Un virage institutionnel attendu
Dans l’hémicycle brazzavillois, l’approbation à une large majorité de la loi instituant l’Agence nationale de l’environnement marque une inflexion notable dans la trajectoire de la République du Congo. Cette entité publique à caractère administratif a été pensée comme l’interface opérationnelle entre la stratégie gouvernementale et les impératifs de conservation des écosystèmes. À travers cette matérialisation législative, les pouvoirs publics entendent doter le pays d’un instrument capable de répondre à l’accélération des menaces qui pèsent sur les forêts tropicales du Bassin du Congo, deuxième poumon vert de la planète, tout en soutenant la diversification économique impulsée par le Plan national de développement.
Un cadre juridique aligné aux normes internationales
Le texte adopté s’inscrit dans la continuité de la loi 33-2023 sur la gestion durable de l’environnement et du récent document de politique nationale en la matière. Il met ainsi à jour un appareil juridique jusqu’ici régi par la loi 003-91 de 1991, conçue à une époque où la pauvreté des indicateurs climatiques occultait l’imminence de crises telles que la prolifération des plastiques ou l’érosion massive de la biodiversité. La nouvelle agence aura pour mandat d’harmoniser l’application des conventions multilatérales ratifiées par le Congo, dont l’Accord de Paris et la Convention de Ramsar, afin d’assurer une cohérence des actions nationales avec les lignes directrices onusiennes. « Nous voulons passer d’une logique de réaction à une logique d’anticipation », a fait valoir la ministre de l’Environnement, du Développement durable et du Bassin du Congo, Arlette Soudan-Nonault, soulignant la nécessité d’outils institutionnels agiles.
Outils opérationnels au service de la biodiversité
Dotée de prérogatives de coordination, de contrôle et d’évaluation, l’Agence nationale de l’environnement aura entre autres missions de délivrer les études d’impact environnemental, de superviser les audits de conformité industrielle et de centraliser les données relatives aux émissions de gaz à effet de serre. La perspective d’un guichet unique répond à la demande des investisseurs et des collectivités désireux d’obtenir des procédures plus lisibles. À travers une approche intersectorielle, l’institution devra également promouvoir la gestion intégrée des déchets et la valorisation des filières circulaires, en adéquation avec les priorités fixées dans la Stratégie nationale zéro plastique élaborée en 2022.
Synergies régionales et diplomatie climatique
L’initiative vient conforter la place prise par Brazzaville sur la scène climatique internationale. Le Sommet des trois bassins forestiers organisé en octobre 2023 avait déjà permis au président Denis Sassou Nguesso de plaider pour un mécanisme de financement dédié aux pays à haut potentiel de séquestration carbone. L’ANE devrait, d’après la commission parlementaire des affaires juridiques, servir de plateforme technique pour la préparation des projets éligibles au marché volontaire du carbone et aux guichets du Fonds vert pour le climat, renforçant ainsi la crédibilité des requêtes congolaises. À moyen terme, elle pourrait ouvrir la voie à des programmes conjoints avec le Gabon et la République centrafricaine, favorisant la mutualisation des bonnes pratiques et la standardisation des inventaires forestiers.
Perspectives financières et gouvernance responsable
La question du financement demeure cruciale pour la mise en œuvre de l’architecture institutionnelle. Dans son exposé, le ministre des Finances a indiqué que l’ANE bénéficierait d’un budget initial adossé au Fonds national pour l’environnement et le développement durable, doté de ressources issues des taxes parafiscales déjà existantes. Une partie des recettes tirées de la fiscalité carbone viendra compléter cet enveloppe, offrant ainsi un modèle de financement hybride associant ressources propres de l’État et contributions internationales. Soucieuse de prévenir tout risque de chevauchement avec les prérogatives des autres ministères, la loi institue un conseil d’administration pluraliste, incluant représentation de la société civile, experts universitaires et partenaires techniques. Cette gouvernance collégiale répond aux exigences de transparence formulées par la Banque mondiale et par la Commission de la CEMAC lors du dernier examen de la politique environnementale régionale.
Le vote conjoint du statut des magistrats de la Cour des comptes et de discipline budgétaire, intervenu lors de la même session, vient par ailleurs consolider le dispositif d’audit externe. Par l’instauration de règles déontologiques renforcées, le législateur espère doter la Cour des instruments nécessaires au contrôle effectif des fonds alloués à la transition écologique. Cet encadrement juridique tisse ainsi un continuum de responsabilité, depuis l’élaboration des politiques publiques jusqu’à l’évaluation de leur exécution.
Cap vers une transition écologique inclusive
En sanctionnant la création de l’Agence nationale de l’environnement, le Parlement ouvre un nouveau chapitre où la protection des ressources naturelles devient un levier reconnu de la croissance inclusive. Si de nombreux défis subsistent, notamment en matière de renforcement des capacités techniques et de mobilisation des communautés locales, la trajectoire adoptée par Brazzaville témoigne d’une volonté politique de traiter l’environnement comme un vecteur de stabilité sociale et d’attractivité économique. Les premiers résultats attendus, à court terme, devraient porter sur l’amélioration des procédures d’évaluation environnementale et la réduction des délais administratifs pour les projets verts. Sur le long terme, c’est la résilience même des territoires face aux chocs climatiques qui se trouve renforcée, confirmant la place du Congo dans le concert des nations engagées pour un multilatéralisme environnemental efficace.