Lancement officiel à Odziba
À Odziba, la chaleur humide d’août n’a pas découragé les villageois venus observer les premières pioches du projet HIMO, Travaux d’assainissement à haute intensité de main-d’œuvre. Au-delà des discours, les pelles symbolisent une réponse locale à des défis sanitaires, climatiques et sociaux.
Conduit par l’ONG Niosi en partenariat avec le Programme alimentaire mondial, HIMO s’insère dans la sous-composante 6 du programme gouvernemental Pro-climat, financé par la Banque mondiale. Il vise simultanément hygiène publique, création d’emplois temporaires et renforcement de la résilience des communautés riveraines.
Un chantier pilote au cœur du Djoué-Léfini
Le district d’Odziba, situé dans la cuvette du Djoué-Léfini, présente une vulnérabilité élevée aux inondations saisonnières. L’accumulation de déchets entrave l’écoulement des eaux, favorise les vecteurs de maladies hydriques et alourdit la facture d’entretien des voiries pour les municipalités aux budgets limités.
HIMO mobilise cent cinquante jeunes et femmes identifiés par les chefs de quartier et les services sociaux. Armés de pelles et brouettes, ils curent caniveaux, débouchent buses et collectent sacs plastiques avant la grande saison des pluies, où les débordements perturbent marchés, écoles et centres de santé.
« Les travaux que nous lançons donnent un signal clair sur l’importance de préserver notre cadre de vie », assure Léonidas Carel Mottom Mamoni, préfet du département. Sa présence marque l’appropriation institutionnelle du projet, condition clé de durabilité selon les standards fixés par la Banque mondiale.
Main-d’œuvre locale et inclusion sociale
Le schéma HIMO repose sur un ratio minimum de trente pour cent de femmes. Ce critère, validé par le ministère des Affaires sociales, accentue l’autonomisation économique féminine tout en réduisant la dépendance aux transferts familiaux observée dans les villages périphériques d’Inoni falaise et d’Inoni plateau.
Chaque participant perçoit un salaire journalier indexé sur le Smig, versé par transfert mobile afin de limiter les coûts de transaction et garantir la transparence. Les revenus servent prioritairement aux frais de scolarité, selon une enquête rapide conduite par l’ONG Niosi auprès de soixante bénéficiaires.
Pour Grace Makaya, mère de trois enfants, « l’argent gagné me permet d’acheter des cahiers sans attendre la récolte ». Ce témoignage illustre l’effet multiplicateur de l’emploi temporaire sur la cohésion familiale, facteur que les sociologues décrivent comme déterminant pour la stabilité des communautés rurales.
Assainir pour mieux s’adapter au climat
Les caniveaux libérés accélèrent le ruissellement contrôlé, réduisant la stagnation d’eaux tièdes propices aux moustiques vecteurs du paludisme. Le service départemental de santé estime qu’une baisse de quinze pour cent des cas est possible si les travaux sont entretenus trois années consécutives.
Sur le plan climatique, la suppression des décharges sauvages limite les émissions de méthane, gaz au pouvoir réchauffant vingt-huit fois supérieur à celui du dioxyde de carbone. Une étude de 2023 menée par l’Université Marien-Ngouabi chiffrait ces sites informels à plus de deux cents.
Ces bénéfices environnementaux s’alignent sur la Contribution déterminée au niveau national que Brazzaville a soumise à la Convention climat en 2020. Le document insiste sur les co-bénéfices santé et adaptatifs des projets d’assainissement, dimension à laquelle HIMO fournit désormais des données de terrain tangibles.
Financements alignés sur les objectifs verts
Le budget initial, évalué à 1,2 million de dollars, provient à soixante pour cent d’un prêt concessionnel de la Banque mondiale, le reste étant couvert par le Trésor public. Ce partage des coûts renforce la coresponsabilité et rassure le PAM, qui fournit équipements et supervision technique.
Selon Benjamin Kiabambou, chargé de mission chez Niosi, « le suivi financier s’appuie sur un tableau de bord mis à jour hebdomadairement ; il sera public ». La transparence répond aux attentes des bailleurs, mais surtout des habitants, parfois méfiants après des expériences de projets interrompus.
Les experts en économie verte soulignent que chaque dollar investi dans l’assainissement produit jusqu’à cinq dollars d’économies sanitaires et de productivité. La Banque africaine de développement classe déjà cette approche HIMO dans les meilleures pratiques pour l’atteinte de l’Objectif de développement durable 6 sur l’eau.
Vers un modèle reproductible dans le Pool
Les premiers enseignements seront capitalisés par la cellule climat du ministère de l’Environnement pour une duplication dans le département du Pool, zone où la densité démographique accentue la pression sur les infrastructures. Les maires de Mindouli et Kindamba ont déjà exprimé leur intérêt lors d’un atelier à Kintélé.
Un protocole standard définira la formation des contremaîtres, la cartographie participative des points noirs et l’intégration des comités de quartier au suivi post-chantier. La Banque mondiale, sollicitée pour un financement additionnel, conditionne son accord à l’existence de ces mécanismes garants d’impact mesurable.
Un comité citoyen, composé d’enseignants et de leaders religieux, animera des séances de sensibilisation hebdomadaires sur la gestion des ordures ménagères afin d’asseoir durablement les efforts physiques déployés sur les tranchées.
Une transition ancrée dans le quotidien
À l’heure où l’Afrique centrale cherche à concilier croissance et résilience climatique, la modeste brouette d’Odziba rappelle que la transition passe aussi par des gants de travail. HIMO offre un exemple transposable, dans lequel emploi, santé publique et écologie convergent pour soutenir un développement véritablement local.