Brazzaville, carrefour d’expertise climatique
Sous les frondaisons du Palais des congrès de Brazzaville, la capitale congolaise a hébergé du 23 au 24 juin 2025 un forum national qui, loin des exercices protocolaires ordinaires, a fonctionné comme un véritable laboratoire d’idées. Soixante acteurs d’horizons variés – hauts fonctionnaires, représentants des sociétés forestières, responsables d’ONG, chefs coutumiers venus du Kouilou, de la Lékoumou ou de la Sangha – ont travaillé à un diagnostic partagé de la forêt, matrice économique, culturelle et écologique du pays.
Structuré autour du projet « Consolider la bonne gouvernance, lutter contre les illégalités », inscrit dans le programme britannique Forêt gouvernance, marchés et climat et appuyé techniquement par l’organisation Fern, le rendez-vous s’est voulu résolument inclusif. « Notre ambition est d’ancrer la question forestière dans les politiques publiques tout en tenant compte du vécu des communautés », a résumé Christian Mounzéo, coordonnateur national de la Rencontre pour la paix et les droits de l’homme.
Le cadre juridique en mutation
Au centre des discussions s’est imposée l’architecture normative. L’avant-projet de code forestier, adopté en 2020, attend encore plusieurs textes d’application destinés à préciser la fiscalité verte, la délimitation des concessions ou les conditions d’exploitation communautaire. Cette attente nourrit, chez les opérateurs, une incertitude quant à l’investissement, tandis que les ONG pointent le risque d’opacités. D’où la recommandation phare du forum : accélérer la publication de ces textes afin de doter le secteur d’une boussole opérationnelle claire et prévisible.
Pour Laurence Wete Soh, facilitatrice nationale du programme FGMC, « une norme élaborée de manière participative devient, par essence, un levier de confiance ». La citation illustre la volonté de concilier rigueur juridique et légitimité sociale, un binôme indispensable pour sécuriser à la fois la ressource et le climat des affaires.
Impératif de participation locale
Si le Congo s’est engagé depuis plusieurs années dans la lutte contre la déforestation, il reste confronté à la délicate équation de l’inclusion. Les communautés autochtones de la Sangha ou de la Ngounié rappellent que leurs modes de vie dépendent étroitement de la forêt. Les travaux du forum ont donc réaffirmé le principe du consentement libre, informé et préalable dans tout projet d’exploitation ou de conservation. À cet égard, l’harmonisation des cahiers des charges en fonction de la taille des sociétés constitue un pas vers une répartition plus équitable des responsabilités.
L’État, garant de la cohésion nationale, y trouve un outil pour prévenir les conflits d’usage. Les représentants du ministère de l’Économie forestière présents ont salué « le pragmatisme des propositions qui enrichissent le dialogue permanent entre administration et citoyens ».
Entre rentabilité et conservation
La forêt congolaise représente près de 22 millions d’hectares, dont une partie est concédée à des industriels de la transformation du bois, essentiels au produit intérieur brut non pétrolier. Pourtant, la rentabilité pure ne suffit plus. Sous l’influence des marchés internationaux, les certifications environnementales et les exigences de traçabilité se multiplient, modifiant les rapports de force économiques. Les compagnies présentes à Brazzaville ont reconnu la nécessité d’intégrer les indicateurs climatiques dans leurs plans d’affaires afin d’éviter une marginalisation sur les flux d’exportation vers l’Europe ou l’Asie.
Dans le même temps, les ONG rappellent que la conservation des écosystèmes contribue à la résilience des populations face aux chocs climatiques. Ainsi, la mise en place de plans d’aménagement paysager, englobant corridors écologiques et zones d’extraction contrôlée, apparaît comme un compromis viable entre impératifs de croissance et devoir de préservation.
Un appel à la transparence opérationnelle
Les débats ont mis en lumière l’importance d’outils de suivi et d’évaluation accessibles au public. Portails de données sur les concessions, audits indépendants et publication annuelle des versements fiscaux figurent parmi les pistes évoquées. Ces dispositifs, déjà expérimentés dans le cadre de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives, pourraient être adaptés au secteur forestier.
En adoptant un tel modèle de gouvernance ouverte, le Congo renforcerait son attractivité auprès des bailleurs internationaux et réduirait le risque perçu par les investisseurs privés. Cette dimension n’est pas anodine dans un contexte où la finance climatique s’oriente vers des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance de plus en plus stricts.
Perspectives pour la diplomatie climatique
Au-delà des enjeux domestiques, la trajectoire forestière congolaise interpelle les négociations multilatérales. À la veille de la COP30, le pays dispose d’atouts singuliers : un couvert forestier dense, une expérience d’expérimentation REDD+ et une tradition de dialogue entre parties prenantes. Les recommandations issues du forum, qui plaident pour la synergie entre État, secteur privé et société civile, constituent un argument de poids pour renforcer la diplomatie climatique congolaise et attirer des financements verts additionnels.
En conclusion des travaux, un participant a résumé l’esprit commun : « La forêt n’est pas un décor mais une responsabilité collective, nationale et planétaire. » Cette formule, reprise et applaudie, trouve un écho particulier auprès d’un lectorat diplomatique soucieux d’articuler coopération environnementale et souveraineté des États.