Brazzaville acte un tournant énergétique
Mardi 17 septembre, la salle du conseil des ministres de Brazzaville a vibré d’un enthousiasme discret : le gouvernement a adopté le décret approuvant le Pacte national énergétique, présenté par le ministre de l’Énergie et de l’Hydraulique, Émile Ouosso.
Le texte cristallise une ambition : réhabiliter et développer tout le maillage électrique national à des coûts compétitifs, en s’appuyant sur une intégration régionale susceptible d’abaisser les factures et de consolider la sécurité énergétique du Congo-Brazzaville.
Pour le ministre, ce pacte ouvre « une page déterminante pour que chaque ménage dispose d’une lumière fiable et abordable », établissant une stratégie unifiée qui manquait jusqu’ici, selon ses mots rapportés à la sortie du conseil.
Rénovation et interconnexion des infrastructures
Le décret consacre la réhabilitation prioritaire des centrales existantes, des lignes haute tension et des postes de transformation, afin de sécuriser un réseau parfois fragilisé par l’âge des équipements et par la croissance rapide de la demande urbaine.
Il mise également sur de nouvelles interconnexions régionales, promesse d’échanges d’électricité plus fluides avec les pays voisins et d’une optimisation des excédents de production saisonniers – un atout financier souvent souligné par les experts du secteur.
Cette ouverture transfrontalière s’inscrit dans la logique de la Convention de Dar es Salam, signée en janvier 2025, qui fédère les États africains autour d’une électricité partagée et capable d’alimenter 300 millions d’Africains supplémentaires d’ici 2030.
Vers un service abordable et fiable
Le pacte déploie un cadrage tarifaire orienté vers la compétitivité, avec l’objectif de maintenir des coûts de production maîtrisés pour permettre à terme une baisse progressive des factures des ménages et une meilleure lisibilité pour les investisseurs privés.
Il s’accompagne d’engagements sur la qualité de service : réduction des coupures, modernisation des compteurs et raccourcissement des délais de raccordement, autant de leviers destinés à renforcer la confiance des usagers et à soutenir l’économie locale.
« La fiabilité ne doit plus être un luxe », a insisté Émile Ouosso, soulignant que la pérennité financière des sociétés de service public passera par un meilleur recouvrement mais aussi par une gouvernance transparente fondée sur des indicateurs de performance.
Accès universel et équité territoriale
L’une des pierres angulaires du texte est l’accélération des raccordements dans les zones rurales et mal desservies, où de nombreuses localités dépendent encore de groupes électrogènes coûteux ou s’éclairent à la lampe à pétrole.
Le gouvernement ambitionne que près de six millions de Congolais supplémentaires disposent d’une prise électrique à domicile d’ici 2030, un horizon jugé réaliste grâce au déploiement de mini-réseaux et à l’électrification des centres de santé et des écoles.
Parallèlement, le décret promeut la diffusion de solutions de cuisson propres, pour réduire la dépendance au bois énergie et améliorer la santé des ménages, un volet que le ministre estime « indissociable de l’accès à une énergie moderne ».
Partenariats publics-privés et financement durable
Le portail du Pacte s’ouvre largement aux investisseurs, qu’ils soient nationaux ou internationaux, afin de mobiliser des ressources additionnelles, moderniser les infrastructures et créer des emplois locaux, tout en préservant la capacité d’orientation stratégique de l’État.
Les partenaires privés bénéficieront d’un cadre réglementaire clarifié, assorti de mécanismes d’incitation, tandis que les entreprises publiques devront présenter des plans de redressement financier pour garantir la soutenabilité à long terme des projets d’expansion.
Selon Émile Ouosso, cette synergie publique-privée « permettra de débloquer le financement des lignes rurales, tout en accélérant la modernisation des pôles industriels qui soutiennent la diversification économique voulue par les plus hautes autorités ».
Cap 2030, cap panafricain
En signant la Convention de Dar es Salam, le Congo a rejoint une feuille de route continentale qui vise à offrir l’électricité à 300 millions de personnes privées de réseau, rappelant son propre objectif de six millions de nouveaux abonnés en sept ans.
Le Sommet africain pour l’Énergie de 2025, organisé par la Banque mondiale, la BAD et leurs partenaires, a posé les bases de cette dynamique, autour d’un mot d’ordre : « Accélérer l’avenir énergétique en Afrique ».
À Brazzaville, les autorités voient dans le Pacte national énergétique le prolongement naturel de cet élan panafricain, une occasion d’ancrer le pays dans la croissance verte tout en consolidant son leadership régional sur la question de l’intégration électrique.
Calendrier de mise en œuvre et gouvernance
Le décret prévoit la création d’un comité interministériel chargé de suivre l’avancement des chantiers, de valider les études techniques et d’autoriser les décaissements en fonction d’objectifs trimestriels clairement définis et de publier des rapports publics pour garantir la transparence.
Chaque ministère sectoriel devra désigner un point focal, tandis qu’une plateforme numérique centralisera les données sur la progression des travaux, la disponibilité des fonds et l’impact social, facilitant ainsi la coordination avec les partenaires techniques et financiers.
Le ministre Ouosso annonce la publication prochaine d’un tableau de bord interactif, accessible aux collectivités locales, afin que « chaque citoyen mesure concrètement les progrès réalisés et les bénéfices attendus dans son district ».
Une première évaluation indépendante interviendra douze mois après l’entrée en vigueur du texte, pour ajuster les financements et accélérer les projets retardataires.
