Belém met le Congo sous les projecteurs
A Belém, en marge des premières négociations techniques de la COP30, le WWF a placé le Bassin du Congo au centre d’une campagne mondiale baptisée « Paquet de Belém pour l’Afrique ». L’initiative vise à faire reconnaître officiellement ce massif forestier comme infrastructure climatique stratégique.
Cette demande rejoint la position exprimée par Brazzaville lors des Sommets des trois bassins, où le président Denis Sassou Nguesso a rappelé que la forêt congolaise est un « bouclier naturel que l’humanité ne peut se permettre d’ignorer » (discours présidentiel, 2023).
Un réservoir de carbone scruté par la science
Selon les données combinées du Centre de suivi écologique de Kinshasa et de l’Observatoire congolais de la biodiversité, le Bassin du Congo stocke plus de trente milliards de tonnes de carbone, soit quatre années d’émissions mondiales. Ses grands marais tourbeux séquestrent à eux seuls un tiers de ce stock colossal.
Un rapport préliminaire du Groupe d’experts intergouvernemental africain indique que ce puits pourrait diminuer de 10 % d’ici à 2030 si la déforestation se poursuit au rythme actuel. La surveillance satellitaire mise en place par l’Agence congolaise de télédétection confirme déjà un léger fléchissement des capacités d’absorption.
Voix d’experts congolais
Pour le Dr Justine Oba, chercheuse à l’Université Marien-Ngouabi, « la science met des chiffres, mais la diplomatie doit leur donner une valeur politique ». Elle souligne que le Congo a déjà inscrit la neutralité carbone des forêts naturelles dans sa Contribution déterminée au niveau national révisée.
Du côté du ministère de l’Économie forestière, un conseiller technique rappelle que la stratégie nationale REDD+ phase II privilégie désormais les corridors écologiques transfrontaliers et le paiement direct aux communautés, « pour que les flux financiers ne se perdent plus en chemin ».
Des communautés forestières en première ligne
Dans le département de la Sangha, la cheffe coutumière Yvonne Ngombé témoigne: « Nous protégeons les arbres sacrés parce qu’ils protègent nos rivières ». Elle souhaite que le futur Paquet de Belém prévoie un fonds dédié aux petites infrastructures hydrauliques, vitales pendant les saisons sèches prolongées.
Une enquête menée par l’ONG Rencontre pour la Paix et les Droits recense déjà vingt-cinq micro-projets agroforestiers financés par des revenus carbone. Les exploitants notent une diversification des revenus et une baisse de l’exode rural. « Mais l’échelle reste microscopique face aux besoins », avertit l’ONG.
Des chiffres qui parlent financement
Le WWF estime qu’il faudrait 100 dollars par hectare et par an pour assurer une gestion durable du massif. Avec ses 200 millions d’hectares, la facture atteint 20 milliards chaque année. En 2023, seuls 1,1 milliard ont été mobilisés pour l’ensemble des six pays du Bassin, dont 14 % vers le Congo.
Pour inverser la tendance, le Paquet de Belém propose de flécher au moins 30 % des financements climatiques mondiaux vers l’Afrique, avec des décaissements simplifiés. Les négociateurs congolais insistent sur la transparence pour rassurer investisseurs et bailleurs soucieux de garanties environnementales robustes.
Transition énergétique : cap sur le gaz vert et le solaire
L’accord encourage également une transition énergétique juste. Au Congo, la Société nationale des pétroles planche sur la récupération du gaz torché pour le convertir en électricité bas-carbone. En parallèle, le projet solaire de Ngoyo, soutenu par la Banque africaine de développement, vise 50 MW dès 2026.
Entre adaptation et résilience locale
Les ministères congolais de l’Environnement et de la Santé finalisent un atlas des vulnérabilités climatiques, cartographiant les zones à risque d’inondation et de paludisme. L’outil, accessible en ligne, doit guider les communes dans leurs plans d’urbanisme et orienter les assureurs vers des produits indexés sur le climat.
À Pointe-Noire, l’association Jeunes Sentinelles teste déjà un système d’alerte SMS en marge du même atlas. « Nous recevons le niveau des rivières en temps réel, cela évite les évacuations tardives », explique la coordinatrice, qui espère un financement durable pour déployer l’outil.
Feuille de route Bakou–Belém : quel calendrier ?
D’ici à juillet, un comité mixte Union africaine-Brésil doit préciser les jalons de la feuille de route Bakou–Belém. Les équipes congolaises, reconnues pour leur expertise sur les stocks de carbone des tourbières, co-présideront le groupe sur la biodiversité et l’intégrité des écosystèmes.
Une première évaluation des engagements financiers est attendue à la pré-COP de Lomé. Les ONG congolaises y verront un test de crédibilité. « Les promesses non tenues minent la confiance », rappelle Ernest Makoumbou, coordinateur du Réseau climat Congo, vigilant sur la mise à disposition des fonds.
Un momentum africain à la COP30
Au-delà des chiffres, la COP30 fait émerger une diplomatie climatique africaine plus assertive. Les délégations de la CEA planchent sur une position commune incluant la réforme de l’architecture financière internationale. Brazzaville soutient cette dynamique pour « sortir du tête-à-tête Nord-Sud », confie un négociateur senior.
D’ici à la séance plénière finale, la question sera de savoir si le Paquet de Belém pour l’Afrique se traduira par des contributions nouvelles, additionnelles et prévisibles. Les représentants congolais affichent leur optimisme, rappelant que « la stabilité de la planète passe aussi par la Sangha et la Likouala ».
