Un bail emphytéotique pour un projet hors norme
Le 19 août, à Brazzaville, l’État congolais et la société Aforest-Congo ont signé un bail emphytéotique sécurisant 102 000 hectares entre Gamboma et Abala. L’accord, conclu par les ministres Pierre Mabiala et Rosalie Matondo, ouvre la voie à une reforestation sans précédent.
En choisissant un partenariat public-privé de longue durée, le gouvernement entend lier impératifs climatiques et rentabilité économique, tout en offrant aux communautés riveraines un cadre juridique clair sur l’usage des terres.
Un comité interministériel suivra l’exécution du contrat afin de garantir transparence et concertation; une démarche saluée par plusieurs experts comme un gage de gouvernance environnementale responsable.
Une cadence industrielle de plantation
La phase pilote prévoit une pépinière semi-industrielle capable de produire douze millions de plants par an, soit dix mille hectares de nouvelles forêts annuelles, volume encore inédit dans le bassin du Congo.
Essences locales à forte valeur écologique et espèces agroforestières à croissance rapide composeront des mosaïques paysagères pensées pour maximiser la séquestration de carbone sans sacrifier la biodiversité autochtone.
Avant les premiers coups de houe annoncés pour 2024, une étude d’impact environnemental et social sera rendue publique, conformément aux standards internationaux et à la réglementation congolaise.
Crédits carbone : un levier financier stratégique
Aforest-Congo vise la certification de crédits carbone dès 2026. Le potentiel avoisinerait six millions de tonnes d’équivalent CO₂ sur vingt ans, susceptible d’attirer des acheteurs européens ou asiatiques.
L’État percevra une quote-part des revenus, réinjectée dans des programmes sociaux locaux, mécanisme déjà expérimenté sur d’autres concessions et jugé incitatif par les bailleurs multilatéraux.
Des discussions avancées avec le registre Verra devraient aligner le projet sur la norme VCS 4.0, renforçant la crédibilité environnementale et prévenant toute accusation de greenwashing.
Emploi rural et cohésion territoriale
Le chantier prévoit plus de deux mille emplois permanents dès la montée en puissance des plantations; la priorité sera donnée aux jeunes des villages de Gamboma, Abala et environs.
Contrats long terme, couverture sociale et programmes d’alphabétisation doivent contribuer à fixer la main-d’œuvre rurale, souvent tentée par l’exode vers Brazzaville, et à renforcer la cohésion communautaire.
Les pistes forestières programmées désenclaveront les zones agricoles, facilitant l’écoulement du manioc et des fruits vers les marchés urbains, un impact économique relevé par les autorités départementales.
Diversification industrielle et valeur ajoutée locale
Un investissement additionnel de 131,19 milliards FCFA est planifié pour ériger, dès 2027, une usine de pâte à papier et des unités annexes, afin de transformer sur place une part significative du bois issu des éclaircies.
La proximité d’une ligne haute tension et l’abondance d’eau de l’Alima constituent des atouts logistiques essentiels pour cette future zone industrielle, selon plusieurs ingénieurs consultés.
Le ministère de l’Économie forestière mise sur cette diversification pour porter à 20 % la contribution du secteur forêt-bois au PIB national à l’horizon 2030.
Garanties environnementales et participation citoyenne
Le Réseau congolais pour la gestion durable des forêts réclame que le plan de gestion soit disponible en mairie, condition jugée fondamentale pour la redevabilité sociale.
Aforest-Congo annonce un fonds annuel destiné aux microprojets villageois et la mise en place d’un dispositif de règlement des griefs accessible par téléphone portable, innovation saluée par plusieurs ONG.
Les autorités voient dans ces garde-fous la traduction locale des engagements du Congo dans l’Accord de Paris et l’Agenda 2063, illustrant la volonté présidentielle de conjuguer progrès économique et intégrité écologique.