Une ceinture maraîchère à deux pas de la capitale
Les étals de la capitale pourront bientôt compter sur des tomates et salades cueillies vingt kilomètres plus loin, à Nganga Lingolo. Sur sept hectares, le site de Kélékélé vient d’être inauguré par le ministre de l’Agriculture Paul Valentin Ngobo, sous les applaudissements des maraîchers et des autorités locales.
Installés autrefois sur la Corniche Case-de-Gaulle ou à Limense, quatre-vingt-une femmes et quarante-cinq hommes ont accepté de déplacer leurs cultures vers ce terrain plus vaste. Le déménagement, suivi par le district de Goma Tsé-Tsé, répond à un objectif clair : sécuriser les récoltes et garantir un flux régulier de légumes sains pour Brazzaville.
Financement Congo-France, un levier pour l’agroécologie
Le périmètre est financé grâce au contrat de désendettement et de développement, mécanisme qui convertit une partie de la dette bilatérale en investissements agricoles pérennes. « Une illustration de notre partenariat gagnant-gagnant », a résumé le ministre, rappelant que l’AFD pilote la mise en œuvre du Projet de relance du secteur agricole (Parsa).
Présente sur le terrain, l’ambassadrice de France Claire Bodonyi a souligné la portée symbolique du chantier : « Soutenir un maraîchage bio, c’est encourager une alimentation saine et des emplois locaux. » Des chercheurs du Cirad apportent leur expertise, renforçant la dimension scientifique du programme.
Techniques vertes et savoirs locaux au cœur du projet
Chaque producteur dispose de 340 m², irrigués par des motopompes alimentées depuis un puits captant le nappe locale. Des châteaux d’eau surélevés garantissent la pression, tandis que des murs en béton contiennent l’érosion, fléau récurrent sur ces collines sableuses.
Le groupement des maraîchers formateurs diffuse des pratiques agroécologiques simples : compost maison, bio-pesticides à base de neem, rotation des cultures. « Nos conditions se sont nettement améliorées, nous ne dépendons plus des intrants chimiques coûteux », se réjouit Saturnin Samba, président du groupement.
Des planches de tomates, courgettes, épinards et gombos s’alternent avec des bandes fleuries pour attirer les pollinisateurs. Les rangées serrées optimisent l’espace et maintiennent l’humidité, un atout précieux en saison sèche souvent prolongée par le changement climatique.
Des retombées sociales déjà palpables
Autour des cases voisines, les familles notent que les ramassages de légumes génèrent une activité régulière pour les moto-taxi, tandis que les marchés de Madibou écoulent déjà les premiers paniers au lever du jour.
Le sous-préfet Philippe Dzalankazi évoque une quarantaine d’emplois indirects créés en six mois : embauche de jeunes pour la préparation des planches, services de transport, vente de semences. « La ferme devient un poumon économique, sans recourir à l’abattage d’arbres », insiste-t-il.
Selon les premières estimations du Parsa, la production annuelle pourrait dépasser cent cinquante tonnes, couvrant près de dix pour cent de la demande brazzavilloise en légumes feuilles pendant la saison sèche.
Danser avec le relief : défis et perspectives
Le terrain reste accidenté, percé de ravines anciennes. Les producteurs réclament des fascines et plus de drains pour sécuriser les planches les plus basses. « Nous avons gagné la bataille de l’eau, restons vigilants contre l’érosion », martèle Saturnin Samba.
Des analyses topographiques, financées par l’AFD, identifieront les zones à risque afin de positionner des terrasses anti-ruissellement. Les partenaires étudient aussi l’installation de panneaux solaires pour alléger la facture d’énergie des pompes, option alignée avec la stratégie nationale d’efficacité énergétique.
À moyen terme, le ministère prévoit d’étendre le concept vers Kindamba et Ollombo, créant une ceinture verte continue autour de Brazzaville. Les maraîchers de Kélékélé joueront alors un rôle de formateurs itinérants auprès de leurs pairs des localités voisines.
Un numéro vert affiché à l’entrée du site – 05 560 12 34 – renseigne sur les procédures d’adhésion, tandis qu’une permanence hebdomadaire animée par les ingénieurs du projet répond aux questions des étudiants ou des associations souhaitant reproduire le modèle.
Leçons à diffuser et contacts utiles
Kélékélé démontre qu’en combinant volonté politique, coopération et savoir-faire paysan, une agriculture saine peut prospérer aux portes de la ville et réduire l’empreinte carbone des approvisionnements.
Le site abrite désormais une petite salle de formation où sont projetées les cartes satellite du suivi de l’occupation des sols. Les visiteurs y apprennent à calculer une empreinte hydrique ou à préparer des extraits fermentés d’ortie, gestes simples aux effets durables.
Le ministère indique qu’une plateforme en ligne diffusera d’ici à la fin de l’année les données de rendement, les fiches techniques et les coordonnées des experts de terrain. L’objectif : faciliter les synergies entre chercheurs, investisseurs et jeunes diplômés en quête de stages.
En un mot, Kélékélé n’est pas qu’un champ de légumes ; c’est un laboratoire vivant de transition agroécologique, prêt à inspirer d’autres territoires et à sécuriser, sur le long terme, le panier des ménages brazzavillois.
									 
					