Les jeunes, vigie du climat congolais
Dans un bureau lumineux de Brazzaville, Arlette Soudan-Nonault a reçu Mariavittoria Ballotta pour discuter d’un point précis : comment faire de la jeunesse congolaise la sentinelle active des forêts et du climat national. La rencontre, inédite, marque un nouveau chapitre de coopération.
Pour la représentante de l’Unicef, il ne suffit plus d’enseigner les enjeux environnementaux. « Les jeunes doivent s’asseoir à la table des négociations », résume-t-elle, rappelant l’impact direct des inondations sur la scolarité et la santé des enfants du pays.
La ministre a salué « un partenariat gagnant-gagnant ». Elle rappelle que le Congo, hôte de 10 % du massif forestier mondial, mise sur une diplomatie verte reconnue. « Impliquer nos jeunes, c’est sécuriser l’avenir de ce capital naturel », insiste-t-elle.
Changement climatique et vulnérabilité des enfants
Les crues de l’Oubangui, devenues plus fréquentes, forcent chaque année des centaines de familles à quitter leur maison. Les classes improvisées sous tentes illustrent la fragilité du système éducatif face aux aléas climatiques qui menacent aussi les points d’eau potable.
Selon une analyse conjointe ministère-Unicef publiée en 2022, plus d’un enfant sur trois vit dans une zone à risque d’inondation. Cette réalité confère légitimité à la demande d’entendre leur voix dans les forums internationaux sur le climat.
« Quand les rivières débordent, notre école ferme et nos livres sont perdus », témoigne Grâce, 14 ans, élève de Mossaka. Son récit, relayé par une ONG locale, illustre la nécessité d’un plaidoyer porté par ceux qui subissent déjà les effets du réchauffement.
Des données locales pour des actions ciblées
À Brazzaville, une cellule mixte statistique se met en place. Objectif : croiser données climatiques, cartes de vulnérabilité et indicateurs sociaux pour déterminer où construire des écoles sur pilotis ou renforcer les digues. L’Unicef fournit logiciels et formation aux techniciens nationaux.
Cette cartographie dynamique doit alimenter le nouveau Plan national de développement 2025-2029. « Sans chiffres précis, pas de priorités claires », rappelle un haut cadre du ministère de l’Économie, soulignant que la budgétisation sensible au climat gagne du terrain.
Les partenaires envisagent aussi d’intégrer ces données dans le portail open-data national afin que chercheurs, start-ups et collectivités puissent développer des applications d’alerte ou de suivi communautaire des crues.
Vers une délégation congolaise rajeunie à la COP30
Le Brésil, qui accueillera la COP30 en 2025, pourrait voir arriver une délégation congolaise incluant une dizaine de jeunes ambassadeurs du climat. Ils seront sélectionnés via un concours national, basé sur la pertinence de projets locaux de résilience.
Les lauréats bénéficieront d’une formation accélérée en négociation climatique, réalisée avec l’appui de l’Institut de la Francophonie pour le développement durable. Cette montée en compétences garantira des interventions techniques sur les financements des pertes et dommages, sujet crucial pour le Congo.
« Nous voulons qu’ils défendent des solutions éprouvées sur le terrain, pas de simples slogans », précise Mariavittoria Ballotta. Le gouvernement assure couvrir les frais logistiques, confirmant ainsi son engagement à la participation inclusive.
Des écoles plus résilientes, priorité nationale
Le programme Écoles Climat prévoit de réhabiliter cinquante établissements riverains du fleuve Congo. Toitures solaires, citernes de récupération d’eau de pluie et potagers pédagogiques y seront installés. Le financement provient pour moitié du budget national, le reste d’un fonds vert international.
La commune de Makoua sert de pilote. Les premiers panneaux solaires y alimentent désormais l’éclairage des salles de classe et un petit laboratoire informatique. Les enseignants notent déjà une baisse de l’absentéisme, preuve qu’adaptation et réussite scolaire peuvent avancer ensemble.
En parallèle, des clubs environnement vont naître dans chaque établissement rénové. Encadrés par des ONG locales, les élèves mèneront des campagnes de reboisement de mangroves et de collecte des déchets plastiques flottants, renforçant le lien entre école et communauté.
Construire une gouvernance verte inclusive
Au-delà de la COP, le Congo prévoit d’intégrer deux représentants de la jeunesse au comité national sur le carbone, chargé de superviser les projets REDD+. Ils disposeront d’un droit de vote consultatif, symbole d’une gouvernance renouvelée.
La stratégie nationale de communication climatique sera révisée pour donner la priorité aux langues nationales, afin que les informations d’alerte et les messages d’atténuation soient compris de tous. Les radios communautaires des Plateaux et du Niari recevront du matériel pour émettre pendant les crues.
« Nous posons les jalons d’un modèle où personne n’est laissé de côté », résume la ministre. UNICEF et gouvernement conviennent de publier chaque année un rapport conjoint, mesurant la participation des jeunes et l’impact des politiques sur leur quotidien. Cette obligation de résultats ancre l’engagement dans la durée.
