Les ressorts d’une crise sportive
Au cœur de Brazzaville, le handball n’a jamais cessé de passionner, tant le palmarès historique des Diables rouges nourrit la fierté nationale. Pourtant, depuis la contestation de l’assemblée générale du 22 septembre 2024, la Fédération congolaise de handball évolue dans un maquis juridique qui freine l’élan des athlètes et trouble les bailleurs de fonds. La décision de la Chambre de conciliation et d’arbitrage du sport, appuyée par le Comité national olympique et sportif congolais, avait annulé la réélection de Yann Ayessa Ndinga Yengué. Ce verdict, jugé équilibré par les observateurs, n’a pas été immédiatement suivi d’effets, créant un hiatus entre légalité et réalité.
Un imbroglio institutionnel persistant
L’architecture sportive congolaise repose sur un faisceau d’organes complémentaires : fédérations, ligues départementales, CNOSC et tutelle ministérielle. Dans le cas présent, chaque maillon a tenté, avec plus ou moins de célérité, d’endiguer le blocage électoral. Les médiations successives n’ayant pu rapprocher les positions, c’est désormais l’échelon continental qui intervient. Cette délégation ascendante de compétence traduit, selon un politologue consulté, « la nécessité d’une tierce autorité perçue comme impartiale afin de restaurer la confiance ». Elle illustre également la maturité des dispositifs africains de gouvernance sportive, souvent sous-estimés.
La médiation continentale s’impose
Le 8 juillet 2025, depuis Tunis, la Confédération africaine de handball a notifié la création d’une commission électorale indépendante. Placée sous la présidence de maître Mouadh Ben Zaied, magistrat tunisien reconnu pour son expertise en droit sportif, l’instance compte dans ses rangs le Congolais Jean Itoua Okemba, la juriste Phyneche Sagesse Okombi Niaba et deux assesseurs, Séraphin Saturnin Icka Hervé et Aristide Hurly Mayanith. Leur feuille de route rappelle les standards de la Fédération internationale de handball : en dix semaines, il leur incombe de réviser les listes électorales, de valider les candidatures, d’organiser la campagne et, surtout, de garantir la sincérité du scrutin prévu le 16 août.
Compétition d’ego et rhétorique de légitimité
Sur le terrain politique, deux figures polarisent le débat : le président sortant Yann Ayessa Ndinga Yengué, soucieux de poursuivre son programme de développement, et son challenger Avicenne Nzikou, qui défend une alternance au nom de la transparence. Chacun avance des arguments juridiques et sportifs. Le premier invoque la continuité de l’action fédérale pour éviter la paralysie des sélections jeunes ; le second fustige « une gouvernance de fait » et invoque la décision de la CCAS. Pour l’heure, les clubs de Likouala à Pointe-Noire se gardent de prendre parti publiquement, conscients que leurs subventions et leurs calendriers dépendent de la stabilité à venir.
Enjeux de gouvernance et diplomatie sportive
Au-delà de la compétition interne, l’épisode révèle les défis de la gouvernance associative en Afrique centrale. Les observateurs soulignent le risque de voir les fédérations se transformer en « microcosmes de joutes politiques », avec pour conséquences l’érosion de la crédibilité institutionnelle et la fuite des sponsors. Or, dans une économie où le financement public reste prépondérant, la pérennité des disciplines olympiques exige un climat de confiance. Le ministère des Sports, en concertation avec le CNOSC, appuie la démarche de la CAHB, y voyant l’occasion d’asseoir des standards qui serviront de référence à d’autres fédérations nationales.
Perspectives à l’approche du 16 août
Le dépôt des candidatures, fixé au 16 juillet, constituera un premier baromètre. Les statuts révisés imposent désormais un casier disciplinaire vierge et la présentation d’un programme chiffré, gages d’une professionnalisation croissante. Plusieurs techniciens, dont l’ancien sélectionneur Martin Mabiala, saluent « une exigence de redevabilité qui manquait jusqu’ici ». Sur le volet sportif, la préparation des éliminatoires continentaux U-20 demeure une priorité ; leur bon déroulement dépendra de la fluidité de la transition institutionnelle.
Au-delà du 16 août, quel horizon ?
Si le scrutin se tient dans les conditions d’équité attendues, la Fécohand pourra renouer avec les partenariats internationaux et relancer son championnat élite. À moyen terme, la mise en place d’un comité d’audit indépendant, déjà envisagée par plusieurs candidats, devrait renforcer la reddition de comptes et consolider la pyramide de formation. Pour le sociologue du sport Prosper Diawara, « la crise actuelle, loin d’être une simple querelle de personnes, offre l’opportunité de requalifier la gouvernance sportive congolaise selon des standards comparables à ceux de la CAF ou de la FIBA ». Reste que l’adhésion des clubs de base, véritable socle de la discipline, sera déterminante pour transformer l’épreuve en tremplin vers une nouvelle ère de performance.