Makabandilou, un quartier vulnérable face aux pluies
Dans le quartier vallonné de Makabandilou, à l’ouest de Brazzaville, les nuages annoncent le retour de la saison humide. Les habitants scrutent le ciel avec appréhension, conscients que chaque averse peut transformer les ruelles sableuses en torrents dévastateurs pour leurs maisons.
Depuis deux ans, un programme de collecteurs gravitaires devait sécuriser cette zone sensible, financé par un partenariat public-privé piloté par la Direction générale des grands travaux. Les tranchées ont été creusées, les buses livrées, puis le chantier s’est subitement figé au début de l’été.
Des travaux attendus par les riverains
C’est cette pause qui nourrit l’angoisse locale. «Nous étions soulagés quand les engins sont arrivés, maintenant nous dormons mal», confie Isaac Mbengui, résidant depuis sept ans. Plusieurs riverains évoquent les souvenirs douloureux d’avril 2022, lorsque l’eau a cisaillé clôtures, commerces et câbles électriques.
Makabandilou n’est pas un cas isolé. Selon le Plan directeur d’urbanisme, presque 30% de Brazzaville se trouve en zone inondable, conséquence d’une croissance urbaine rapide et d’un drainage sous-dimensionné. Les pluies extrêmes, plus fréquentes avec le changement climatique, exagèrent ce déficit hydraulique.
Les raisons d’un arrêt temporaire
Le chantier de Makabandilou prévoit un collecteur principal de 1,2 kilomètre raccordé à la cuvette naturelle de Soprogie, où un bassin de rétention doit temporiser les crues avant rejet vers la Tsiémé. Les ingénieurs ont opté pour des buses en béton fibré, adaptées au débit.
D’après une source technique au sein de l’entreprise adjudicataire, la suspension s’explique par des ajustements administratifs et la livraison différée d’un lot de buses spéciales. «Les équipes n’ont jamais été démobilisées, nous finalisons le recalibrage des plans», assure ce cadre, qui parle d’un redémarrage imminent.
Du côté de la mairie de Talangai, on rappelle que le projet bénéficie d’un financement conjoint État-partenaire, avec un échéancier négocié. «Le retard est technique, pas budgétaire. Nous suivons la procédure pour garantir la qualité», précise un responsable du service voirie, sous couvert d’anonymat.
Initiatives citoyennes et soutien associatif
En attendant, les habitants s’organisent. Dans certaines ruelles, des jeunes ont curé à mains nues les fossés existants pour faciliter l’écoulement. Les comités de quartier ont mis en place un roulement de veille nocturne, afin de dégager aussitôt les caniveaux bouchés par les ordures.
Ces gestes citoyens sont salués par les associations environnementales. Pour Stanislas Okongo, président du collectif Eau pour Tous, ils montrent que «la solution ne vient pas seulement d’en haut ; la communauté est actrice». Il plaide cependant pour des kits de protection et des formations sur la gestion des risques.
L’expertise technique pour un système durable
Les spécialistes du Bureau national d’hydrologie soulignent l’importance d’un entretien régulier des réseaux. Un coordinateur rappelle qu’un simple dépôt de sable réduit de moitié la capacité aéraulique d’une conduite. «Même un collecteur flambant neuf reste vulnérable si les avaloirs se colmatent», prévient-il.
Pour consolider les efforts de Makabandilou, le Programme national d’adaptation aux changements climatiques identifie trois mesures rapides : curage saisonnier systématique, installation de grilles à déchets multisites et sensibilisation porte-à-porte. Ces actions, budgétisées pour moins de cinquante millions de francs CFA, pourraient commencer avant la fin du trimestre.
À moyen terme, les urbanistes de l’Université Marien Ngouabi proposent d’exploiter les espaces interstitiels pour créer des jardins de pluie. Ces dépressions végétalisées infiltrent l’eau, réduisent l’érosion et constituent des îlots de fraîcheur. Plusieurs écoles primaires du secteur se sont déjà portées volontaires pour un pilote.
Partenariats et financements complémentaires
Le ministère de l’Urbanisme explore en parallèle un appui technique auprès de partenaires internationaux spécialisés dans les solutions basées sur la nature. Des échanges préliminaires ont eu lieu avec la Banque africaine de développement, qui soutient déjà un projet similaire à Pointe-Noire.
Sur le terrain, l’urgence reste palpable. À la moindre averse, les enfants sont priés de rester à l’intérieur des concessions. Les parents déplacent meubles et documents vers les étages improvisés. «Nous composons, mais nous voulons avancer», résume Dimi Dorov, inquiet pour son atelier de menuiserie.
Interrogée sur la coordination générale, la délégation départementale de la Protection civile assure que des simulations d’évacuation seront conduites courant octobre. Des sirènes mobiles et un nouveau numéro vert permettront d’alerter rapidement. Les équipes envisagent également des exercices conjoints avec les sapeurs-pompiers et les associations locales.
Vers une résilience urbaine exemplaire
Pour nombre d’observateurs, Makabandilou incarne les défis de résilience urbaine que Brazzaville doit relever. Les infrastructures, la sensibilisation et la gouvernance forment un triptyque indissociable. «Une canalisation robuste, c’est aussi une communauté impliquée et des institutions réactives», synthétise la géographe Clarisse Loubaki dans un rapport.
Les pluies approchent, mais l’optimisme prudent domine. Les riverains espèrent voir les camions redémarrer, tandis que les experts soulignent le potentiel d’innovation. Si les délais sont tenus, Makabandilou pourrait devenir un modèle de gestion intégrée des eaux pluviales adaptée au contexte congolais.
Dans le futur, la cartographie en temps réel des précipitations, accessible sur smartphone, pourrait compléter l’arsenal de prévention et renforcer l’autonomie des ménages.
