycentrique, associant autorités locales, organisations paysannes, secteur privé et bailleurs internationaux. Un comité de pilotage, où siègent des représentants des ministères de l’Agriculture, de l’Industrie et de l’Énergie, se réunit chaque trimestre afin d’assurer la cohérence réglementaire et le suivi-évaluation des impacts sociaux et environnementaux.
En s’appuyant sur la récente loi congolaise relative à la décentralisation financière, Mouyondzi pourra capter une fraction des recettes fiscales générées par les nouvelles activités pour réinvestir dans les infrastructures éducatives et sanitaires. Cette rétro-alimentation financière devrait consolider le cercle vertueux d’un développement endogène, sobre en carbone et centré sur l’humain.
Cap sur un développement territorial durable
L’initiative menée par Anne Marie Claudine Kabala illustre la manière dont les collectivités locales congolaises peuvent favoriser la transition écologique sans renoncer à la croissance. En articulant agriculture intelligente face au climat, entrepreneuriat rural et gestion intégrée de la ressource en eau, Mouyondzi se positionne comme laboratoire d’un développement équilibré, conforme aux orientations du Plan national de développement 2022-2026 adopté par le gouvernement.
Si les défis logistiques et financiers demeurent, la dynamique participative qui se dessine offre un horizon stimulant pour l’ensemble du district. « Nous voulons prouver qu’une petite ville peut devenir un symbole d’innovation sociétale au service du bien-être collectif », conclut la maire, confiante dans la capacité de ses concitoyens à transformer les contraintes en opportunités.