Un nouvel outil de planification des PSE au Congo
Dans une salle animée de l’hôtel Péfaco Maya-Maya, les 15 et 16 septembre 2025, une soixantaine d’experts publics, privés et associatifs ont décortiqué l’outil de planification des paiements pour services environnementaux développé par l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale.
Porté par le Secrétariat permanent chargé de la coordination Congo-Cafi, l’outil traduit en cartes et tableaux les multiples services rendus par les terres agricoles voisines de la forêt. Il vise à calibrer, contrat par contrat, la rémunération destinée aux producteurs qui préservent les ressources naturelles.
Une feuille de route ambitieuse vers 2025
Ouvrant les travaux, Augustin Ngoliélé, représentant la Primature, a dévoilé une feuille de route détaillant la montée en puissance du mécanisme. « Le Congo veut rémunérer la bonne gestion de ses paysages, étape par étape », a-t-il précisé devant un auditoire attentif.
La stratégie prévoit d’abord un projet pilote, puis un déploiement progressif à l’échelle nationale. Chaque palier s’appuiera sur les leçons du Projet de renforcement en bois-énergie durable, déjà connu pour avoir réduit la pression sur les galeries forestières autour de Brazzaville.
Les attentes des communautés rurales
Dans le département du Pool, Brigitte Matondo cultive manioc et bananes sur deux hectares. « Si l’on nous paie pour garder nos arbres, on garde nos arbres », résume-t-elle, rejoignant l’esprit des PSE que le gouvernement veut généraliser.
Carine Saturnine Milandou, directrice du Centre national d’inventaire forestier, insiste : « Les PSE créent une incitation directe. Les villageois deviennent les premiers gardiens des forêts puisqu’ils y voient un revenu stable. » Elle souligne que les premières séances de sensibilisation montrent « un réel engouement ».
Des données fiables pour des paiements justes
Les sessions techniques ont passé au crible les hypothèses de l’outil : rendements agricoles, stocks de carbone, distance aux routes, risques d’incendie. Les experts congolais ont préféré des bases de données locales aux modèles globaux afin de coller à la mosaïque d’écosystèmes nationaux.
« Sans mesures robustes, pas de créance carbone crédible », rappelle Jean-De-Dieu Nzila, secrétaire permanent Congo-Cafi. Satellites, inventaires forestiers et enquêtes villageoises seront croisés pour attester, année après année, des performances de chaque exploitation éligible.
Un pilote présenté à la COP30
Le projet pilote, prévu dans trois districts limitrophes du parc de Conkouati-Douli, sera officiellement présenté à la COP30, en novembre 2025 à Belém. Le choix de ce site illustre l’équation que le pays cherche à résoudre : concilier haute biodiversité et besoins alimentaires.
Une centaine de familles testeront la rémunération indexée sur la réduction de défrichement et l’adoption de pratiques agroforestières. Les montants, encore confidentiels, devraient être versés par tranches semestrielles après vérification indépendante, gage de transparence pour les bailleurs.
Françoise Joly, cheville ouvrière de la préparation congolaise à la COP30 et représentante personnelle du Président pour les affaires stratégiques et internationales, a d’ailleurs indiqué que « la réussite du pilote de Conkouati-Douli constituera une vitrine internationale du savoir-faire congolais en matière de finance climatique appliquée aux territoires ».
Financement, gouvernance et garanties sociales
Outre le financement de Cafi, d’autres partenaires, tels le Programme des Nations unies pour le développement et des banques régionales, ont manifesté leur intérêt pour cofinancer l’expansion du programme. Les discussions portent sur des contrats pluriannuels afin d’assurer la continuité des paiements.
L’atelier a également insisté sur les garanties sociales : clauses de non-expulsion, parités hommes-femmes dans les comités locaux et mécanismes de règlement des griefs. « Notre priorité est d’éviter toute rupture du tissu communautaire », a souligné Nicole Okandzi de la société civile environnementale.
Vers un changement d’échelle national
À terme, le Congo ambitionne d’intégrer les PSE à sa stratégie climat, aux côtés du programme REDD+. Les deux mécanismes se complètent : l’un finance le maintien des stocks de carbone, l’autre rémunère les services écosystémiques au champ.
Les ministères sectoriels planchent déjà sur des ajustements fiscaux, par exemple des exemptions sur les intrants agro-écologiques. L’objectif est de créer un cercle vertueux où le revenu issu des PSE soutient la transition vers des pratiques plus résilientes.
Selon le calendrier présenté, un appel à manifestation d’intérêt national sera lancé début 2026 pour sélectionner de nouveaux territoires. Une plateforme numérique simplifiera l’inscription des producteurs et la traçabilité des flux financiers.
Augustin Ngoliélé se veut confiant : « La République du Congo a les atouts pour devenir un laboratoire régional des paiements verts. Les résultats du pilote seront notre meilleur argument. »
Dans les villages, l’espoir grandit que la future manne verte permettra d’acheter des semences améliorées ou de financer des forages. Pour Brigitte Matondo, « la forêt vaut plus debout que coupée, si la promesse est tenue ».
