Richesse forestière et rôle climatique mondial
Peu de pays combinent, à l’échelle du bassin du Congo, une densité aussi faible de population et une couverture forestière aussi vaste que la République du Congo. Les 23 millions d’hectares de forêts équatoriales, dont l’immense complexe de tourbières découvert en 2017, stockent près de trente milliards de tonnes de carbone selon le Centre de recherche forestière internationale. « La préservation de ce patrimoine n’est pas une option, c’est une obligation morale envers l’humanité », rappelle la ministre congolaise de l’Environnement, Arlette Soudan-Nonault. Dans ce contexte, le gouvernement inscrit la gestion durable des paysages dans sa stratégie climatique, en phase avec l’Accord de Paris et les contributions déterminées au niveau national déposées en 2021.
Diversification économique et transition bas-carbone
Dominée par le pétrole – plus de la moitié du produit intérieur brut et 80 % des exportations – l’économie congolaise reste vulnérable aux chocs exogènes. Pour atténuer cette dépendance, le Plan national de développement 2022-2026 promeut l’agroforesterie, l’écotourisme et l’économie numérique, trois secteurs peu émissifs et intensifs en emplois. Dans la Likouala, des parcelles pilotes mêlant cacao, banane plantain et essences locales affichent déjà, selon l’Institut national de recherche forestière, une productivité 40 % supérieure aux monocultures traditionnelles. L’approche s’appuie sur les principes de l’économie circulaire : résidus agricoles valorisés en biochar, énergie produite à partir de coques de palmier, transport optimisé.
Filets sociaux et cohésion environnementale
Toute transition environnementale durable exige une assise sociale. Le programme Lisungi, financé à hauteur de 133 millions de dollars par la Banque mondiale, a touché plus d’un million de bénéficiaires grâce aux transferts monétaires conditionnels liés à la scolarisation et à la santé. Ces dispositifs réduisent la pression anthropique sur les forêts en offrant des revenus alternatifs aux communautés riveraines des aires protégées. D’après l’Observatoire congolais des changements climatiques, les villages participant au Lisungi enregistrent une baisse de 17 % des défrichements illégaux. « La protection de la forêt gagne en légitimité lorsque les familles voient leurs conditions de vie s’améliorer », souligne Korotoumou Ouattara, représentante de la Banque mondiale à Brazzaville.
Partenariats financiers et gouvernance écologique
La montée en puissance de la diplomatie climatique congolaise se manifeste par la diversification de ses partenaires. Aux côtés de la Banque mondiale, l’AFD, l’Union européenne, la Banque africaine de développement et les Nations unies financent des projets de restauration paysagère, d’électrification rurale par mini-réseaux solaires et de surveillance satellitaire des incendies. Le Trésor national, en renforçant la discipline budgétaire, a réduit le ratio dette publique-PIB de 103,5 % en 2020 à 86,6 % deux ans plus tard, créant de l’espace pour des obligations vertes envisagées en 2026. Cette gouvernance budgétaire, saluée par le Fonds monétaire international lors de la sixième revue de la Facilité élargie de crédit, sécurise les flux financiers nécessaires à la transition.
Perspectives régionales à l’horizon 2026
Prolongeant la présidence actuelle, la feuille de route climatique entend positionner Brazzaville en chef de file de la préservation des tourbières tropicales, au même titre que Jakarta pour l’Asie du Sud-Est. La mise en service annoncée d’un centre régional de modélisation climatique, en partenariat avec l’Agence spatiale européenne, fournira aux pays du bassin des données en temps réel sur la captation de carbone. Sur le plan social, l’objectif est de ramener la pauvreté monétaire de 46,5 % à 40 % tout en réduisant le chômage des jeunes grâce aux nouveaux métiers verts. Si les contraintes subsistent – enclavement des zones forestières, vulnérabilité aux variations des cours du brut – la convergence entre politiques publiques, financements internationaux et expertise scientifique confère au Congo-Brazzaville une fenêtre d’opportunité inédite pour articuler souveraineté économique et exigence climatique.