Danger sur la ressource vitale
Le soleil tape déjà fort sur le neuvième arrondissement quand la délégation de La Congolaise des eaux franchit le portail du complexe de Djiri. Devant les tuyaux géants, des briques empilées, des tôles et quelques murs en cours d’élévation trahissent une activité de chantier ininterrompue.
Guy Serge Ndinga Ossondjo, directeur des exploitations, ne cache pas son inquiétude : « Ces travaux sauvages menacent directement le service public de l’eau ». Derrière lui, la gendarmerie constate les faits, tandis que les journalistes recueillent les premières images d’une occupation illégale qui gagne du terrain depuis plusieurs semaines.
Le complexe, mis en service dans les années 1980 pour sécuriser l’approvisionnement de la capitale, capte et traite aujourd’hui près de 70 % du volume distribué aux ménages de Brazzaville. La moindre perturbation sur ce site se répercute instantanément sur les robinets de plus d’un million d’habitants.
Un site stratégique sous tension foncière
Classé domaine public de l’État depuis 1982, le périmètre sanitaire de Djiri aurait dû rester inviolable. Pourtant, d’anciens propriétaires fonciers, estimant leur expropriation inachevée, revendiquent toujours des droits et cèdent des parcelles à des investisseurs pressés de construire.
La LCDE décrit un scénario désormais classique : repérage de la zone, installation nocturne de piquets, puis édification rapide de murs avant l’arrivée des forces de l’ordre. Les équipes techniques découvrent souvent l’infraction trop tard, confrontées à des constructions déjà avancées.
Malgré plusieurs injonctions judiciaires, les empiètements se poursuivent. Les responsables de la société rappellent que « le captage, tout comme le traitement de l’eau, repose sur un équilibre fragile ». Une simple infiltration de matériaux non maîtrisés pourrait contaminer le bassin ou casser une canalisation majeure.
Les voix des riverains et des techniciens
Dans le quartier, les habitants observent la situation entre résignation et espoir. Marie-Claire, vendeuse de légumes, redoute de nouveaux rationnements : « Lorsque la pression baisse, c’est nous qui faisons la queue aux bornes-fontaines ».
Moïse, électromécanicien sur le site, confie que chaque pompe doit tourner sans interruption pour maintenir la qualité. « Si une ligne électrique est sectionnée par erreur, la chloration s’arrête en quelques minutes », explique-t-il, soulignant la délicatesse des opérations.
Ces témoignages convergent : l’eau potable n’est pas une ressource abstraite mais un service quotidien, dépendant d’une chaîne technique que la moindre fissure foncière peut gripper.
Enjeux sanitaires et climatiques
Les ingénieurs rappellent que la station de Djiri constitue le premier rempart contre les maladies hydriques. Toute infiltration d’eaux usées ou de débris dans les bassins augmenterait le risque de diarrhées, dysenteries ou choléra, particulièrement durant les saisons pluvieuses.
Dans un contexte de variabilité climatique, où les épisodes d’inondations alternent avec des périodes de fortes chaleurs, préserver un périmètre tampon autour des installations devient encore plus crucial. La multiplication de constructions imperméables pourrait aggraver le ruissellement, saturer les bassins et compliquer les opérations de traitement.
Cadre légal et actions publiques
Le code de l’eau congolais prévoit des zones de protection absolue autour de chaque captage. Depuis le premier constat d’occupation, la LCDE a saisi l’administration foncière, le tribunal de grande instance et sollicité la gendarmerie pour assurer la sécurité du site.
Les autorités locales ont réaffirmé leur engagement à faire respecter les décisions de justice. Des opérations de démolition ciblées ont déjà eu lieu, mais la surface disputée reste importante. La société publique encourage la concertation, saluant la volonté gouvernementale de concilier droit à l’eau et gestion paisible du foncier.
Des pistes de solutions inclusives
Parmi les mesures étudiées figure le bornage numérique du périmètre, appuyé par un relevé GPS afin de lever toute ambiguïté sur les limites officielles. Cette cartographie ouverte permettrait aux riverains de vérifier simplement s’ils se trouvent dans la zone interdite.
La LCDE envisage également un programme d’aménagement paysager : planter des essences locales autour des clôtures pour matérialiser visuellement la bande de protection et créer des emplois de gardiennage vert. Les riverains pourraient ainsi participer à la surveillance écologique du site.
Un guichet social est en discussion pour accompagner les familles affectées. L’objectif : transformer un conflit foncier en partenariat local, où la sécurité de l’eau devient un projet partagé plutôt qu’une contrainte imposée.
Mobiliser la jeunesse et la diaspora
Sur les réseaux sociaux, de jeunes bénévoles lancent déjà des campagnes de sensibilisation sous le hashtag #SauverDjiri. Vidéos explicatives, cartes interactives et séances d’éducation dans les écoles visent à rappeler que chaque geste compte pour protéger le bien commun.
La diaspora congolaise, souvent sollicitée lors de crises, s’informe et relaie les appels de la LCDE. Des ingénieurs établis à Montréal ou Paris proposent bénévolement leurs compétences en télédétection pour suivre l’évolution des occupations et alerter en temps réel.
En unissant expertise locale, soutien institutionnel et mobilisation citoyenne, la capitale se donne les moyens de préserver sa principale source d’eau potable. La vigilance se prolonge, mais la perspective d’une gestion durable, apaisée et inclusive du site de Djiri gagne du terrain.
									 
					