Belém, carrefour climatique
Belém, capitale de l’État du Pará, accueille du 6 au 21 novembre 2025 la trentième Conférence des Nations unies sur le climat. Sous la canopée amazonienne, chefs d’État, chercheurs, ONG et jeunes militants confrontent données scientifiques et réalités de terrain pour accélérer les trajectoires de décarbonation globales urgentes.
La délégation congolaise, conduite par le président Denis Sassou-Nguesso, s’est distinguée dès l’ouverture par un discours ferme et rassembleur. Le chef de l’État a mis en garde contre l’écart persistant entre promesses financières des grandes économies et besoins pressants des pays forestiers pour protéger les puits carbones mondiaux.
Un appel à l’équité climatique
Rappelant les dix ans de l’Accord de Paris, le dirigeant congolais a souligné que le thermomètre planétaire continue d’augmenter alors que les engagements restent partiellement honorés. Selon lui, la crédibilité multilatérale dépend désormais d’une répartition juste de l’effort et d’un calendrier clair de déboursement des fonds promis rapidement.
« La responsabilité commune mais différenciée doit cesser d’être un slogan », a-t-il insisté, rappelant que le Bassin du Congo séquestre chaque année davantage de carbone que l’Amazonie. Pourtant, les pays d’Afrique centrale reçoivent moins de 5 % des financements globaux dédiés aux solutions fondées sur la nature.
Au-delà des chiffres, le Congo appelle à une solidarité active pour préserver la stabilité climatique mondiale. Dans son entourage, des experts évoquent l’idée d’un mécanisme automatique orientant une part des droits de tirage spéciaux du FMI vers les pays gestionnaires de forêts tropicales certifiées et performantes dans l’avenir.
Le leadership forestier du Congo
Statistiques officielles à l’appui, le président a rappelé que 13,5 % du territoire national sont déjà classés en aires protégées, soit plus de quatre millions d’hectares. Ce réseau couvre les parcs emblématiques d’Odzala-Kokoua et de Conkouati-Douli, refuges majeurs pour éléphants, gorilles et pangolins géants menacés par le braconnage.
Outre ces zones, plus de neuf millions d’hectares de concessions forestières sont aménagés sous plans de gestion certifiés, tandis que trois millions supplémentaires suivent le même chemin. La moitié possède déjà un label international FSC ou PEFC, gage de traçabilité et de pratiques respectueuses des communautés riveraines locales.
Ce leadership n’est pas le fruit du hasard. Depuis 40 ans, la loi congolaise exige un aménagement durable des concessions et impose des reboisements compensatoires. Les autorités ont également digitalisé le cadastre forestier pour mieux contrôler les volumes coupés et éviter les exportations illégales de grumes depuis 2022.
À New-York, en 2023, l’Assemblée générale des Nations unies a adopté sous impulsion congolaise la décennie 2027-2036 pour le boisement mondial. Cet agenda place Brazzaville au cœur de la diplomatie verte et ouvre des perspectives de partenariats techniques avec le Brésil, l’Indonésie et le Gabon dès l’an prochain.
Synergies financières pour les forêts
Au podium de Belém, Denis Sassou-Nguesso a salué la création annoncée d’un Fonds pour la préservation des forêts tropicales porté par le Brésil. Pour lui, cet outil complète le Fonds bleu pour le Bassin du Congo et offre une architecture sud-sud innovante facilement alignée sur les besoins locaux.
Des négociations explorent la possibilité de fusionner les guichets de ces deux mécanismes pour simplifier l’accès des porteurs de projets communautaires. L’idée serait qu’un dossier validé dans la Sangha puisse automatiquement bénéficier d’un cofinancement pour des panneaux solaires, des stations météo et des bourses étudiantes à impact durable.
Selon le chercheur brésilien Carlos Nobre, présent à la session, « la connectivité écologique entre Amazonie et Congo nécessite des solutions financières aussi larges que nos rivières ». Un groupe de travail binational devrait présenter en 2026 une feuille de route pour harmoniser les critères de suivi satellite.
Voix des communautés et prochaines étapes
À Brazzaville, les organisations autochtones se félicitent déjà des retombées diplomatiques. Julienne Loubassou, coordinatrice du Réseau national des femmes forestières, espère que « la Déclaration de Brazzaville », issue du premier congrès des trois bassins, sera annexée au texte final de la COP30 pour guider les bailleurs concrètement.
Sur le terrain, les communautés de la Cuvette-Ouest rappellent l’urgence d’aires protégées bien gérées. Celles-ci demandent un équipement radio, des patrouilles mixtes et la reconnaissance légale de leurs forêts communautaires pour damer le pion aux trafiquants ciblant le bois kévazingo hautement prisé sur les marchés asiatiques depuis longtemps.
Le ministère de l’Économie forestière indique travailler à une plateforme participative divulgant en temps réel les recettes du carbone et leur redistribution. Cette transparence vise à renforcer la confiance des habitants et à montrer que la finance climatique peut effectivement irriguer les villages enclavés et accélérer des projets.
D’ici la clôture, les négociateurs examineront la proposition congolaise de réserver aux États à haute couverture forestière un quota additionnel de crédits carbone souverains. Si elle est adoptée, cette mesure pourrait valoriser davantage les services écosystémiques rendus et consolider le rôle moteur du Congo sur la scène climatique.
