Échos d’une société civile pragmatique
Réunis au cœur de Brazzaville, dans l’enceinte symbolique de la Maison de la société civile, les acteurs de la Coordination nationale des réseaux et associations sur la gouvernance électorale et démocratique (Coraged) ont, deux jours durant, revisité leur charte et leur gouvernance interne. L’enjeu déclaré dépasse cependant la simple réforme associative : il s’agit, à travers une future concertation nationale, de baliser les conditions politiques, juridiques et sécuritaires de la présidentielle de mars 2026. Au terme des assises, la déclaration finale insiste sur « la nécessité de garantir en toutes circonstances la sécurité des personnes et de leurs biens, ainsi que les libertés publiques, dont la liberté de presse, pierre angulaire d’un Congo pleinement démocratique », selon les mots du secrétaire permanent du Conseil consultatif de la société civile, Céphas Germain Ewangui.
Une tradition de dialogues institutionnels
Depuis 2002, la convocation régulière de concertations nationales par la présidence a contribué à ritualiser le dialogue entre institutions, partis et forces vives. Dans un contexte budgétaire souvent contraint, l’État congolais a néanmoins maintenu le calendrier électoral, rappelant son attachement à la périodicité constitutionnelle. Les observateurs notent que les forums de 2009, 2015 et 2021 ont permis d’harmoniser les procédures, d’affiner les cahiers de charges des organes de gestion et de réduire, à chaque cycle, les zones de friction potentielle. Les organisations signataires de l’appel estiment qu’un tel dispositif reste le moyen le plus sûr de prévenir les crispations préélectorales et de favoriser l’appropriation populaire des résultats.
Conjuguer sécurité et pluralisme médiatique
Les représentants de la Coraged soulignent que la sécurisation des scrutins ne repose pas seulement sur le déploiement des forces de l’ordre ou sur la mise à jour des listes électorales. Dans un pays où l’espace médiatique se diversifie à un rythme soutenu, la protection des journalistes et la lutte contre la désinformation deviennent déterminantes pour la crédibilisation du verdict des urnes. L’appel recommande ainsi une coordination étroite entre la Haute autorité de la communication, les rédactions publiques et privées ainsi que les plateformes numériques d’information, afin que « le récit national des élections soit partagé, vérifiable et pacificateur ». Cette démarche, observe un chercheur de l’Université Marien Ngouabi, « répond à l’exigence contemporaine de sécurité humaine, laquelle inclut la sécurité informationnelle ».
Les enjeux techniques de la transparence
Derrière la rhétorique de la concertation, se dessine un travail pragmatique : fiabiliser le fichier électoral, clarifier les procédures de dépouillement et renforcer la formation des agents en bureaux de vote. Les ONG spécialisées proposent l’introduction de technologies de traçabilité qui, sans se substituer aux protocoles manuels, offriraient un contrôle complémentaire des procès-verbaux. L’expérience de 2021, marquée par la transmission électronique de certains relevés de résultats, a ouvert des pistes qu’il conviendrait, selon elles, de systématiser tout en préservant la souveraineté technologique du pays. Les experts rappellent qu’une telle modernisation suppose un cadre réglementaire stable ainsi qu’un accompagnement budgétaire soutenable, condition sine qua non de son acceptabilité par l’ensemble des protagonistes.
La feuille de route de la Coraged
Après avoir relu ses textes fondamentaux et renouvelé ses organes directeurs, la Coraged a adopté une feuille de route articulée autour de trois axes : observation électorale indépendante, médiation communautaire et plaidoyer institutionnel. Les associations membres s’engagent à former un millier de volontaires, à multiplier les ateliers de sensibilisation dans les départements périphériques et à produire des rapports périodiques destinés tant aux autorités nationales qu’aux partenaires régionaux. « Lentement mais sûrement, notre pays poursuit sa marche vers la consolidation démocratique », a résumé Céphas Germain Ewangui, rappelant que la société civile entend demeurer force de proposition plutôt que vigie suspicieuse.
Entre consolidation démocratique et stabilité
À moins d’un an du scrutin présidentiel, l’appel à la concertation illustre la maturité progressive d’un champ associatif conscient des équilibres institutionnels. Le paradigme de la paix sociale, promu depuis la fin des années 1990, reste la toile de fond des revendications. En saluant les efforts constants du gouvernement pour organiser les consultations dans les délais, les animateurs de la Coraged esquissent un compromis : transformer une période autrefois perçue comme périlleuse en opportunité de renforcement de l’État de droit. Pour les diplomates accrédités à Brazzaville, l’enjeu est lisible : la stabilité politique du Congo-Brazzaville, arrimée à un processus électoral inclusif, demeure un facteur de sécurité régionale. La concertation proposée pourrait, si elle est acceptée, servir de balise tant aux candidats qu’aux électeurs, et inscrire la présidentielle de mars 2026 dans le récit, plus large, d’une Afrique centrale en quête de gouvernance responsable.