Le Bassin du Congo sous surveillance
Au cœur de l’Hôtel Pefaco Maya-Maya, les 15 et 16 septembre 2025, la conversation tournait autour d’un même mot-clé : rémunération. Soixante voix, venues de ministères, d’ONG, d’entreprises et d’agences onusiennes, ont planché sur le potentiel des paiements pour services environnementaux.
La CAFI, initiative appuyée par plusieurs partenaires internationaux, mise sur la promesse d’un revenu supplémentaire versé aux producteurs qui protègent leur environnement, afin de concilier développement local et sauvegarde des écosystèmes forestiers congolais.
Au-delà des chiffres, l’enjeu est humain : limiter la pression sur la forêt tout en sécurisant les moyens d’existence des familles rurales qui pratiquent l’agriculture de subsistance et le bois-énergie, secteurs cruciaux dans les villages enclavés.
Comment fonctionnent les PSE de la CAFI
Un paiement pour services environnementaux, ou PSE, repose sur un contrat : l’agriculteur modifie sa façon de cultiver ou de gérer les arbres, un indicateur vérifiable mesure le résultat, ensuite l’argent est versé. La logique est donc « récompense contre performance ».
Le Secrétariat permanent chargé de la coordination du partenariat Congo-CAFI veut que cet outil soit simple : un tableau de bord, des seuils clairs, une procédure de vérification participative pour éviter la complexité administrative qui décourage souvent les petits exploitants.
Les ressources proviendront du fonds CAFI, mais aussi d’apports complémentaires que Brazzaville espère mobiliser en présentant un projet pilote dès la COP30 prévue à Belém, au Brésil, en novembre 2025.
Un atelier stratégique à Brazzaville
Lors de l’ouverture de l’atelier, Augustin Ngoliélé, représentant la Primature, a déroulé la feuille de route nationale. Il y figure la duplication progressive du mécanisme sur tout le territoire, en capitalisant sur l’expérience du Projet de renforcement en bois-énergie durable.
En marge des discours, des groupes techniques ont croisé les cartes d’occupation des terres et les listes de villages. Objectif : identifier un premier cercle de bénéficiaires dont les activités pourront être suivies par imagerie satellitaire et visites communautaires.
Carine Saturnine Milandou, qui dirige le Centre national d’inventaire forestier, l’affirme : « Nous sommes dans la phase d’implémentation et de sensibilisation. La réduction de la pression sur la forêt passe par la compréhension et l’adhésion des communautés. »
Les administrateurs locaux présents ont salué la démarche, tout en rappelant la nécessité d’accompagner les populations avec des formations pratiques sur l’agro-écologie et un accès facilité aux semences améliorées, faute de quoi la promesse financière resterait théorique.
Des communautés déjà sur la ligne de départ
Un premier groupe de bénéficiaires, déjà identifié par les services forestiers, expérimente la culture sous couvert arbustif et la valorisation des résidus de récolte pour produire des briquettes de cuisson, solutions mises en avant lors du projet bois-énergie durable.
Selon les techniciens, ces briquettes consomment moins de bois et dégagent moins de fumées nocives, réduisant ainsi la demande en combustible forestier tout en améliorant la santé domestique, deux impacts suivis par des indicateurs disponibles dans la grille nationale des PSE.
Dans les couloirs, un exploitant résume l’attente générale : « Nous n’avons pas peur de changer, mais il faut être sûrs que le paiement arrive à temps ». Les organisateurs assurent que la plateforme nationale garantira la transparence des flux financiers.
Du côté des ONG, on insiste sur la nécessité d’inclure les femmes rurales dans le premier lot de contrats, rappelant qu’elles jouent un rôle central dans l’agriculture vivrière et la collecte de bois-énergie, mais bénéficient rarement des dispositifs incitatifs.
Cap sur la COP30 et l’extension nationale
Prochaine étape : finaliser le dossier technique avant la fin du premier trimestre 2025, puis le soumettre aux bailleurs. Le calendrier reste serré, mais la perspective d’une annonce officielle lors de la COP30 crée une dynamique que tous disent vouloir maintenir.
Jean-De-Dieu Nzila, secrétaire permanent de la coordination, évoque un mécanisme d’escalade : « Après la phase pilote, chaque département pourra émettre sa propre ligne de contrats, en gardant les mêmes indicateurs, pour aller plus vite tout en restant cohérent ».
Les participants s’accordent également sur la nécessité de communiquer largement vers les jeunes, en particulier les étudiants des filières agroforestière, pour qu’ils deviennent des relais locaux capables d’expliquer les critères, de suivre les données et de détecter les blocages sur le terrain.
Les bailleurs, pour leur part, demandent déjà un calendrier de vérification indépendant. Un consortium d’universités nationales et de cabinets tiers sera mandaté pour publier, chaque semestre, un rapport public assorti de cartes interactives accessible aux citoyens connectés depuis un smartphone.
Ce souci de transparence répond à la feuille de route fixée par la Primature, convaincue que la confiance du public est la meilleure garantie de pérennité financière : plus la preuve est solide, plus les partenaires seront enclins à alimenter le fonds CAFI.
En définitive, le pari du Congo est clair : transformer la valeur écologique de ses forêts en revenu direct pour les communautés, sous contrôle public et avec l’appui des partenaires. À cinq cents jours de la COP30, le chronomètre est déjà lancé.
