Un partenariat stratégique pour la souveraineté énergétique
Le lancement du projet Congo LNG symbolise la relation renouvelée entre la République du Congo et Eni. Portée par le président Denis Sassou Nguesso et le directeur général d’Eni Claudio Descalzi, cette coopération mise sur le gaz pour consolider la souveraineté énergétique nationale.
Dans un contexte de tensions internationales sur l’approvisionnement, Brazzaville se positionne comme fournisseur fiable pour l’Afrique centrale et l’Europe, tout en réservant 80 % du gaz produit au marché local, selon les projections conjointes du ministère congolais des Hydrocarbures et d’Eni.
Un projet LNG au rythme record
Installée au large de Pointe-Noire, la première unité flottante Tango FLNG a démarré fin 2023 avec une capacité de 0,6 million de tonnes par an. La seconde, Nguya FLNG, atteindra 2,4 MTPA d’ici fin 2025, portant la production totale à 3 MTPA.
Ce calendrier serré résulte d’un modèle d’ingénierie modulaire adopté par Eni, salué par l’Observatoire africain du gaz qui note que chaque mois gagné représente trois millions de dollars d’économies. Les équipes locales ont été formées en amont pour raccourcir les phases de mise en route.
Pour Brazzaville, l’enjeu dépasse l’exportation. Une fraction du gaz sera redirigée vers la centrale thermique de Djeno afin de stabiliser le réseau électrique national et réduire la dépendance aux produits pétroliers plus émissifs, souligne le directeur général de l’électricité, Firmin Makosso.
Des retombées locales palpables
En phase de construction, le projet a mobilisé plus de 3 000 travailleurs, dont 78 % Congolais, d’après la société de suivi local C2D. Les contrats de sous-traitance ont généré 120 millions de dollars pour des PME de Pointe-Noire actives dans la logistique et la maintenance.
À Hinda, les pêcheurs redoutaient au départ une réduction des captures. Un accord de cohabitation conclu avec Eni leur garantit des zones tampon et un programme de suivi scientifique annuel. « Nos prises sont restées stables », témoigne Dorothée Goma, présidente de la coopérative halieutique locale.
En parallèle, un fonds de développement de cinq millions de dollars alimente des micro-projets agricoles dans les districts d’Oyo et de Loango. L’objectif est de diversifier les revenus des ménages et de sécuriser l’approvisionnement en denrées pour les cantines scolaires, conformément aux priorités nationales de sécurité alimentaire.
Enjeux climatiques et transition maîtrisée
Le gaz reste une énergie fossile, mais avec un facteur d’émission CO2 inférieur au fioul. Eni s’est engagé à compenser les émissions directes des deux unités FLNG par des programmes de reforestation dans le massif du Chaillu, validés par la Commission climat du Bassin du Congo.
La société italienne prévoit aussi d’alimenter les barges en électricité issue de panneaux solaires installés à la base logistique d’Ilanga, réduisant l’empreinte carbone opérationnelle de 10 %, selon le cabinet Sferia. Les données seront accessibles via un tableau de bord public hébergé par l’Agence congolaise de la transition écologique.
Pour le chercheur Didier Kossivi, de l’Université Marien-Ngouabi, « la trajectoire bas carbone du Congo passe inévitablement par une exploitation raisonnée de son gaz, en complément des projets hydroélectriques de Sounda et Liouesso ». Cette complémentarité limite les coupures et favorise la création d’emplois verts.
Un centre de données installé à Oyo agrégera en temps réel les mesures de méthane issues de capteurs embarqués. Les résultats seront transmis chaque trimestre à l’Initiative pour la transparence des industries extractives, garantissant un suivi indépendant des engagements environnementaux.
Responsabilité sociétale et inclusion
Au-delà de l’énergie, Claudio Descalzi a fait de l’accès à la cuisson propre un pilier. Lancé en 2024, le programme Clean Cooking Congo propose des foyers à gaz subventionnés et des formations à l’entrepreneuriat féminin. Déjà 60 000 ménages y adhèrent dans les quartiers périphériques de Brazzaville.
En partenariat avec le ministère de l’Enseignement technique, un institut de soudure sous-régional ouvrira ses portes à Pointe-Noire en 2026. Les promotions seront mixtes et la moitié des bourses réservées aux étudiantes, une première dans le secteur para-pétrolier congolais, souligne la directrice du projet, Mireille Mvouba.
Regards des communautés riveraines
À Loango, les notables insistent sur la transparence. Un comité consultatif mensuel réunit chefs traditionnels, ONG et représentants d’Eni pour suivre les indicateurs d’emploi, d’environnement et de partage de revenus. Les procès-verbaux sont publiés sur le panneau d’affichage de la mairie et relayés sur Radio Kouilou.
« Nous avons désormais une voix sur les décisions », se réjouit le chef Ntoumi. Son avis est partagé par l’ONG locale Jeunes Verts, qui considère le cadre participatif comme un modèle exportable aux futurs projets miniers du pays.
Une dynamique régionale renforcée
Eni voit dans le corridor Congo-Cameroun une prochaine étape. Des discussions avancées portent sur un interconnexion gazière qui sécuriserait Yaoundé tout en ouvrant un débouché supplémentaire pour le futur bloc Marine XXI. Les études de faisabilité, cofinancées par la BAD, seront publiées fin 2025.
Pour la République du Congo, cette ambition régionale s’inscrit dans la Vision 2030 du Plan national de développement, qui promeut les infrastructures communes et la valeur ajoutée locale. Le ministre Bruno Jean-Richard Itoua y voit « un levier d’intégration et de croissance inclusive pour toute la sous-région ».
