Brazzaville fait le point avant Belém
Deux semaines après l’ouverture de la « Quinzaine du gouvernement », Brazzaville a placé l’environnement au cœur du débat public. En présence des médias nationaux, la ministre Arlette Soudan-Nonault a détaillé la feuille de route climatique du Congo en vue de la COP30.
Dans la salle, chercheurs, ONG et jeunes entrepreneurs écologiques ont scruté les annonces, conscients que la prochaine conférence mondiale, prévue en novembre prochain à Belém, au Brésil, sera déterminante pour orienter les flux financiers vers les forêts du bassin.
Cette séance, coanimée par le porte-parole Thierry Lézin Moungalla, a replacé l’action climatique congolaise dans une dynamique régionale, sans ignorer les urgences locales telles que la qualité de l’air urbain ou la gestion des déchets.
Au-delà de la communication, plusieurs dossiers techniques ont été ouverts aux questions, renforçant la transparence prônée depuis l’installation, cette année, de l’Agence nationale de l’environnement, chargée de suivre indicateurs et évaluations.
Des réformes pour une gouvernance verte
Première annonce forte : la révision complète de la loi-cadre de 1991 sur l’environnement, désormais réorientée vers la gestion durable, la valorisation économique des écosystèmes et la participation communautaire.
La ministre rappelle que ce texte actualisé intègre des instruments financiers innovants, dont la tarification du carbone et des incitations fiscales pour les entreprises qui réduisent leur empreinte, une orientation saluée par plusieurs acteurs privés rencontrés en marge de la conférence.
Autre pilier de la réforme, la création d’un registre national des émissions permettra de centraliser les inventaires sectoriels, facilitant l’accès aux marchés internationaux de compensation et renforçant la crédibilité des données nationales.
Selon le professeur Henri Massamba, climatologue à l’Université Marien-Ngouabi, « la traçabilité des chiffres est décisive : c’est ce qui conditionnera l’entrée de nos projets dans les financements verts ». Son avis rejoint celui de l’Agence française de développement, partenaire historique.
Un observatoire participatif, composé de représentants traditionnels et d’experts indépendants, doit aussi voir le jour pour assurer le continuum entre connaissances locales et décisions de l’État, un point jugé essentiel par les ONG de la Likouala.
Fonds bleu et transition énergétique
La rencontre a ravivé l’intérêt pour le Fonds bleu pour le Bassin du Congo, mécanisme lancé en 2017 et logé à la Banque de développement des États d’Afrique centrale, destiné à mobiliser dix milliards de dollars sur dix ans.
La ministre précise que 19 programmes sont déjà validés, couvrant agroforesterie, pêche durable et électrification solaire des zones enclavées; les premières conventions de financement pourraient être signées avant mi-année prochaine.
Sur le volet énergie, le gouvernement veut consolider le mix, dominé à 60 % par l’hydroélectricité, en intégrant 200 MW supplémentaires de solaire d’ici 2026, projet soutenu par la Banque africaine de développement.
Des négociations sont aussi avancées avec un consortium sino-congolais pour la production locale de réchauds à gaz à bas coût, mesure attendue pour réduire l’utilisation du charbon de bois autour de Brazzaville et Pointe-Noire.
Patrimoines naturels sous surveillance
Interpellée sur la dégradation du lac Tchipounga, réserve cruciale pour l’oiseau échasse africain, la ministre a confirmé qu’une mission inter-services se rendrait sur place début décembre pour dresser un plan de sauvegarde en lien avec les communautés riveraines.
Le dossier de la biosphère de Dimonika, inscrite à l’Unesco, fait également l’objet d’un examen, notamment pour concilier exploitation artisanale de l’or et conservation de la forêt humide où l’espèce endémique Cola lizae est menacée.
Un comité scientifique tripartite, associant l’Institut national de recherche en sciences exactes et naturelles, l’université et les ONG locales, doit livrer des recommandations chiffrées sur les taux d’extraction admissibles avant fin mars.
« La protection de Dimonika est compatible avec un artisanat responsable », assure Mireille Itoua, coordinatrice de l’ONG Écotropique Congo, qui plaide notamment pour la restauration des anciens sites miniers via la plantation d’espèces à croissance rapide.
Appel citoyen et perspectives COP30
En clôture, Arlette Soudan-Nonault a rappelé que « nul n’est à l’abri du changement climatique », invitant les ménages à trier leurs déchets et à éviter les feux de brousse qui libèrent du carbone et appauvrissent les sols.
Une campagne de sensibilisation numérique devrait démarrer sur les réseaux sociaux avant janvier, avec des vidéos didactiques en lingala, kituba et français pour toucher l’ensemble de la population urbaine et rurale.
Le Congo entend arriver à Belém avec un rapport d’étape robuste ; il exposera notamment l’impact de sa stratégie sur la séquestration de 800 millions de tonnes de CO₂ dans les tourbières et mangroves surveillées par télédétection.
Selon les services du ministère, des partenariats avec l’Institut brésilien de recherche spatiale sont envisagés pour harmoniser les algorithmes de suivi, élément apprécié par les scientifiques consultés pour renforcer la comparabilité des données.
En combinant réformes juridiques, projets concrets et mobilisation citoyenne, Brazzaville veut confirmer son statut de « pays solution » et ouvrir une voie équilibrée entre développement et préservation, message qu’elle compte réaffirmer devant la communauté internationale en novembre prochain.
									 
					