Le joyau Conkouati-Douli, coeur vert côtier
Au bord de l’océan Atlantique, le parc national de Conkouati-Douli étale 8 000 km² de forêts, lagunes et mangroves où éléphants de forêt croisent tortues luth. Sa richesse écologique fait de ce littoral congolais un atout climatique régional autant qu’un moteur potentiel de développement durable.
Pressions extractives : comprendre les enjeux
Depuis avril, le Centre d’actions pour le développement, une organisation congolaise, alerte sur deux permis pétroliers qui recouvrent, selon son analyse, plus de la moitié du territoire terrestre du parc et près de 90 % de ses zones humides vitales.
Dans une lettre ouverte adressée aux membres de la Commission Climat du Bassin du Congo, le C.a.d estime qu’une telle emprise « compromet la protection des forêts, du climat et des espèces uniques ». L’organisation demande la suspension des permis en attendant des évaluations indépendantes.
Le ministère congolais de l’Environnement rappelle de son côté que le Code de protection de la nature prévoit des procédures de zonage et une obligation d’étude d’impact avant toute activité industrielle à l’intérieur ou à proximité d’une aire protégée.
Voix des communautés riveraines
« Nous avons demandé aux opérateurs de produire un cahier de charges environnemental et social conforme aux normes internationales », indique un cadre du ministère, convaincu qu’un dialogue inclusif peut concilier croissance énergétique et sauvegarde de la biodiversité congolaise.
Les communautés issues des villages de Nzambi, Tchisseka ou Cotovindou vivent de pêche artisanale, d’agro-foresterie et, depuis peu, d’un écotourisme naissant. Plus de 7 000 habitants dépendent directement de la bonne santé des mangroves et des plages où nichent les tortues marines.
Adeline Mabiala, présidente d’une coopérative féminine de transformation de poisson, raconte que les revenus liés au parc ont triplé depuis l’ouverture d’un sentier d’observation des primates. « Nous voulons que les décisions sur le pétrole n’effacent pas ces progrès locaux », insiste-t-elle.
Science et surveillance continue
Sur le terrain, les écogardes de l’Agence congolaise des aires protégées poursuivent les patrouilles anti-braconnage, tandis que des ingénieurs de l’Université Marien-Ngouabi cartographient en temps réel les habitats sensibles à partir d’images satellites fournies par l’Agence spatiale européenne.
Selon leurs premières analyses, les zones humides sujettes aux permis constituent également des nurseries pour les lamantins et des amortisseurs naturels face aux tempêtes côtières, un service écosystémique estimé à plusieurs millions de dollars par an.
Options pour une cohabitation responsable
Plusieurs experts en économie verte jugent possible de développer des activités pétrolières offshore tout en renforçant la protection du cœur terrestre du parc, à condition de mettre en place des forages directionnels et un fonds de compensation géré de façon transparente par les parties prenantes.
L’idée est déjà testée au Gabon voisin, où des redevances environnementales financent la surveillance satellitaire et les micro-crédits agricoles autour du parc de Loango. Le Congo pourrait s’inspirer de ce mécanisme régional, selon le professeur Georges Mombo, écologue.
Du côté des compagnies, la société Wing Wah Oil, titulaire présumée d’un des blocs, assure qu’elle « respectera strictement » les conclusions de l’étude d’impact attendue et qu’elle travaille déjà à un protocole de partage de données avec les chercheurs congolais.
Renforcement du cadre juridique et financier
Sur le plan légal, le gouvernement a lancé en début d’année une révision du décret de création du parc afin de clarifier les limites de la zone tampon de cinq kilomètres et d’y renforcer les exigences de consentement libre, préalable et éclairé des populations.
« Ce texte donnera un poids juridique aux accords communautaires et évitera les malentendus », explique Me Pascal Ondongo, juriste spécialisé en droit de l’environnement, qui participe aux consultations publiques entamées à Pointe-Noire.
De leur côté, plusieurs bailleurs, dont la Banque africaine de développement, conditionnent désormais leur soutien financier à la Commission Climat du Bassin du Congo à la mise en œuvre d’un système de suivi-évaluation des impacts cumulés, compatible avec les critères ESG internationaux.
Cette exigence pourrait accélérer l’adoption de plateformes de données ouvertes, où concessions, inventaires fauniques et résultats d’audience publique seraient accessibles aux citoyens, aux investisseurs et aux médias, renforçant ainsi la confiance et la reddition de comptes.
Initiatives locales et vision d’avenir
Pour accompagner la transition, des initiatives de cuisson propre à base de résidus de sciage sont testées dans trois villages riverains, avec l’appui du Programme des Nations unies pour le développement. Elles visent à réduire la pression sur le bois énergie et à créer des emplois verts.
À moyen terme, le futur plan d’aménagement du parc prévoit d’intégrer les couloirs migratoires des éléphants dans les schémas d’infrastructures, afin d’éviter les conflits homme-faune et de sécuriser les cultures vivrières qui alimentent Pointe-Noire.
En définitive, le débat ouvert autour de Conkouati-Douli incarne la recherche d’un équilibre entre valorisation des ressources énergétiques, droits des communautés et sauvegarde d’un patrimoine naturel que le Congo s’est engagé à transmettre intact aux générations futures.
