Contexte national d’adaptation climatique
Le district du Djoué-Léfini, au nord de Brazzaville, se trouve au cœur d’une zone critique où les pressions démographiques et climatiques se rencontrent. Les épisodes de pluies intenses y alternent avec des périodes de sécheresse accrue, fragilisant sols, pistes rurales et infrastructures communautaires.
Face à ces dynamiques, les autorités congolaises ont placé l’assainissement et l’adaptation climatique parmi les priorités du Plan national de développement 2022-2026, en réaffirmant leur engagement envers l’Accord de Paris ainsi que les Contributions déterminées au niveau national révisées l’an dernier.
Dans cette stratégie, l’approche Haute intensité de main-d’œuvre, ou HIMO, retient l’attention parce qu’elle valorise la capacité de communautés rurales entières à produire des biens publics, tout en générant des revenus directs susceptibles d’amortir les chocs économiques liés aux aléas climatiques.
Sur le terrain des chantiers HIMO
Depuis le 8 août, plus d’un millier d’ouvriers prennent quotidiennement la route des villages Mpoumako, Inoni falaise et Inoni plateau, ainsi que des districts d’Odziba et Ngabé, pour curer caniveaux, reprofiler les pistes agricoles et réhabiliter des points d’eau communautaires.
Les travaux sont supervisés par l’ONG Niosi, reconnue pour son expertise en développement communautaire. Des chefs d’équipe, formés aux normes HIMO par le Programme alimentaire mondial, contrôlent la qualité tout en veillant au strict respect des quotas de sécurité et d’équité de genre.
Chaque ouvrier reçoit un équipement de base et une rémunération journalière alignée sur le salaire minimum interprofessionnel garanti. « Les jeunes reviennent vers le secteur agricole grâce à ce revenu immédiat », se réjouit Laurette Ntsiba, coordinatrice locale, soulignant l’effet d’attraction suscité par le dispositif.
Impact socio-économique inclusif
Les statistiques préliminaires indiquent que 58 % des personnes recrutées sont des femmes, une proportion rarement observée dans les chantiers publics ruraux du pays. Cette féminisation accroît l’autonomie financière des ménages, facteur essentiel de protection contre les déplacements liés aux crises environnementales.
Dans les villages riverains de la Léfini, des commerçantes rapportent déjà une augmentation de la demande en produits vivriers. « Avec l’argent des journées HIMO, nous achetons huile, sel et scolarité des enfants », explique Clémence Mabiala, mère de six enfants, évoquant un cercle vertueux.
L’approche répond également aux orientations du ministère de la Promotion de la femme, qui encourage l’intégration d’indicateurs de genre dans tous les projets financés par les bailleurs internationaux. Les partenaires saluent ce cadrage, jugé déterminant pour maximiser les retombées sociales de l’adaptation climatique.
Financement et gouvernance du projet
Proclimat bénéficie d’un financement de 23 millions de dollars, provenant de la Banque mondiale et du Partenariat mondial pour les paysages durables et résilients. Une partie sert aux infrastructures, l’autre à l’assistance technique et au suivi-évaluation assuré par le ministère de l’Environnement.
« Nous voulons garantir la traçabilité de chaque franc dépensé et veiller à ce que les résultats soient mesurables », insiste Audrey Samba, chargée de programme à la Banque mondiale. Un tableau de bord actualisé hebdomadairement suit la progression des travaux et l’absorption des crédits.
Pour le préfet Léonidas Carel Mottom Mamoni, la gouvernance locale reste le chaînon essentiel. Il a mis en place un comité de villageois chargé de signaler tout dysfonctionnement. Cette redevabilité ascendante s’ajoute aux audits externes, condition exigée par les partenaires pour pérenniser l’aide.
Une résilience territoriale durable
Au-delà de l’assainissement immédiat, Niosi élabore un module de sensibilisation aux éco-gestes, couvrant la gestion des déchets, la conservation des berges et l’agroforesterie. Les séances, prévues en soirée, visent à transformer les pratiques quotidiennes et à réduire la pression sur les écosystèmes riverains.
Des chercheurs de l’Université Marien-Ngouabi suivront l’évolution de la biodiversité sur trois transects pilotes, afin de quantifier l’effet combiné de l’amélioration de la qualité des eaux et de la réduction de l’érosion. Les premiers relevés botaniques débuteront fin septembre, selon le professeur Nkouka.
Les experts rappellent que l’assainissement constitue l’une des mesures d’adaptation les plus rentables. L’Agence internationale de l’eau estime qu’un dollar investi dans la gestion des eaux urbaines génère jusqu’à cinq dollars de bénéfices, par la diminution des maladies hydriques et des inondations.
Le chantier Djoué-Léfini pourrait servir de laboratoire pour d’autres territoires congolais. Le ministère des Infrastructures prépare déjà une cartographie d’une trentaine de localités éligibles à la méthodologie HIMO, notamment dans la Cuvette et le Kouilou, afin de mutualiser les leçons apprises.
Les bailleurs insistent néanmoins sur l’importance de budgets récurrents pour l’entretien des ouvrages. Sans financement national pérenne, les gains de court terme risquent de s’éroder. Une ligne budgétaire est donc proposée dans le projet de loi de finances 2024, actuellement examiné par l’Assemblée.
En combinant emplois, assainissement et sensibilisation, le projet Proclimat illustre la convergence possible entre adaptation climatique et inclusion sociale. Les prochains mois diront si cette alliance opérationnelle peut se généraliser et contribuer durablement à la vision d’un Congo vert, résilient et prospère.