Coup de filet à Impfondo : les faits
Le 25 août, les gendarmes de la Likouala ont interpellé une femme d’une quarantaine d’années en possession de deux peaux de panthère, d’écailles et de griffes de pangolin géant. La saisie a eu lieu au centre-ville d’Impfondo, à proximité du marché principal.
Selon le colonel Yves Kiyiri, chef d’état-major régional, la prévenue « a été prise en flagrant délit de détention, circulation et tentative de commercialisation ». L’opération a été menée avec l’appui de la direction départementale de l’économie forestière et du Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage.
La suspecte, de nationalité congolaise, a reconnu les faits. Elle sera prochainement présentée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance d’Impfondo, où elle encourt jusqu’à cinq ans de prison et cinq millions de francs CFA d’amende.
Un trafic sous tension économique et sociale
Dans cette partie septentrionale du pays, le commerce illégal d’espèces protégées profite de la densité forestière et des faibles opportunités de revenus. La panthère et le pangolin géant sont recherchés pour leurs peaux, leurs griffes ou leurs écailles, prisés dans certaines filières asiatiques et régionales.
Les réseaux s’appuient souvent sur de petites mains locales, attirées par les promesses de gains rapides. Un kilogramme d’écailles peut se négocier à plus de 150 000 FCFA sur les marchés clandestins, soit plusieurs mois de salaire moyen. La précarité alimente ainsi une chaîne criminelle transfrontalière.
Un arsenal juridique renforcé
La loi n° 37-2008 sur la faune et les aires protégées classe la panthère et le pangolin géant parmi les espèces intégralement protégées. Toute détention ou tentative de commercialisation constitue un délit passible de deux à cinq ans d’emprisonnement ferme.
Les décisions récentes confirment la fermeté des tribunaux. Le 26 juin, toujours à Impfondo, trois trafiquants ont écopé de peines allant jusqu’à trois ans de prison et d’une amende solidaire d’un million de francs CFA, assortie de trois millions de dommages et intérêts pour l’État.
Rôle des partenariats publics et privés
Le succès de l’opération du 25 août repose sur une coopération entre forces de sécurité, administration forestière et ONG spécialisées. « L’approche collaborative réduit les angles morts et accélère les procédures », souligne un technicien du Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage.
Ce mécanisme, soutenu par plusieurs bailleurs internationaux, met à disposition des unités de terrain un appui logistique, des formations en identification d’espèces et des conseils juridiques. Les arrestations se multiplient ainsi dans les zones où un tel accompagnement existe.
Les autorités locales saluent également la participation citoyenne. Des informations anonymes, parfois relayées par les radios communautaires, orientent les patrouilles vers les points sensibles. Cette vigilance diffuse consolide la gouvernance environnementale sans alourdir le budget public.
Un enjeu global aux répercussions locales
La demande internationale d’écailles de pangolin demeure le principal moteur du trafic. Les huit espèces de pangolin sont désormais classées en annexe I de la CITES, interdisant leur commerce mondial. Pourtant, les saisies continuent d’augmenter, preuve d’une pression soutenue sur les écosystèmes.
Pour la Likouala, la perte d’un super-prédateur comme la panthère bouleverse l’équilibre faunique. En régulant les populations de petits herbivores, le félin contribue à la diversité végétale. Sa disparition fragiliserait les essences commerciales, donc les revenus futurs des communautés forestières.
Le pangolin, insectivore spécialisé, contrôle naturellement les colonies de termites et de fourmis. Son déclin peut induire une hausse des infestations dans les plantations villageoises. Ainsi, la conservation de l’espèce dépasse la seule symbolique patrimoniale et relève d’une sécurité alimentaire tangible.
Vers une conservation inclusive
Les experts insistent désormais sur l’intégration des enjeux économiques. Des programmes de cultures vivrières à haut rendement ou d’apiculture sont expérimentés autour des aires protégées pour diversifier les revenus et réduire la tentation du braconnage.
Le gouvernement, en partenariat avec des organisations régionales, promeut la professionnalisation des filières légales de produits forestiers non ligneux, tels que le miel ou la noix de cola. Ces activités offrent une alternative crédible dans des zones où l’accès aux marchés reste limité.
Sur le plan éducatif, des modules de sensibilisation sur la valeur écologique des espèces protégées sont introduits dans les collèges d’Impfondo. « Former la jeunesse, c’est anticiper sur la demande future », rappelle un inspecteur de l’enseignement secondaire de la Likouala.
La récente arrestation constitue ainsi à la fois un acte répressif et un signal pédagogique. En consolidant les dispositifs législatifs, les collaborations opérationnelles et l’inclusion socio-économique, le Congo-Brazzaville renforce son engagement en faveur de la sauvegarde d’une biodiversité reconnue parmi les plus riches du bassin du Congo.