Un podium continental aux allures d’incubateur
La finale continentale 2024-2025 du Championnat Africain de Football Scolaire, disputée à Accra, aura offert bien plus qu’un trophée. En honorant la Ghanéenne Jennifer Awuku et le Sénégalais Souleymane Commissaire Faye, la Confédération africaine de football et son partenaire TotalEnergies ont transformé le podium en véritable incubateur de leadership. Consacrés « Joueurs du Tournoi », les deux adolescents seront invités au Maroc, lors de la Coupe d’Afrique des Nations 2025, pour vivre de l’intérieur la dramaturgie d’une phase finale et officier comme ramasseurs de balles. Derrière la symbolique conviviale se dessine une immersion professionnelle rare : pendant trois semaines, ils découvriront la rigueur logistique, la pression médiatique et le multilinguisme qui régissent un grand événement sportif continental, autant d’expériences susceptibles de réorienter un destin.
L’engagement éducatif au cœur du partenariat
Le Secrétaire général de la CAF, Véron Mosengo-Omba, l’a formulé sans détour : « Nous ne couronnons pas seulement des prestations athlétiques, nous investissons dans le futur du football africain. » La formule n’a rien du poncif. Autour de la compétition, des ateliers de production numérique ont enrôlé huit garçons et filles, formés à la captation d’images, à la rédaction instantanée et au montage court-format pour les réseaux sociaux. La démarche, entièrement financée par la multinationale française, répond à une double exigence : professionnaliser l’écosystème médiatique africain et préparer la relève dans un secteur où les compétences techniques façonnent désormais la visibilité des acteurs.
TotalEnergies, par la voix de son vice-président Marque et Sponsoring, Martin Bertran, confirme ainsi « une contribution forte à la jeunesse africaine ». Le choix de la tranche d’âge scolaire ancre le programme dans un moment charnière du parcours de socialisation : celui où l’investissement symbolique bénéficie d’un rendement maximal sur la confiance en soi, la discipline et l’ouverture internationale. Les frais de voyage, de formation et d’hébergement étant entièrement assumés, l’égalité d’accès est respectée, évitant les écueils d’une sélection basée sur les ressources familiales.
Des valeurs partagées au service de la jeunesse
Au-delà de la dimension sportive, l’opération cristallise un faisceau de valeurs désormais stratégiques pour les institutions africaines : excellence, inclusion, mixité, responsabilité environnementale. Le comité d’organisation a veillé à maintenir une parité symbolique en distinguant une jeune fille et un jeune garçon, signe que les résistances socioculturelles à la pratique féminine s’érodent. La présence de délégations venues d’Afrique centrale, notamment du Congo-Brazzaville, a par ailleurs illustré la volonté des gouvernements de la sous-région de s’aligner sur une diplomatie sportive constructive, sans friction politique. Des représentants de Brazzaville ont ainsi rappelé que la République du Congo, soucieuse de jeunesse et d’intégration régionale, soutient toute initiative susceptible de conjuguer compétition et formation.
L’onde de choc positive pour les fédérations nationales
Pour les fédérations nationales, la distinction d’Awuku et de Faye agit comme un catalyseur. D’un côté, elle crédibilise les programmes scolaires qui, longtemps, peinaient à convaincre de leur pertinence face aux académies privées. De l’autre, elle offre un argument de poids aux gestionnaires publics appelés à justifier l’allocation de ressources supplémentaires vers les infrastructures de proximité. À Dakar comme à Accra, les directions d’établissement rapportent déjà une hausse sensible des inscriptions dans les sections sport-études, signe que l’effet d’entraînement dépasse le cercle restreint des élites urbaines.
Dans cet élan, certaines fédérations envisagent l’intégration de modules sociologiques et psychologiques au sein des stages de détection, reconnaissant que la performance moderne ne saurait se réduire à des critères biométriques. La CAF encourage cette évolution et promet, pour la prochaine édition, un baromètre continental du développement des compétences non techniques – communication, solidarité, gestion du stress – indispensable à la maturité d’un joueur.
Vers un écosystème panafricain du talent
En définitive, l’initiative conjointe CAF-TotalEnergies installe un paradigme nouveau : le football scolaire comme pivot d’un écosystème où la captation d’audience, la valorisation culturelle et l’ascension sociale se combinent. Les expériences structurantes promises aux deux lauréats laissent entrevoir un champ des possibles où l’agentivité des jeunes Africains prime sur la logique extractive souvent décriée dans l’exportation précoce des joueurs vers l’Europe. En articulant apprentissage académique, formation médiatique et reconnaissance institutionnelle, le dispositif endosse la fonction de laboratoire sociopolitique.
Bien sûr, le défi réside dans la pérennisation des financements et dans la diffusion homogène du modèle vers les zones rurales. Néanmoins, la contractualisation à long terme annoncée par TotalEnergies laisse entrevoir une stabilité rare dans le sport africain. Les capitales, de Brazzaville à Nairobi, scrutent déjà les indicateurs de retombées sociales pour calibrer leurs propres politiques de jeunesse. À court terme, le Ghana et le Sénégal savourent la visibilité conférée à leurs ambassadeurs en herbe ; à moyen terme, c’est l’ensemble du continent qui pourrait bénéficier d’une génération mieux formée, consciente de son rôle d’actrice du changement et fière de porter les couleurs africaines sur les pelouses comme dans les studios.