Le Congo, pivot de la diplomatie climatique
Au cœur de l’Afrique centrale, la République du Congo s’affirme comme pivot d’une diplomatie climatique ambitieuse. Sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso, Brazzaville multiplie initiatives et forums pour inscrire la forêt congolaise, deuxième poumon vert mondial, au centre des négociations internationales.
Cette orientation repose sur un argument de poids : avec 65 % de couverture forestière et un taux de déforestation inférieur à 0,05 %, le pays dispose d’un capital naturel qui se double d’un capital symbolique, précieux lorsqu’il s’agit d’attirer experts, bailleurs et partenaires techniques.
Décennie mondiale du reboisement pilotée à Brazzaville
L’annonce, en juillet 2024, de la Décennie des Nations unies pour le boisement et le reboisement (2027-2036) a conféré au Congo un rôle de référent. La Conférence internationale sur l’afforestation et le reboisement (CIAR), tenue à Brazzaville, a positionné la ville comme laboratoire de bonnes pratiques.
Les délégations présentes ont validé un organe de suivi, la réalisation d’études d’impact standardisées et un renforcement des cadres fonciers. « Le reboisement devient un levier majeur d’équilibre carbone », a souligné Denis Sassou Nguesso, rappelant que chaque hectare réparé augmente la résilience sociale et économique des territoires.
Financements verts : le bassin du Congo veut rattraper son retard
Au-delà du cadrage institutionnel, la question des flux financiers demeure centrale. Les pays du bassin du Congo espèrent mobiliser cinq milliards de dollars sur dix ans, soit un rattrapage nécessaire lorsqu’on sait que l’Amazonie capte chaque année vingt-cinq fois plus d’aide climatique.
Les écarts s’expliquent par des critères de bancabilité souvent défavorables à l’Afrique centrale. Selon l’Initiative pour la transparence forestière, 67 % des ressources reçues prennent la forme de dons, 25 % de prêts, laissant peu de marge aux États pour investir sans alourdir leur dette.
La CIAR propose une solution hybride : structurer des obligations vertes adossées à des concessions certifiées, aujourd’hui supérieures à trois millions d’hectares au Congo. Le ministère de l’Économie durable prépare ainsi une émission pilote destinée aux fonds souverains et aux investisseurs attentifs aux critères ESG.
Communautés autochtones au cœur de la gouvernance
Toute stratégie forestière crédible passe par l’inclusion des communautés autochtones, dépositaires d’environ 80 % des savoirs traditionnels de gestion forestière. Brazzaville l’a rappelé lors du premier Congrès mondial des peuples autochtones des bassins tropicaux, accueilli au Palais des congrès en mai 2024.
Femmes et jeunes leaders y ont rédigé la Déclaration de Brazzaville, plaidant pour la sécurisation foncière, l’accès direct aux financements et la co-conception des projets. « La réponse, c’est nous », a martelé Rukka Sombolinggi, soulignant la corrélation entre autonomie locale et efficacité climatique.
Le gouvernement congolais s’est engagé à intégrer ces recommandations dans la prochaine stratégie nationale REDD+, tandis que l’Alliance des femmes leaders prépare une plateforme numérique de suivi citoyen. Pour plusieurs ONG, cette alliance État-communautés augure d’un modèle exportable à d’autres bassins forestiers.
Tourbières de la Cuvette : un trésor carbone
Autre réservoir de carbone, les tourbières de la Cuvette, partagées avec la République démocratique du Congo, stockent trois années d’émissions mondiales. Une conférence internationale prévue en mars 2026 ambitionne de consolider leur protection et d’en faire un étendard de solutions fondées sur la nature.
La Déclaration de Brazzaville 2018, cosignée avec l’Indonésie, pose déjà les bases juridiques d’une coopération Sud-Sud. Toutefois, le financement reste modeste comparé aux enveloppes allouées à Bornéo. L’enjeu est donc de créer des mécanismes compensatoires récompensant la non-extraction du carbone piégé dans ces sols tourbeux.
Alliance panafricaine pour une forêt du futur
Sur le plan politique, Brazzaville fédère un caucus panafricain. Les présidents de Centrafrique, Gabon, Ghana, Guinée-Bissau et Éthiopie ont endossé une stratégie commune de certification de dix millions d’hectares, invoquant la « solidarité forestière » pour peser davantage dans les négociations onusiennes.
Ce front uni renforce la crédibilité du concept de « forêt du futur », souvent évoqué par les diplomates congolais. Il s’agit d’articuler conservation, valorisation économique et stabilisation sociopolitique, en évitant l’écueil d’une protection perçue comme un frein au développement rural.
Marché carbone et objectifs partagés
À court terme, les autorités congolaises tablent sur la validation d’un marché régional du carbone, lié à la Bourse d’Afrique centrale installée à Douala. Les premières transactions pilotes sont attendues avant 2025, avec un prix plancher conçu pour financer écoles, dispensaires et pistes rurales.
À moyen terme, la diplomatie climatique congolaise vise à transformer le bassin du Congo en bien public mondial reconnu. Le succès dépendra de la gouvernance inclusive, de la fiabilité des données satellites et de la capacité à conjuguer intégrité écologique et prospérité partagée.