Un message présidentiel à tonalité environnementale
Depuis Brazzaville, Denis Sassou Nguesso a profité du 65ᵉ anniversaire de l’indépendance pour placer la transition écologique au cœur du récit national.
À la télévision publique, le chef de l’État a martelé que la paix mondiale et la stabilité économique dépendent désormais d’une gestion durable des ressources naturelles.
Sans dramatiser, il a noté que la recrudescence des catastrophes dans les faubourgs de Brazzaville et Pointe-Noire rappelle l’urgence d’adapter les politiques urbaines.
Le discours a également convoqué l’imaginaire panafricain, estimant qu’aucun État n’affrontera seul les dérèglements climatiques et la volatilité des marchés.
Saluant la devise nationale Unité-Travail-Progrès, le président a invité à une mobilisation accrue autour des filières bas-carbone pour consolider la souveraineté alimentaire.
Afforestation: une décennie onusienne portée par Brazzaville
Moment fort du message, l’adoption par l’ONU de la Décennie du boisement et du reboisement est présentée comme un succès diplomatique congolais.
Porté par Brazzaville, le texte engage les États à intensifier la plantation d’arbres, à sécuriser les semences forestières et à financer des puits de carbone ruraux.
Dans les couloirs de New York, plusieurs diplomates saluent « la voix du Bassin du Congo », souvent qualifié de second poumon planétaire après l’Amazonie.
La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique estime que la stratégie d’afforestation pourrait générer 350 000 emplois verts en Afrique centrale d’ici huit ans.
Dans le même temps, des ONG locales demandent des mécanismes de vérification afin que chaque hectare reboisé corresponde à un suivi satellitaire transparent.
Résilience économique et justice climatique
Le président a rappelé que les chocs pétroliers et les conflits extérieurs accentuent les dettes des pays exportateurs, rendant urgente la diversification vers l’agro-industrie résiliente.
Dans son allocution, il a invité les investisseurs à valoriser les surfaces cultivables encore disponibles, évaluées à près de dix millions d’hectares par le ministère de l’Agriculture.
Les économistes de l’Université Marien-Ngouabi soulignent qu’une telle orientation pourrait réduire de 15 % la facture des importations alimentaires en cinq ans.
Pour autant, la capacité de résilience dépendra d’un accès élargi aux financements climat, thème central des futures négociations COP 30 où Brazzaville souhaite parler d’une seule voix africaine.
« Les bailleurs doivent comprendre que protéger la forêt équatoriale, c’est sécuriser un service public mondial », résume la climatologue française Valérie Verdier, conseillère d’un think-tank panafricain.
La jeunesse congolaise face au cap 2050
D’ici 2050, la population congolaise pourrait frôler 10 millions d’habitants, principalement urbains, selon les projections de la Banque mondiale.
Le chef de l’État table sur ce dividende démographique pour alimenter des corridors verts, notamment le Chantier-École de Kintélé, tourné vers l’ingénierie agroforestière.
Les étudiants interrogés louent un espoir, mais souhaitent des garanties sur la transparence des concours publics et sur la qualité des équipements pédagogiques.
Dans les quartiers sud de Pointe-Noire, plusieurs start-ups recyclent déjà les résidus de sciage pour produire des briquettes énergétiques moins émettrices que le charbon traditionnel.
Ces initiatives, rarement médiatisées, s’alignent pourtant avec la stratégie nationale d’industrialisation verte annoncée en Conseil des ministres au mois de juin.
Débats politiques : regards convergents et dissonances
La tradition républicaine veut que les opposants réagissent au message présidentiel, exercice auquel s’est plié l’ancien candidat Anguios Nganguia-Engambé.
Dans une vidéo, il évoque un « yoyo économique » et accuse le gouvernement de manquer de lisibilité budgétaire, sans toutefois contester l’intérêt d’un panafricanisme écologique.
Le porte-parole du Parti congolais du progrès rappelle de son côté que l’adoption onusienne est un « gain de souveraineté normative » pour la sous-région.
Au-delà des divergences, la société civile semble plus préoccupée par l’opérationnalisation des programmes que par le débat rhétorique entre majorité et opposition.
Le politologue camerounais Achille Mbonda observe que « l’environnement devient un espace de consensus minimal, car il touche le champ vital des populations ».
Perspectives régionales et rôle diplomatique du Congo
Au prochain Sommet sur les trois bassins forestiers, prévu à Brazzaville, le Congo entend amplifier sa plateforme de diplomatie climatique Sud-Sud.
L’objectif est de mutualiser les données satellitaires, d’harmoniser les mécanismes REDD+ et de peser collectivement dans les marchés volontaires du carbone.
Des gouverneurs amazoniens ont déjà confirmé leur participation, signal témoignant de la reconnaissance internationale acquise par la diplomatie congolaise depuis la COP 27 de Charm el-Cheikh.
Selon le think-tank Climate Analytics, une coordination entre l’Amazonie, le Bassin du Congo et l’Asie du Sud-Est pourrait réduire de 14 % la déforestation mondiale.
Le Congo, doté de 69 % de couvert forestier, ambitionne ainsi de devenir un hub scientifique capable d’accueillir des consortiums de recherches sur le carbone bleu.
La Faculté des sciences de l’Université Denis-Sassou-Nguesso, ouverte l’année dernière, abrite déjà une plateforme d’observation des mangroves financée par l’Agence française de développement.
Sur le plan énergétique, les autorités finalisent un code des énergies renouvelables destiné à clarifier les conditions d’achat de l’électricité solaire hors réseau.
Ce cadre vise à combler le déficit d’accès des zones rurales mais aussi à réduire la pression sur les forêts utilisées comme principale source de cuisson.
À l’aube du prochain cycle électoral, nombre d’observateurs guetteront la capacité des acteurs congolais à transformer ces engagements verts en réalisations tangibles et vérifiables.